La visite du Vieux Saint-Sauveur
- Mélanie Tremblay
- 2 oct.
- 5 min de lecture
Un arrêt devant les immeubles portant les numéros 186 et 190 de la rue Principale, s’impose pour nous rappeler ou découvrir une partie de leur historique avec Mme Orise Maillé (1891 à 1985.
186, rue Principale 1900 – Propriété de F.-X. Clouthier 1985 - Maison rose
Nous voici à la limite sud-est du village en 1900, face à la “maison rose”, laquelle occupe une partie bien infime du lot #390, de forme irrégulière et d’une superficie de 25,15 arpents carrés.

Pour établir l’historique de cette maison légendaire, quelque peu mystérieuse, j’ai puisé dans le texte de la journaliste Madeleine Jacob, que la Société d’histoire des Pays-d’en-haut a publié dans son cahier # 21 en mars 1984, dans les souvenirs d’Orise Maillé et dans des notes accumulées sur Saint-Sauveur.
Madeleine Jacob écrit : “Installée confortablement au bord de la rue Principale depuis plus d’un siècle, cette maison a inspiré nombre d’artistes qui l’ont photographiée, peinte et dessinée sous tous ses angles. Les gens “de la place”, tout comme les visiteurs, l’ont prise en affection, avec son toit un peu croche, ses murs roses et la peinture de saint Christophe qui, autrefois, ornait sa façade. Longtemps les Sauverois et Sauveroises se sont inquiétés du sort qui attendait cette demeure ancestrale.
Selon le recensement du Canada de 1861, Jean-Baptiste Daragon cultivateur et son épouse Suzanne Paquette habitent cette modeste maison en bois, d’un seul étage, érigée sur un emplacement de 1,5 arpent de façade par 20 arpents de profondeur. Les occupants âgés respectivement de 68 et 54 ans n’ont pas d’enfants, sont de religion catholique et ne peuvent ni lire ni écrire. Ils y demeurent jusqu’en 1872 alors que Charles Éthier en fait l’acquisition pour la revendre plus tard à Sylvestre Beauchamp. Ce dernier la vend à son tour à François Garneau. En 1890, M. Garneau, tout en conservant la bâtisse qu’il continue d’habiter, vend une partie de son lot à Camille Beaulieu, marié à Rachel Filiatrault.
“Afin de mieux comprendre l’avenir réservé à cette bâtisse, il faut tourner les pages du calendrier et nous arrêter au 15 novembre 1897. Ce jour-là, dans l’étude du notaire Joseph Chevalier, Damase Maillé devenu propriétaire de cette maison, signe un contrat de vente et reconnaît, que François-Xavier Clouthier, maire de la municipalité de Saint-Sauveur, lui remet une somme de $340,00 en paiement de la propriété. Et depuis ce temps, au moins vingt-trois contrats notariés l’ont fait changer de propriétaire” ajoute la journaliste Madeleine Jacob.
Parmi les vingt-trois contrats, des transactions touchent les personnes suivantes : Antonio Beaulieu, employé de la Montreal Tramways, Emile Beaulieu, fils de Joseph et de Hélène Millette, Télesphore Gauvreau, le marchand général qui l’acquiert pour la louer, ayant sa propre résidence.
Orise Maillé, qui a connu le peintre Bieler, après qu’il eut acquis cette maison en 1931, me confie : “ J’ai vu le peintre réaliser la fresque de saint Christophe qui a longtemps orné la façade.”
Pourquoi avoir choisi Saint-Christophe comme sujet ? “Pour rappeler les voyages que devaient faire leurs ami(e)s qui venaient y séjourner les fins de semaines et durant les vacances estivales. De plus, si je me souviens bien, c’est monsieur Bieler lui-même qui donna à la bâtisse cette couleur rose toujours conservée depuis quelque soixante-dix ans.”
Pour connaître l’après-Bieler, je laisse à Madame Jacob le soin de décrire ce qu’il advient de cette maison. “Puis, la maison montre des signes de fatigue; dans le village on parle de sa démolition. Une lueur d’espoir se fait sentir lorsque Lisette et Georges Legon s’en portent acquéreurs. Les nouveaux propriétaires, des gens sympathiques habitant la ville de Québec avant de venir s’installer définitivement à Saint-Sauveur, la font déplacer et déposer sur une bonne fondation, tout en laissant l’intérieur et l’extérieur presque intacts, à l’exception de quelques petits changements. Quant à la fresque de Saint Christophe, elle est rafraîchie et protégée au moyen d’une baie vitrée.
“En décembre 1983, la maison est complètement rénovée. Georges Legon, fin connaisseur de meubles et d’objets d’époque qu’il sait restaurer, affecte le devant de la maison à un atelier où sont réparées, exposées et vendues des choses vraiment uniques. La rallonge sert alors de résidence privée.
Après le départ de ces merveilleux propriétaires, la MAISON ROSE connaît diverses affectations commerciales, entre autres : AVANT-GARDE POUR HOMMES. Depuis quelques années, Michel Bigué la transforme en GALERIE D’ART QUÉBÉCOIS, vocation qui lui convient très bien. La fresque de l’artiste Bieler est encore visible parmi les œuvres exposées à la galerie, ayant pignon sur rue au 186, rue Principale.
190, rue Principale 1900 Résidence de Napoléon Allaire 2004 Maison à multiples logements
En 1861, cet emplacement portant le numéro 53 au cadastre de la seigneurie des Mille-Iles est la propriété d’Octave Marier, fils, époux d’Olivine Desjardins. En 1884, on y retrouve encore le même propriétaire.
Toutefois, son lot porte désormais le numéro 384 puisqu’un cadastre municipal est en vigueur. M. Marier y reste jusqu’en 1887, année durant laquelle il vend sa propriété à Napoléon Allaire, fils de François Allaire et de Julienne Perrier.
Napoléon est marié à Malvina Forget, fille du cultivateur Adélard Forget et d’Aurélie David. Avec sa famille, il habite l’ancienne maison "pièce sur pièce” d’Octave Marier. Menuisier de son métier, il travaille à l’orphelinat d’Huberdeau. Dans ses temps libres, sur le même terrain, il entreprend la construction d’une maison de type “boomtown” avec galerie en façade, tant au rez-de-chaussée qu’à l’étage. En raison de son métier, il prévoit un atelier de travail dans la partie arrière du rez-de-chaussée.
Sa maison terminée, il y transfère ses biens et installe sa famille. Afin d’arrondir ses fins de mois, dans son atelier, il fabrique des cercueils qu’il vend aux familles éprouvées par le décès de l’un des leurs. Une anecdote, rapportée par Orise Maillé et confirmée par plusieurs anciens, mérite d’être citée :
“M. Allaire avait pris l’habitude d’exposer quelques cercueils devant sa maison, en bordure du trottoir. Cette façon de faire ne plaisait pas trop à son entourage. Un soir, quelques jeunes gens, pour lui jouer un sale tour, lui subtilisèrent un cercueil dans lequel ils étendirent un cochonnet mort et replacèrent le tout à sa place. Découvrant le subterfuge par les odeurs pestilentielles qui se dégageaient de l’un des cercueils, M. Allaire en cessa leur étalage à la grande satisfaction de tous ses concitoyens qui ne manquaient pas de relater l’événement à tout venant.”
En 1922, Napoléon Allaire ayant vendu sa propriété au docteur Joseph-Octavien Lapointe, quitte Saint-Sauveur avec sa famille pour aller demeurer à Mont-Laurier, où il meurt le 15 février 1933.
Quant au docteur Lapointe, il entreprend des rénovations à la maison car il entend utiliser le rez-de-chaussée comme bureau où il accueillera sa clientèle. Parce que les études avancées ne sont guère à la mode à cette époque et qu’il est persuadé de l’importance d’une solide instruction, le docteur engage des institutrices pour donner des cours à domicile à ses enfants. C’est ainsi que Mme Paul Fournel et Mlles Locas, Campeau et Turcot furent les “préceptrices” des enfants Lapointe.
De septembre 1940 à janvier 1943, le docteur Lapointe est maire de la municipalité du village de Saint-Sauveur-des-Monts. Après une année de répit, on le retrouve à la tête du Conseil de juin 1944 à janvier 1945. Le docteur Lapointe s’éteint en 1965, après avoir consacré cinquante-cinq années de sa vie à la médecine.
Lucien Galipeault (002)
LM-092-04




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