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Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson

La vallée de la Mantawa


Introduction par Michel Allard, membre # 443 Sources : Récit de voyage par Joseph Royal (1869)


En 1869, Louis Archambault, ministre de l'Agriculture du Québec, organise une expédition pour « se renseigner sur la nature des territoires inexplorés situés au-delà des Laurentides »(1).


Partie de Joliette en direction du nord-est, l’expédition se rend jusqu’au Mont-Roberval. De là, elle explore la vallée de la Mantawa (aujourd’hui connue sous le nom de Matawin) jusqu’au confluent de cette dernière rivière et du lac Bourget. De là, l’expédition prend la direction du sud et atteint les lacs Archambault, puis Masson pour enfin se terminer à Terrebonne(2) Le journaliste Joseph Royal, qui accompagne le ministre, nous a laissé le récit de ce périple. Il y décrit le village de Sainte-Marguerite où les voyageurs se sont arrêtés sur le chemin du retour. C’est cette description que nous vous présentons.

Joseph Royal. Source : Bibliothèque et Archives Canada
Joseph Royal. Source : Bibliothèque et Archives Canada

Louis Archambault / Source : Wikimedia
Louis Archambault / Source : Wikimedia

Description de Sainte-Marguerite-du-Lac Masson par Joseph Royal (3)


« Bientôt, nous laissons le canton de Doncaster pour entrer dans celui de Wexford où nous traversons une chaîne non interrompue d'établissements. Nous descendons, nous tournons, puis nous débouchons dans une magnifique route au bout de laquelle apparaît le pittoresque village Sainte-Marguerite-du-Lac Masson. Nous passons modestement, moi du moins, sous un superbe arc de triomphe érigé à l'entrée du village et j'y lis ces deux inscriptions :


BIENVENUS !

Les colons reconnaissants


Tout le village était en fête, et j'eus à peine le temps de jeter un coup d'œil sur le ravissant panorama qui nous entourait que l'honorable Édouard Masson était au milieu de nous, nous accueillant avec empressement, et nous forçant d'accepter la gracieuse et franche hospitalité que madame Masson nous fesait (sic) offrir.


Juste ciel ! Dans quel état, nous nous trouvions pour paraître devant le beau sexe. Il est vrai que c'était la première fois que madame Masson recevait des visiteurs lui arrivant en droite ligne de la Baie d'Hudson et elle eut l'amabilité de nous dire qu'après tout, notre costume était très original et nous allait à merveille.


Malgré ce compliment, chacun profita du premier moment disponible pour faire peau neuve. Les barbes de quinze jours disparurent sous le razoir (sic); les cheveux renouèrent connaissance avec le peigne ; la garde-robe et les tiroirs de notre hôte furent mis à sac par plus d'un ; d'élégantes bottes vernies remplacèrent les grosses bottes sauvages. Bref, le soir, quand nous nous mîmes à table, j'avais, pour ma part, l'air d'un censitaire endimanché.

Dirai-je ici toutes les marques de bonté, toute l'exquise politesse, toutes les mille prévenances délicates dont nous fûmes l'objet sous le toit si gai et si hospitalier de monsieur Masson ? Ma foi, non. Je risquerai de chanter sur un air trop connu, et de paraître étonné d'un fait passé en coutume. Rengainons donc le compliment, et « paulo majora canamus » (Chantons des choses un peu plus relevées).


Le village de Sainte-Marguerite est coquettement assis au fond de la vallée où la grande route vient croiser la décharge du lac Masson. Avec ses quarante-trois maisons, son beau moulin, son pont, sa chapelle et ce joli manoir qui dominent les grandes pièces d'eau que la nature y a creusées d'une main capricieuse, c'est le plus charmant endroit qu'on puisse rêver. Il n'y a qu'un homme de goût pour avoir su si bien choisir et coordonner.


Ce fut au mois d'octobre 1863 que monsieur Masson vint s'arrêter au milieu de cette nature si belle des Laurentides pour y marquer le premier arbre à abattre et diriger vigoureusement la colonisation de tout Wexford. Placé au centre du canton, sinon sur les meilleures terres, ce premier groupe attira bientôt à lui les colons du dehors qui s'établirent de proche en proche, encouragé par l'exemple et l'aide efficace de monsieur Masson. D'après la dernière liste, la population s'élevait à cent cinq électeurs ; elle est aujourd'hui de cent cinquante et tient la clé des futures élections du comté de Terrebonne.


Un curé réside depuis trois ans à Sainte-Marguerite, et pour savoir ce que peut le prêtre intelligent et zélé dans l'œuvre de la colonisation, il faut entendre l'éloge de messire Casaubon fait par l'honorable monsieur Masson. L'union, la paix et la concorde règnent au sein de la colonie qui prospère et s'accroît tous les jours de nouveaux venus. Monsieur le Curé nous a dit qu'il voulait faire tirer l'hiver prochain tout le bois nécessaire à une église de plus de cent pieds de long qui remplacera la chapelle devenue trop petite.


De fait, la colonisation se porte rapidement et du côté de Sainte-Adèle et sur le chemin de la Mantawa où les terres sont de la plus riche qualité.


Le village compte deux ou trois magasins, un boulanger, un menuisier, un charpentier, un forgeron outre un hôtel assez décent. L'activité y deviendra encore plus grande quand le chemin des Lafons sera ouvert aux gens de Chertsey, ce qui doit être fait à l'heure qu'il est. Le moulin, très solidement bâti, est à scie et à farine; il comprend deux ou trois moulanges (sic).


C'est là que monsieur Masson tient son bureau d'affaires et que le lendemain de notre arrivée, le maire de la paroisse, accompagné de tous les chefs de famille, vint complimenter l'honorable monsieur Archambault sur son heureux retour d'un voyage pénible fait exclusivement dans les intérêts les plus chers du pays.


L'adresse était signée de plus de cent vingt noms dont voici les principaux : messire Casaubon, curé, l'honorable Édouard Masson, messieurs Charles Lajeunesse, maire,D. Chartier, G. Leroux, Louis Lacasse, B. Deslauriers, Isidore Legault, Jacques Léonard, G. Legault, E. Lajeunesse, C. Nadon, F. Lacasse, L. Forget, X. Monet, M. Gauthier, H. Marier, J.-B. Rouleau, H. Laviolette, etc.


Le ministre fut très heureux dans la réponse qu'il fit à l'adresse de ces braves colons et leur donna des conseils et des éloges les plus propres à les encourager dans leur nouvelle vie.


Monsieur Masson prit ensuite la parole et remercia monsieur Archambault de sa visite et des actes nombreux par lesquels le gouvernement prouvait au pays sa volonté sincère de travailler à la question si vitale de la colonisation et en particulier du zèle infatigable qu'y mettait l'honorable ministre des Travaux publics. Messire Provost dit aussi quelques mots dans le même sens, après quoi la conversation devint générale.


Comme je n'avais rien à dire, je remarquai à mon aise le respect et l'attachement que tout ce monde portait à notre hôte, monsieur Masson. Ils le regardaient comme leur chef et leur maître. S'il parlait, aussitôt tous se taisaient et personne n'ouvrait un avis différent. J'en demandai la raison à un colon qui était venu s'asseoir près de moi, et qui me prenait pour un avocat :


— Monsieur Masson, répondit-il tout abasourdi de la question, mais c'est tout clair qu'on l'aime et qu'on le respecte, car il n'y a pas un seul d'entre nous qui ne lui devions des bienfaits. C'est lui qu'est le maître ; il a tout commencé ce que vous avez vu, et même aujourd'hui que deviendrait-on sans lui ? Et sa bonne dame, donc, si charitable.


Et voilà, mon homme a entonné la louange de madame Masson. C'était une conversation privée. Le lecteur trouvera bon que je m’arrête ici.


Heureux, me disais-je en revenant au Castel, heureux les hommes qui, comme notre hôte, ont les capitaux pour réaliser les grandes œuvres publiques dont leur âme généreuse leur fournit le dessein. Faire usage d'une belle fortune pour attacher son nom à de tels travaux et en léguer la gloire durable à ses enfants, n'est-ce pas la plus noble et la meilleure des ambitions ?


Pendant notre visite à la chapelle, à monsieur le curé et au village, la pluie s'était mise à tomber. Il paraît que nous devions finir notre voyage comme nous l'avions commencé. Nous nous hâtions de rentrer pour nous préparer à partir.


Quoiqu'il nous en coûtât, et surtout à moi, de quitter un toit aussi charmant, nous disons adieux à nos hôtes, et surtout au fils aîné de la maison, jeune homme plein de cœur et d'intelligence qui venait d'annoncer à son père et à sa mère sa résolution d'aller à Rome offrir au Saint-Père son sang et sa vie pour sa cause. Plusieurs d'entre nous ne devions plus le revoir avant son départ pour la sainte et illustre croisade.


Au moment de monter en voiture, nous eûmes aussi à nous séparer de notre brave Pigeon [le guide] et de ses engagés qui allaient se mettre en route. Je n'exagère rien en disant que ce fut avec une peine véritable que je serrai la main de ces hommes estimables dont nous avions appris à connaître le dévouement infatigable et le caractère loyal et décidé. Pigeon ne voulut pas me dire adieu, mais au revoir à l'an prochain.


Monsieur Masson et son fils nous accompagnèrent sur une certaine distance, puis on échangea de nouveaux adieux, et un pli de terrain les déroba bientôt à nos yeux. Nous descendions droit sur Terrebonne par une pluie qui tombait menue et avec des chevaux qui ne se souciaient guère ni du temps ni des voyageurs qu’ils traînaient. Ils se hâtaient lentement. J'abrège le récit de cette immense glissade de plus de cinquante mille que nous fîmes sur cette pente détrempée de l’eau du ciel, qui commença au faîte du quatrième rang de Wexford et se termina à la porte du presbytère de Saint-Henri-de-Mascouche. Qu’il me suffise de dire que nous arrivâmes parfaitement imbibés et en plein cœur d’une nuit noire, à une heure et demie du matin. M’est d’avis qu’il eut mieux pour nous de rester un jour de plus au foyer si hospitalier du Seigneur de Sainte-Marguerite. Mais comme nous sommes rendus, à quoi bon cette réflexion ?


(1) Royal, Joseph (1869) La Vallée de la Mantawa: récit de voyage, Montréal, Typographie Le Nouveau Monde, p.7

(2) Ibidem, p. 138

(3) Ibidem, p. 161-168


LM-133-11

 
 
 

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