SAINT-SAUVEUR OU SAINT-SAUVEUR-DES MONTS?
- Mélanie Tremblay
- il y a 3 jours
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Pour éviter tout équivoque quant à l'appellation de la municipalité de la paroisse et celle de la municipalité du village, la Société d'histoire des Pays-d'en Haut a déjà publié dans ses cahiers 7 et 13 le résultat d'une recherche que nous reprenons au bénéfice de nos lecteurs.
«La municipalité de la paroisse érigée en 1855 s'appelle SAINT SAUVEUR et celle du village, démembrement de la première, incorporée en 1926, a pour nom: SAINT-SAUVEUR-DES-MONTS; les actes d'incorporation veulent qu'il en soit ainsi.
Les Postes ne reconnaissent que Saint-Sauveur-des-Monts, comme l'indiquent l'affiche placée à la façade du bureau de poste, rue Filion. Pour faire leur travail, les Postes ont besoin, entre autres choses, de bien identifier leurs bureaux. Une lettre destinée à Saint-Sauveur (comté de Terre bonne) ne doit pas être expédiée dans le quartier de la vieille capitale qui s'appelle «Saint Sauveur» et qui est plus connu que la petite municipalité des Laurentides. Voilà pourquoi le bureau de poste a longtemps porté le nom de «Saint-Sauveur-des Montagnes», vu que le «village est entouré de montagnes», dit le Magnan, paru en 19252.
Ce nom de «Saint-Sauveur-des Montagnes», le bureau de poste le portera jusqu'au 2 septembre 1957 alors que la Poste l'abrège en «Saint-Sauveur-des-Monts», comme le font les gens du milieu. En 1961, du temps du chanoine Rosario Laurin, le semainier paroissial est la seule entité à porter encore le nom de «Saint Sauveur-des-Montagnes».
La municipalité de la paroisse Saint-Sauveur compte 1800 habitants répartis sur un territoire de 44,47 km2 alors que la municipalité du village Saint Sauveur-des-Monts compte 2 600 habitants sur un territoire de 3,52 km2. Le village Saint-Sauveur des-Monts est entouré par Saint Sauveur (paroisse).
La carte professionnelle des maires figurant sur le recto du programme officiel de la fête de la Saint-Jean-Baptiste 1995, devrait nous guider dans l'appellation des deux entités : Jean Pelletier, maire Village Saint-Sauveur-des-Monts Charles Garnier, maire Municipalité de Saint-Sauveur.
L'ASPECT GÉOGRAPHIQUE DE SAINT-SAUVEUR
La municipalité de la paroisse de Saint-Sauveur est située à quelque soixante kilomètres de Montréal et à dix-huit kilomètres de Saint-Jérôme.
«Jadis, quand Ste-Agathe-des Monts n'existait pas encore, avant même que le curé Labelle, le Roi du Nord, eût commencé à explorer son «royaume» et à y pousser des colons jusqu'à Saint-Faustin, Saint Jovite, Labelle, Nominingue, et même jusque sur les rives de la Kiamika et de la Lièvre, Saint Sauveur pouvait paraître bien éloigné de Montréal. C'était alors une paroisse religieuse située en «plein Nord», juchée sur les premiers contreforts des Lauren tides. Arthur Buies n'écri-vait-il pas, dans une chronique datée du 24 août 1882, «qu'à cinq ou six milles de l'église (de Saint-Jérôme) commençait la forêt, une forêt épaisse, infinie, regardée comme inaccessible. On croyait avoir atteint la limite des terres culti vables et le mot «nord» signifiait qu'il n'y avait plus, au delà de Saint-Jérôme, qu'un printemps fugitif, qu'un été illusoire».
Un aspect des plus pittoresques. Il y a plus d'un siècle, M. T. de Montigny faisait la description suivante de la région de Saint-Sauveur : «La route de Saint-Jérôme à Saint-Sauveur est très poétique. Elle longe tantôt à l'est, tantôt à l'ouest, la rivière du Nord qui serpente à travers des collines d'un riant aspect. Son lit est quelquefois côteleux, mais ses eaux, presque toujours calmes, reflètent la sérénité des cieux. L'étoile y scintille le soir avec l'ombre des arbres qui les rendent sombres même le jour. Elles se précipitent quelquefois en bouil lonnant des rochers à fleur d'eau, et forment des cascades écumantes dont la course folâtre s'annonce au loin par un babil qui porte à la mélancolie. L'industrie a placé sur ces torrents des moulins qui mê lent leur voix à cette clameur constante des chaussées qu'a amé nagées la nature ou qu'a élevées le génie. Cette rivière au Nord est çharmante dans tout son parcours. A pont Shaw, après avoir traversé la rivière, on entre dans une gorge que forme une chaîne de monta gnes d'une imposante majesté; ces montagnes révèlent par leurs cail loux entassés qu'il y a eu autrefois des bouleversements terribles. Ces rochers entassés, ces lacs qui y ont surgi, ces minerais qui s'y croisent, ces veines qui sillonnent les ro chers dénotent des convulsions effrayantes.»
2 Hormisdas Magnan, Dictionnaire historique et géographi.gue des
Paroisses. Missions et Municipalités de la Province de Québec, p. 675.
3 Un comité, Album souvenir de Saint-Sauveur-des-Monts, 1853-
1953, pp. 13-15.
Des montagnes et encore des montagnes
«Saint-Sauveur est pittoresque ment bâti sur une élévation. Il ne manque pas de montagnes pour accidenter le terrain et faire écho à la cloche de l'église». Les deux chaînes de montagnes qui forment une gorge sont, d'un côté, les montagnes du lac Marois rejoignant les montagnes de Sainte-Elmire; puis celles de la côte Saint-Lambert, les fameuses côtes de ski 69, 70 et 713 où se trouve le lac Millette; l'autre chaînon, à droite, en montant de Shawbridge, ce sont les montagnes du Canton d'Abercrombie, celles des 7e et Be rangs de Piedmont, se dirigeant du côté de Sainte-Adèle.
En laissant la route 117, à Piedmont, on fait un équerre, on gravit une côte pour entrer dans une sorte de vallon. C'est le vallon du Grand Ruisseau qui est traver sé par le chemin du même nom.
L'appellation «rue Principale» a remplacé celle, pourtant plus évocatrice, du chemin du Grand Ruisseau.
En direction de Morin-Heights, la route de la rivière à Simon4 passe dans une sorte de couloir, bordé de hautes montagnes escar pées. Tout près du village se dres se un pic d'une beauté magnifique; cette montagne se trouve sur la ferme de J. H. Molson.»

Des lacs attrayants
«Au creux de ces ondulations montagneuses, dorment de nom breux lacs. On en compte trente trois sur le territoire. Parmi ces étendues d'eau, les lacs Marois, Guindon, Ouimet, Morin, Millette et des Becscies sont tous entourés d'habitations et forment des centres de population très actifs, particulièrement durant les fins de semaine.»
3 Le Mont Saint-Sauveur regroupe maintenant ces côtes historiques.
4 S'appelait «montée du village» sur la carte de 1880. Prit le nom de «chemin de l'église>> sur la carte de 1954. Dans le village, on la désigne maintenant «avenue de l'église»; dans la paroisse on utilise «route de l'église».
Un sol pierreux
«À l'exception du vallon du Grand Ruisseau, où l'on trouve surtout des terres sablonneuses, le reste du territoire, très montagneux, contient une terre jaune, propre à la culture des céréales, de la patate et du maïs; le sol de meure très pierreux.
Jusqu'à la fin du siècle dernier, les montagnes étaient recouvertes de bois franc: érable, merisier, hêtre; on trouvait de plus de beaux secteurs d'épinettes, de sapins, de proches et de mélèzes. Longtemps, la richesse des forêts fut le moyen de subsistance des pionniers.

Un climat très salubre
«On comprend que le climat de ce territoire laurentien soit des plus salubres et qu'il ait été forte ment recommandé par les médecins pour y refaire santé.
Si Saint-Sauveur fut, jadis un village à peu près exclusivement agricole, ses citoyens ont su utiliser, depuis de cinquante ans, le charme de ses lacs, la beauté de ses montagnes et de ses sites, la salubrité de son climat, pour en tirer des avantages considérables, du point de vue touristique».
LES ORIGINES DE SAINT-SAUVEUR
Dans le passé, les municipalités ont souvent pris naissance autour d'un noyau, comme un poste militaire ou une église. Ici, c'est dans le creux d'un vallon que des
pionniers sentirent le besoin de se regrouper.
Emigrés de Saint-Eustache, de Sainte-Rose, de Sainte-Scholastique, de Saint-Hermas, de Saint-Janvier et de Saint-Jérôme, ils s'établirent dans la vallée ou dans les montagnes.
Certains pionniers fuyaient possible ment le théâtre de la rébellion de 1837 alors que d'autres trouvaient ici les terrespour y établir leur famille.
Empruntant, sur la rive droite, le chemin de la rivière du Nord et le chemin Saint Alphonse, les uns atteignirent le lac Marois et s'y installèrent. D'autres s'engagèrent dans le chemin de la rivière de Bellefeuille et le chemin Saint-Camille pour se rendre au même lac. De cet en droit, par un sentier aujourd'hui disparu, certains se rendirent au lac Millette.
Des documents5 des premières années de la municipalité de Saint Sauveur nous ont permis de retracer des colons le long de la rivière du Nord, à la hauteur de Piedmont, au Grand Ruisseau et dans les quatre côtes: Saint Gabriel, Saint-Lambert, Sainte Elmire et Saint-Godfroy.
«Ce territoire que nos ancêtres ont péniblement parcouru à pied ou en voiture, à travers les rudes sentiers et les mauvais chemins, a la forme d'un vaste trapèze ren versé dont la grande base, au nord, mesure environ six milles et demi, et la petite base, au sud, environ deux milles et trois quarts. Le trapèze a six milles de hauteur «Cette étendue de 26 710 arpents est limitée, au nord par le Canton Morin, à l'est par la paroisse de Sainte-Adèle, par la paroisse de Saint-Hippolyte et le Canton d'Abercrombie; au sud par la municipalité des Mille-Iles, comprise dans le comté d'Argenteuil.6
C'est dans le cadre du régime seigneurial et à l'époque de l'abolition des droits féodaux que la très grande majorité des colons acquirent leur premier lot de terre.
M. Jean-François Corbeil, dans une étude publiée par notre Société, rapporte que «l'ensemble du territoire de Saint-Sauveur faisait partie des limites de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Iles, vaste domaine dont les origines remontent au régime français». A ceux que les origines seigneuriales de Saint-Sauveur intéressent, nous recommandons la lecture de l'ét ude publiée dans les Cahiers 34, 36, 39 et 43 de notre Société d'histoire.
5 Rôles d'évaluation, registres de perception de taxes du fonds de la Municipalité de la Paroisse de Saint-Sauveur conservés par la Société d'histoire des Pays-d'en Haut.
6 Un comité, Album souvenir de Saint-Sauveur-des-Monts, 1853-1953, p.13.
Le territoire de Saint-Sauveul
Le 19 décembre 1843, L'Hono rable Gabriel Roy, tuteur de Vir ginie Lambert Dumont, Pierre Laviolette et son épouse, Marie Elmire Lambert Dumont, conclu aient un accord avec les héritiers Lefebvre de Bellefeuille, à l'effet de faire prolonger, dès l'année suivante, la ligne de division de leurs parts territoriales jusqu'au cordon de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Iles.
Conformément à l'accord de partage de 1808, il fut stipulé que le territoire situé au sud-ouest de la dite ligne (actuelle municipalité de Mille-Iles) constituerait le
«tiers» de la famille de Bellefeuille alors que la section sise au nord est (aujourd'hui Saint-Sauveur) correspondrait au «deux-tiers» alloués à la famille Lambert Du mont.
Suite à l'établissement de cette ligne de division, toutes les limites extérieures de la seigneurie Dumont se trouvaient à être éta blies.
Si bien que dès l'automne 1844, l'arpenteur Emery Ferré, de Saint Eustache, put procéder à la délimitation de trois rangs ou concessions dans la partie nord de ce territoire. Ces rangs reçurent respectivement les noms de côtes Saint-Gabriel nord-ouest, Saint Gabriel sud-est et Saint-Lambert nord-ouest. L'arpenteur procéda par la suite à la division de ces concessions en lots de 3 arpents de front par 20 arpents de profon deur. Ajoutons que 10 terres9 furent également arpentées du côté ouest de la rivière du Nord, dans l'actuelle municipalité de Pied mont.
À la fin de l'été 1847, les trois quarts des concessions de ces côtes
8 Jean-François Corbeil, Les origines seigneuriales de Saint Sauveur, Société d'histoire des Pays-d'en-Haut, cahier # 39, pp. 19-20.
9 Lots 31 à 61du cadastre actuel.
ont trouvé preneurs. C'est alors qu'on décide d'ouvrir cinq nouvelles côtes: Saint-Lambert sud-est, Sainte-Elmire sud-est, Lac Marois, Saint-Godefroy sud-est et nord-ouest. Ce n'est qu'en 1848 que sera ouverte la côte Sainte Elmire nord-ouest. En 1850, la presque totalité des terres est occupée. En l'espace de six ans, le territoire a attiré plus de trois cents colons.»
Une requête bien légitime
Dès l'automne 1850, les colons éta blis dans la partie nord-est de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Iles demandaient par M. Thibault, curé de Saint-Jérôme, la création d'une mission dans leur milieu et la permission de cons truire une chapelle
dans la vallée. Leur requête fut approuvée par Mgr Ignace Bourget le 29 octobre.
La mission de la Circoncision10
Le décret établit le territoire comme suit: "Les côtes St Godfroy, Sainte-El mire, St-Lambert et Saint-Gabriel; les septième et huitiè me rangs du Township d 'Abercrombie et les terres sises des deux côtés de la rivière du Nord, depuis William Shaw inclusive-ment jusqu'à la côte Saint-Lambert11.
10 Nom donné à la mission par Mgr Bourget. Dans le décret canonique de l'érection de la paroisse, signé le 10 février 1854, l'appellation Saint-Sauveur fait place à la Circoncision.
11 Décret de fondation conservé dans les archives de la paroisse religieuse de Saint-Sauveur.
12 Ancêtre d'une partie de la route 11 appelée aujourd'hui «rue Principale>>.
L'établissement d'une mission suppose la construction d'une chapelle. Le choix du site de cette construction provoqua une divi sion entre les francstenanciers. Les dix-sept propriétaires installés de cha ue côté du chemin curé Labelle1 dans le hameau de Pied mont réclamaient l'érection de la chapelle, prétextant un premier noyau de paroissiens. Les proprié taires du hameau de St-Sauveur, moins nombreux, avançaient qu'une chapelle érigée chez eux serait plus centrale. Assez curieu sement, la faction la moins nom breuse l'emporta. C'est ainsi que la chapelle de la mission de la Circoncision fut élevée à l'empla cement occupé par l'actuelle église de Saint-Sauveur.
C'est autour des deux hameaux de Piedmont et de Saint-Sauveur que se développa la municipalité de Saint-Sauveur.

LM-066-06