Rencontre avec Louis Cochand
- Mélanie Tremblay
- 7 nov.
- 6 min de lecture
C'est grâce à une entrevue avec M. Louis Cochand, réalisée par Mme Célène Lacroix en 1983, que nous pouvons, aujourd'hui, présenter à nos lecteurs assidus quelques bribes de souvenirs la famille Cochand de Sainte-Marguerite.
Profitant de son accueil chaleureux et de sa grande gentillesse, 11 nous a été possible de puiser largement dans les souvenirs du fils d'Emile Cochand, l'un des plus grands skieurs du canada. En causant avec Louis Cochand, on découvre qu'il est non seulement un sportif et un champion mais aussi un homme fortement impliqué dans la vocation touristique des Laurentides.
LB DOMAINB DBS COCHARD.
Son père, suisse d'origine, avant d'arriver au Québec, fut champion de ski de son pays en 1909.
Louis et ses deux frères, Pierre et Emile, ont grandi dans les montagnes de Sainte-Adèle et de Sainte-Marguerite. La propriété de M. Emile Cochand comptait mille acres de terrain qui s'étendaient dans les deux municipalités de Ste-Adèle et de Ste-Marguerite.
Louis rapporte que l'hôtel de son père était situé, moitié à Sainte-Adèle, moitié à Sainte-Marguerite. A cause du coQt exorbitant, les municipalités ne procédaient pas à l'établissement des lignes qui auraient dé terminé les limites de chacune. La situation a prêté à controverse plusieurs fols, spécialement au moment de la perception des impôts fonciers.
Emile Cochand profitait de la situation lorsqu'il était en présence des percepteurs de la municipalité de Ste-Adèle en déclarant que sa propriété était située à Ste-Marguerite. Il savait déclarer l'inverse devant les autorités de l'autre municipalité. Après quelques an nées, les autorités de deux municipalités ont su régler cette situation.
A l'intérieur de l'hôtel, les propriétaires s'amusaient à répéter que leurs clients donaient à Sainte Marguerite et disputaient leurs joutes de tennis sur table à Sainte-Adèle.
LOUIS COCHAND: son enfance
C'est donc dans un milieu hôtelier que grandit Louis Cochand, né à Sainte-Marguerite le 5 janvier 1917. Guidé par un père champion en descentes en ski, 11 est facile ment concevable que Louis soit initié aux techniques et aux joies de ce sport dès l'age de trois ans. Très jeu ne, il apporta sa contribution dans ce milieu de restau ration, où il fut témoin des démarches de son père pour attirer une clientèle qui allait devenir de plus en plus nombreuse.
À l'âge de neuf ans, Louis doit cesser momentanément ses activités sportives et ranger ses skis pour un temps qui lui parut beaucoup trop long. En exécutant un saut, 11 se brisa une jambe et devint handicapé pour plusieurs années.
La famille Cochand étant de religion protestante, Louis fréquenta l'école de Shawbridge. C'était le seul établissement scolaire de la région pour les familles protestantes. Plus tard, ses frères purent fréquenter une petite école qui fut construite à côté de la chapelle le à Sainte-Marguerite Station. Cette dernière fut érigée par le curé Matte, fils du chef de gare de la place.
A cause de la distance gui séparait l'école de l'hôtel, Pierre et Emile Cochand se rendaient à l'école en traineau tiré par leurs chiens Saint-Bernard. Ils devaient franchir une distance de deux milles et demi, ma tin et soir.
LOUIS COCHAHD: le sportif
Plus tard, on retrouve Louis au Lower Canada College où, il passe pour l'un des meilleurs élèves dans l'équipe de ski. A dix-neuf ans, il remporte le Kandahar Slalom Race. L'année suivante, à la même compétition, il se classe troisième au combiné, quatrième dans le slalom et deuxième en descente, accomplissant ainsi la plus haute performance jamais atteinte dans cette course selon un rapport du ''Canadian Ski Year Book'' de 1937.
En 1937, le monde des compétitions l'applaudit à Banff où, se mesurant aux coureurs des équipes de Suisse et de Norvège, 11 se classe en troisième position au combiné et au slalom. C'était la première fois qu'un Canadien compétitionnait avec des Européens gui, à cette période de l'histoire du ski, étaient de beaucoup supé rieurs. Par la suite, Louis Cochand fut invité aux com pétitions internationales à Sun Valley en Idaho. Là, il eut l'occasion de se mesurer aux meilleurs skieurs du continent et revint heureux de sa performance en slalom et en descente.
Deux ans plus tard, en 1939, 11 fonde l'école de ski canadienne. Mlle Véronique Lamoureux du Mont Alouette est nommée au poste de secrétaire. Selon Louis, 11 est bon de se souvenir que c'est le Mont Alouette qui se mérita l'honneur d'avoir la première école de ski des Laurentides, reconnue par le Ministère de l'Education.
LOUIS COCHlND: l'homme d'affaire
Louis a réellement suivi les traces de son père. Com me lui, 11 a d'abord excellé dans le domaine du ski et a honoré le nom des Cochand par de vifs succès autant sur les pentes européennes, américaines, canadiennes que québécoises, avant d'oeuvrer d'une façon remarquable dans le domaine de l'hôtellerie.
Pendant neuf ans, on le retrouve à la présidence de l'Association des Hôteliers des Laurentides. A cette é poque, on dénombrait pas moins de dix-huit hôtels échelonnés de Shawbridge à Mont Tremblant.
LA FAMILLE COCHAND ET LE TOURISME
Le père de Louis ne s'est pas contenté d'@tre un excellent hôte pour ses clients, les touristes, Il a su aménager les montagnes de son domaine et les mettre à la disposition des skieurs. Non content d'avoir lancé le ski à Sainte-Agathe vers les années 1911, 11 a tout fait pour développer l'industrie du ski, chez lui, au désormais célèbre Chalet Cochand. Louis rapporte qu'ils furent parmi les premiers à installer des remonte-pentes mécaniques.
Les skieurs qui dévalaient les montagnes pendant des heures, se retrouvaient au restaurant Saint-Bernard, à l'heure du lunch pour y casser la croûte. Les clients ne manquaient pas de flatter le gros Saint-Bernard gui dormait paisiblement à la porte du restaurant.
On se dépensait beaucoup pour amuser les touristes qui, en échange, égayaient les salons de l'hôtel. C'est d'ailleurs en face de l'établissement que les clients purent admirer les premiers palais de glace à être construits dans les Laurentides.
Emile Cochand avait le don inné des affaires: il savait comment traiter la clientèle, où aller la cher cher et ce qu'il fallait faire pour la conserver. Très tôt, il sut distinguer les besoins des Américains, des Ontariens et des Montréalais gui venaient faire du ski dans les Laurentides. Cette préoccupation professionnelle, 11 sut la faire partager à deux grands amis com pétitionnaires: Messieurs Wheeler du Gray Rock et Harrisson de Sainte-Agathe. Il n'est donc pas surprenant de les retrouver, tous les trois, à New-York, en campagne de propagande pour le développement de l'industrie du ski et du tourisme auprès de nos voisins du sud. La clientèle américaine aimait les hôtels des Laurentides où elle trouvait la proverbiale table québécoise et la tranquilité de la campagne.
Suite aux campagnes publicitaires en sol américain, on a même vu des trains de New-York bondés de skieurs venir à Montréal et transférer (on ne sait comment)pour monter dans le Nord. Ils arrêtaient à Shawbridge et à Sainte-Marguerite pour la fin de semaine. Les wagons étant équipés de couchettes, les skieurs y passaient la nuit. Le jour, c'est sur les pentes de nos montagnes que l'on croisaient ces joyeux voyageurs. Le train quittait les Laurentides le dimanche soir pour être à New-York le lundi matin. Grace à ces trois hôteliers, la présence, dans les Laurentides des touristes américains se répéta pendant de nombreuses années.
Emile Cochand, à titre de président, a dirigé les destinées de l'Association des Hôteliers du Nord pendant une dizaine d'années. La famille Cochand s'étant impliquée dans l'hôtellerie du Nord durant une cinquantaine d'années a connu plus que quiconque les revendications des touristes. Les Américains qui constituaient à cette époque la clientèle principale, insistaient pour obtenir de meilleurs services comme: des chambres privées avec bain. Les propriétaires des hôtels reconnaissaient la justification des demandes mais ils n'avalent pas l'argent nécessaire pour entreprendre des modifications majeures dans leur établissement.
Les gouvernements louangeaient les hôteliers pour leurs efforts et se réjouissaient de l'intérêt des Américains pour les Laurentides. Là, s'arrêtait leur implication. Même pas un ministère du tourisme gui aurait pu prendre en main le développement de l'industrie touristique! Les hôteliers de la province devaient se contenter d'être rattachés à un Ministère des Terres et Forêts. C'était trop peu! Aussi, vers les années 60, il ne faut pas @tre surpris de voir l'hôtellerie en très mauvais état dans le Nord.
Les propriétaires auraient voulu que le gouvernement du Québec répète ce qui a été fait en Suisse. Ils deman daient que le gouvernement leur consente des emprunts à taux très réduits afin d'améliorer les services de leur institution et de maintenir leurs édifices en bon état. Malheureusement, les hôtelliers n'avaient pas d'interlo cuteur. On aimait bien ces gens pour les dollars que leur rapportaient les taxes sur la boisson et les repas. On avait rien à leur donner en échange.
En 1966, Le Chalet Cochand passa à des intérêts amé ricains. Les nouveaux propriétaires tenteront de relever l'établissement. Ce ne sera jamais plus le Chalet Co chand.
Par la suite, l'Alpine Inn connut une faillite de près de un million et demi de dollars. Le Chanteclerc allait connattre le même sort. Heureusement, trois ou quatre compagnies s'unirent pour lui éviter le pire.
La majorité des hôtels du Nord connurent l'inévi table. Combien d'hommes d'affaires ont tenté de relancer le Chalet Cochand en le destinant à de nouvelles heures de gloire! Des propriétaires pleins d'enthousiasme se succèderont sans jamais réussir à lui donner une deu xième vie aussi glorieuse et aussi riche en souvenirs que celle connue sous la gestion des Cochand.
Lucien Galipeault
LM-041-29




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