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Une Histoire brève du Chalet Cochand

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    Admin
  • 12 août
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 août

Par Pierre Cochand (1)


Mon père, Émile Cochand est né en 1890, dans le village de Sainte-Croix, dans le canton de Vaux, en Suisse. Il n'avait que cinq ans quand il apprit à skier sur des skis de fabrication domestique faits de douves pour tonneaux. Il mit toute son âme à ce sport qu'il aimait. Soutenu par le plan du gouvernement qui aidait les jeunes skieurs suisses (ce qui lui permit, entre autres avantages, d'avoir les skis adéquats nécessaires à la compétition), il allait devenir, éventuellement, champion pour la Suisse de saut à skis.

 

Après son service militaire, mon père se vit offrir par M. Ernest Desbaillets, gérant de l'hôtel Ritz Carlton à Montréal de venir au Canada, ouvrir une école de ski dans les Laurentides.

 

En 1911, avec la permission de ses parents, mon père acceptait cette invitation et venait à Montréal. Tôt après son arrivée, il prit le train pour Sainte-Agathe-des-Monts où il allait commencer son école de ski au Laurentide Inn. Du train, il scrutait les montagnes, mais habitué aux Alpes, il ne voyait que des rochers et des pentes douces. Où allait-il donc pouvoir enseigner le ski? Une fois installé, il a cherché les meilleurs endroits skiables. Petit à petit, il a convaincu les fermiers, quelque peu récalcitrants au départ, de le laisser tracer les pistes à travers leurs champs.


L'hiver qui suivit son arrivée, 1912-1913, son école de ski fonctionnait déjà très bien. Il avait comme élèves les clients de l'hôtel Laurentide Inn et aussi des skieurs qui avaient déjà fait du ski en Europe. Dans la «New Canadian Encyclopaedia», il est cité comme le premier instructeur de ski au Canada.


Tôt après la déclaration de la guerre de 1914, le Laurentide Inn devint un hôpital de convalescence pour vétérans. Mon père retourna à Montréal où il ·fut employé par la maison Henry Birks à faire de l'encadrement et à fabriquer des boîtes à bijoux. À ce moment, le gouvernement canadien offrait des terrains dans les provinces de l'ouest pour encourager l'installation des fermiers, il décida alors d'aller explorer ce domaine. Après certaines recherches, il décida que son avenir était meilleur au Québec, et il revint à Montréal.

1  Pierre Cochand a donné sa conférence à une réunion de la Société d'Histoire de Sainte-Marguerite et de l'Estérel qui a eu lieu exceptionnellement à l'Hôtel de ville de Sainte-Marguerite, le 17 septembre 1994.


En 1914, il épousait Léa Berger, une jeune suisse qu'il avait connue au Laurentide Inn. L'année suivante, ils achetaient une maison de ferme et plusieurs acres de terre à Sainte-Marguerite-Station (2). Ici, ils ouvraient leur petite maison aux vacanciers et après avoir déboisé des pentes de son domaine, mon père leur donnait des leçons de ski.

 

En 1919 ou 1920, la maison fut rasée par le feu mais fut vite rebâtie, mais en plus grand. Le Chalet Cochand naissait! Comme les skieurs venaient de plus en plus nombreux, le commerce devint de plus en plus prospère ; on acquit de nouveaux terrains, plus de côtes et de pistes furent défrichées. À la fin, mon père possédait mille acres de terre et des milles de pistes de ski.


Un barrage fut construit sur un ruisseau qui coulait dans la vallée formant ainsi un lac où les clients pouvaient nager ou canoter. Ce lac se nomme le lac Lucerne. En été, les pistes de ski étaient idéales pour la marche, les pique-niques et servaient les amateurs de pêche à la truite qui les empruntaient pour se rendre au petit lac Cochand.

 

La famille s'était agrandie et comptait maintenant deux filles et trois garçons : Yvonne, Suzanne, Louis, Émile Jr et moi, Pierre.


Comme la clientèle augmentait, l'entreprise dût grandir avec elle. Au début, ma mère faisait la cuisine et supervisait le personnel. Plusieurs de nos employés venaient de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson et portaient des noms qu'on retrouve encore dans le village : Brière, Denis, Longtin, Potvin, Lecault (3), pour n'en nommer que quelques-uns. Une piscine, un tennis, et plus tard une écurie qui abritait des chevaux d'équitation furent ajoutés. Plusieurs chalets furent construits pour les familles qui passaient l'été avec nous.

 

Ma mère avait une petite boutique dans un coin de la grande salle. Ici les clients pouvaient commander des tricots fait main dont ils pouvaient choisir les couleurs et les motifs variés. Elle prenait les mesures, puis expédiait la laine, les mesures et les modèles à ses tricoteuses. Le tout revenait en peu de temps, à la grande satisfaction des clients. Ces tricots étaient très beaux et très populaires, surtout auprès des nombreux américains.

 

2  Cette terre était à la limite de Sainte-Adèle et de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. La maison était connue des gens comme l'Auberge de mademoiselle Lemaire. comme nous l'indique Mlle Malo en note de bas de page de l'article de M. Bruchési.

 

3  Monsieur Pierre-Paul Lecault, en particulier, se rappelle avoir travaillé, avec son frère Marcel ainsi que Philippe Charbonneau, à bâtir la maison où M. Rolland Beaulieu, ingénieur, gendre de M. Emile Cochand assumait la responsabilité… En son absence, c'était M. Charles McGuire de Mont­ Rolland qui dirigeait les travaux. C'était fait avec les moyens du temps : le creusage pour les fondations fut assuré par une pelle à bascule tirée par deux chevaux et manœuvrée par un homme à l'aide de deux manchons... et tout le ciment avait été démêlé à la main à la grosse pelle carrée...


Je me rappelle les mascarades du 1ᵉʳ août, fête nationale suisse. Ma mère s'affairait à aider les clients à inventer des costumes pour tout le monde. C'était merveille de voir les prodiges d'imagination : tout y passait : des draperies, des anciens chapeaux, des abat-jour, etc… Mon père se levait tôt ce jour-là et à sept heures précises, d'un coup de fusil, éveillait tout le monde. La journée commençait. Elle allait être émaillée de courses pour jeunes et vieux, de concours de traction à la corde, de lutte suisse, de tir à l'arc, de tir au fusil, de natation, de plongeons et de bien d'autres activités et réjouissances. Dans la soirée, il y avait la mascarade, la danse, le fameux souper-buffet, et, à minuit, un gros feu de joie et des feux d'artifices. C'était l'événement de l'été.

 

Durant la deuxième guerre, il y eut les concours hippiques pour amasser des fonds pour les«Wings for Britain». Les officiers de l'aviation qui logeaient à l'hôtel de la Pointe Bleue, devenu place de repos pour les vétérans, venaient au chalet pour le ski et les sports. Aussi, les pilotes du «Ferry Command» demeuraient avec nous entre les vols outre-mer.


Au milieu des années trente, un câble fut installé sur la colline en face de l'hôtel. Plus tard, de l'autre côté du lac. Un J-Bar, premier monte-pente avec câble d'acier dans les Laurentides, puis par la suite, deux T-Bars furent installés. Pour finir, mon frère Louis inaugura un T-Bar et un télésiège derrière l'hôtel. Toutes les pistes et les pentes étaient maintenant faciles d'accès.


Dans les années 40, des courses annuelles chez les enfants s'organisaient. Les enfants des environs étaient aussi invités. Comme prix, on distribuait des skis et des bâtons. À la fin des compétitions, chaque enfant lançait un ballon soufflé à l'hélium auquel il avait attaché son nom et son adresse. L'enfant dont le ballon voyageait le plus loin gagnait le prix.


Très tôt, mes parents ont fait goûter à leurs clients leur plat traditionnel, «la fondue suisse» qui avait un énorme succès. Plus tard, mon frère, Louis, rapporta de la Suisse un autre plat, «la raclette» qui devint aussi très populaire. J'ose avancer que ces deux plats, si bien connus dans tout le Québec, furent d'abord servis au Chalet Cochand.


Quand mon père se retira dans les années soixante, mon frère aîné, Louis, gérait l'hôtel et Émile Jr était en charge des côtes de ski. À la fin des années soixante, tout le commerce fut acheté par une firme de Chicago. Par la suite, l'hôtel a changé de mains plusieurs fois et fut négligé par chaque nouveau propriétaire. Il n'y a donc plus rien du Chalet Cochand et de la belle maison que mon père avait construite dans les années quarante, elle aussi a été démolie. Une bonne partie de l'histoire du ski au Canada et dans notre communauté est ainsi disparue sans laisser de trace.


Mes parents furent des pionniers des centres de villégiature et d'hôtellerie des Laurentides. La réputation du Chalet pour sa bonne table devint telle qu'on venait de Montréal pour de grands dîners. Mon père aida à ouvrir et entretenir les pistes de ski.


LM-065-16

 
 
 

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