La rencontre de deux mouvements de colonisation
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- 18 juin
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Dernière mise à jour : 24 juin
Chronique du temps jadis — Michel Allard, membre # 443
De Saint-André d’Argenteuil à Saint-Jovite
Aménagé dans une ancienne caserne militaire, le musée régional d’Argenteuil nous informe comment et pourquoi cette région, située à proximité des rapides du Long Sault, a joué un rôle important dans l’histoire du Québec en général et des Laurentides en particulier.

C’est sur les berges des rapides du Long Sault,« … point stratégique de la route canotière de l’Outaouais 1, que Dollard-des-Ormeaux et ses 16 compagnons ont perdu la vie au terme d’un combat contre les Iroquois en 1660. Selon les dires de certains historiens, ce combat avait pour but de décourager ces derniers d’attaquer Ville-Marie 2.
C’est là aussi, en aval des rapides du Long Sault, que furent construites, au début du XIXe siècle plusieurs scieries qui firent du bassin de la rivière du Nord « le centre de l’industrie du bois » 3. (Voir la plaque commémorative ci-après. À partir de 1834, une série de canaux ont été creusés entre Carillon et Grenville permettant le trafic maritime entre Ottawa et le fleuve Saint-Laurent 4. En 1962, Hydro-Québec construisit la centrale hydroélectrique de Carillon qui, doublée d’une écluse percée à travers le barrage, permet le passage des bateaux. Cette centrale demeure encore de nos jours « la plus puissante de la rivière des Outaouais » 5. C’est aussi de Saint-André (St-Andrews à l’époque) qu'au début du XIXe siècle partirent d’abord des Américains, puis des Écossais qui, en remontant la rivière du Nord, s’établirent dans des sites qui devinrent les municipalités de Chatham, Brownsburg et Lachute 6.
Enfin, c’est de cette région que, soutenus et encouragés par le député Sydney Robert Bellingham7, plusieurs colons anglophones et protestants remontèrent vers 1860 le cours de la rivière Rouge pour finalement rejoindre vers 1870, là où la rivière du Diable se jette dans la rivière Rouge8, les colons francophones et catholiques 9.
De Saint-Jérôme à Saint-Jovite
Depuis le milieu du XIXe siècle, les colons francophones et catholiques avaient remonté le cours de la rivière du Nord à partir de Saint-Jérôme et avaient fondé les paroisses de Saint-Sauveur, Sainte-Adèle et Sainte-Agathe. Dès 1864, ils avaient même occupé plusieurs lots autour du lac Manitou10.
Mais là existaient de hautes montagnes, dont la Repousse (pour signifier que cet endroit repoussait la colonisation au lieu de l’attirer). S’élevait en face de celle-ci une montagne encore plus haute, et pour mieux la signaler et répandre la terreur parmi les colons, on lui donna le nom terrible de l’Épouvante de façon à décourager les colons de poursuivre leur route11.
Il leur avait fallu quelques années et surtout les encouragements du Curé Labelle qui craignait de voir les colons anglophones protestants les devancer et occuper tout le bassin de la Rouge, pour tracer une route qui leur aurait permis de traverser les redoutables montagnes12.

Les colons avaient réussi et avaient fondé en 1871 le village dit de la Repousse et puis celui de Grand Brûlé13. Inutile de dire que le premier curé, père Samuel Ouimet s’empressa en 1879 de les rebaptiser Saint-Faustin et Saint-Jovite en mémoire de deux frères qui furent donnés en pâture aux lions dans les arènes romaines 14.
C’est ainsi qu’au XIXe siècle, Saint-Jovite devint le lieu de rencontre entre deux mouvements de population qui, partis respectivement de Saint-Jérôme et de Saint-André, avaient ouvert la voie à la colonisation d’une grande partie du territoire laurentien.

Références :
1 Ordre des Dames et Chevaliers de la Seigneurie d’Argenteuil, éd. (1990) Saint-André d’Argenteuil. Saint-André est, p. 20.
2 Lionel Groulx (1932) Le Dossier de Dollard, La valeur des sources, La grandeur du dessein, La grandeur des résultats. Examen critique... Montréal, L’Imprimerie populaire, 1932, 18 p. ; Lionel Groulx. Dollard est-il un mythe ?, Montréal : Fides, 1960, 57 p. ; André Vachon. « Dollard des Ormeaux, Adam », dans Dictionnaire biographique du Canada en ligne, University of Toronto et Université Laval, 2000.
3 Ordre des Dames et Chevaliers de la Seigneurie d’Argenteuil, éd. (1990) Saint-André d’Argenteuil. Saint-André est p. 3.
4 G. R. Rigby (1964) A History of Lachute . From its Earliest Times to January 1, 1964. Lachute, Rotary Club Brownsburg-Lachute p. 39.
5 http://www.laurentides- guidetouristique.com/argenteuil/Centrale- hydroelectrique-Carillon/
6 Serge Laurin, (1989). Histoire des Laurentides, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, p. 95.
7 Robert, C. Daly « Sydney Robert Bellingham » Dictionnaire biographique du Canada, vol XII, 1891- 1900, consulté en ligne le 6 février 2012. http://www.biographi.ca/index-e.html
8 Danièle Soucy, (1983), La vallée de la Diable : de la hache aux canons à neige, Saint-Jovite, s.n. 1983, p. 39-46.
9 Voir la carte : Serge Laurin,(1989). Histoire des Laurentides, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, p. 239.
10 Serge Laurin,(2002), Sainte-Agathe-des-Monts. Un siècle et demi d’histoire, Québec, Les Presses de l’Université Laval, p. 10.
11 Arthur Buies, « La Rouge et les Cantons du Nord » dans le Nord, 21 septembre 1882 cité par Danièle Soucy, (1983), La vallée de la Diable : de la hache aux canons à neige, Saint-Jovite, s.n. 1983, p. 49.
12 - 13 - 14
Joseph Graham, (2008) traduit de l’anglais par Michelle Tisseyre, Nommer les Laurentides. La petite histoire des cantons du nord. Lachute, Les éditions Main Street, p.143.
LM-122-10
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