Historique des emplacements Le village d’Orise Maillé
- Mélanie Tremblay
- il y a 3 jours
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Par Lucien Galipeault
"Dans mon jeune temps, Saint-Sauveur était tout petit, à peine une trentaine de maisons. Il y avait la campagne et le village où il fallait se rendre pour aller à l'église, à l'école, au magasin général et au bureau de poste. Le village s'étendait, sur le Chemin de l'Église, depuis le magasin général de M. Sloane jusque chez Louis Aubry. Quelques commerces de "nécessités" s'échelonnaient sur ce chemin de terre battue." Orise Maillé
Tout comme M. Cyprien Lacasse, chroniqueur à la Société d'Histoire des Pays-d'en-Haut, j'ai eu la chance, en 1978, alors que j'étais accompagné de M. Cyrille Lapointe, de rencontrer madame Éloi Legault. Pendant deux heures, sans que sa mémoire fléchisse, elle a fait revivre pour nous les maisons, les quelques commerces du village de son enfance et leurs occupants.
"Avec sa première femme, grand-père Louis Maillé de la Plaine a eu sept enfants dont Joseph, mon père. Marié en secondes noces à Catherine Gratton, ils vinrent s'établir ici, sur une terre à la Rivière Cimon.
Mon père Joseph a épousé Adèle Deschambault de Saint-Jérôme. Ils s'établirent sur la terre de mon grand-père Louis, en 1889. On n'y faisait pas de la grande culture, on gardait des animaux et on récoltait les légumes pour la famille. On ne manquait de rien; il fallait travailler fort. Nous, les enfants, nous devions participer aux travaux des champs et de la maison dès que nous étions assez capables.
Nous étions six enfants chez-nous : Armandine, Léonie, Edmond, moi-même, Josaphat et Polidor. Je suis née le 30 juin 1891, quatrième de la famille. Je me suis mariée à 17 ans, avec Éloi Legault, en la chapelle de Saint-Sauveur. Mon voyage de noces ? Chez mes beaux-parents à Sainte-Adèle.
Mariés, nous sommes demeurés à Sainte-Adèle. Mon Éloi, qui travaillait à la Compagnie de Papier de Mont-Rolland, rapportait 18,00$ par quinzaine. Le 22 février 1920, j'ai perdu ma mère. Mon père se remaria avec Mary Moore, veuve de Francis Gouin, trois ans plus tard. Cette même année, Éloi quitta La Rolland pour s'établir à la Rivière Cimon, sur la terre de 240 arpents achetée par mon père.
J'ai donc vécu une grande partie de ma vie sur la terre paternelle où, mon Éloi construisit une maison de pension au pied du cap que l'on inaugura en 1931. « La Pension du Cap » tel était son nom, pouvait accueillir jusqu'à trente pensionnaires. Il m'est souvent arrivé de servir 70 à 80 personnes à un même repas. Heureusement mes filles, mes garçons et mon mari étaient là pour m'aider. La réputation de la Pension du Cap s'étendit partout dans les Laurentides et les clients de toutes nationalités se côtoyaient dans la salle à manger. Miville Couture et sa femme, Luce Violette, originaires de Rimouski, étaient des clients assidus. Ils venaient passer leurs vacances chez nous.
La vie était trop belle pour que ça dure longtemps. Le 24 juin 1950, mon Éloi mourrait. Même si le coup fut dur, il fallait continuer. Il me restait mes huit enfants et le commerce. Quelques jours après les funérailles, on ouvrait les portes de la "Pension". Puis, la fatigue commença à se faire sentir. En accord avec mes enfants, le commerce fut vendu en 1964. La même année, je me suis fait bâtir une nouvelle maison que j'ai habitée avec mes deux filles Yvonne et Lucille. Tout est souvenir, ici, les rochers nous parlent. Le moindre repli de terrain a son histoire.
Madame Éloi Legault née Orise Maillé est décédée le 13 février 1985 à l'âge de 93 ans. "Au village, je compte beaucoup de bons et bonnes amies et j'ai plaisir à me remémorer leurs emplacements."
En parlant de son village, Orise ne faisait nullement allusion au territoire de la municipalité du Village de Saint-Sauveur-des-Monts puisqu'il ne vit le jour qu'en 1926. Elle évoquait tout simplement l'agglomération regroupant l'église, l'école, le magasin général, la forge, la résidence du médecin, le bureau de poste, un certain nombre de maisons familiales et bien entendu l'ensemble des habitants qui s'y côtoyaient.
Oui, son village était tout petit. Il ne comptait que deux voies : la principale, celle qui traversait le "village" d'est en ouest, porta différents noms: d'abord le "chemin Saint-Lambert", puis le "chemin de l'Église". La "rue Principale" traduction de "Main Street" vint beaucoup plus tard. À la deuxième voie, celle tracée dans l'axe sud-nord, à partir du chemin de l'Église, on donna d'abord le nom de "montée du Village", puis de "chemin du Village" et même de "route de Morin" avant de la désigner "avenue de l'Église", en 1953.
Sur le "chemin de l'Église", toutes les propriétés comprises entre les lots 353 et 383 sur le côté Nord et entre les lots 356 et 390, sur le côté Sud, étaient considérées comme faisant partie du "village". Les propriétés comprises entre les lots 376 et 380 dans la montée du village en faisaient également partie.
Avant de nous rendre devant les emplacements dont elle nous a parlé, attardons-nous quelques instants aux notables que nous pouvons identifier grâce à l'ancienne expression "écuyer" apparaissant à la suite de leur nom dans certains registres de perception de taxes foncières.
Depuis 1885, la municipalité de la paroisse Saint-Sauveur était dirigée par le maire François-Xavier Clouthier, marchand général. Au tout début du XIXe siècle, le Conseil municipal était composé de MM. Adélard Forget, Joseph E. Foisy, Félix Secours, Isaac
Filiatrault, Antoine Trottier, Magloire Pagé, Alexandre Constantineau. M. Edmond Brosseau, beurrier de son métier, occupait le poste de secrétaire-trésorier. Les assemblées se tenaient à la salle municipale alors située sur le chemin de l'église (aujourd'hui occupée par le commerce « Les Presses du Monde », au 195 de la rue Principale.
Des 1 501 personnes recensées en 1901 dans la municipalité de la paroisse Saint Sauveur, la très forte majorité vivaient à la campagne. Nous ne disposons d'aucune statistique établissant la population du "village". Toutefois, il nous apparaît vraisemblable de prétendre que tout au plus 10% de la population recensée vivait au "village". Maintenant, abordons l'emplacement des quelque trente maisons du "village d'Orise Maillé."
Lot # 376
1900 - L'école du Village
2004 - Atelier Yanick, montée du Village, 27, avenue de l'Église
"C'était une maison à deux étages dont l'extérieur était revêtu de planches brutes posées verticalement. Le rez-de-chaussée était occupé par une seule salle de classe. Je vois encore la "truie" en avant de la classe, à quelques pieds du bureau de l'institutrice. En hiver, un garçon avait la responsabilité de maintenir un bon feu qui réduisait en cendre de belles bûches de bois franc. L'ameublement était rudimentaire: deux rangées de quatre tables étroites, légèrement inclinées, accommodaient les élèves assis sur des bancs grossiers et sans dossier".
On est en 1900. Il est sept heures du matin. La montée du village prend vie avec les enfants qui s'amènent sur la terre détrempée par la pluie tombée durant la nuit. Ils semblent en avoir long à se raconter. Deux femmes les précèdent; elles marchent d'un bon pas et s'arrêtent devant l'école. Ce sont les institutrices puisque l'une d'elles ouvre la porte et la referme sur elle-même.
Au dire d'Orise Maillé, c'est dans cet immeuble qu'elle a appris à lire et à écrire. Cinq jours par semaine, elle se présentait à l'école, quand ses parents n'avaient pas de tâches plus urgentes à lui confier. Tous les matins, Hortense Lecavalier et sa mère attendaient les élèves à la porte de l'école. La première enseignait aux plus avancés alors que sa mère apportait son expérience aux plus jeunes. Hervé Beaulieu, confiant ses souvenirs d'enfance à M. Cyprien Lacasse, chroniqueur à la Société d'Histoire, lui dévoila y avoir suivi des cours d'anglais le soir avec Mlle Sarah Moore.
L'école était la propriété de la Commission scolaire Saint-Sauveur érigée en corporation, en novembre 1857, par le Gouverneur Général du Canada. Les archives de la Commission scolaire étant incomplètes, nous avons dû nous en tenir aux seuls documents encore disponibles. Grâce à des documents officiels, nous avons appris que, cette année-là, les services de Mlle Anna Guillemette furent retenus pour enseigner à l'école du village. L'institutrice, également organiste de la paroisse, décéda en juin 1882. Le 25 juin, la chapelle n'était pas assez grande pour accueillir les paroissiens désireux de rendre un dernier hommage à Anna.
Orise Maillé, qui a conservé d'excellents souvenirs de ses années passées sur les bancs d'école,parle ainsi de l'école de la "montée du
Village" à M. Cyprien Lacasse : "Ce n'était pas l'Université, ni le couvent des grandes villes mais on allait à l'école pour vrai, pas pour s'amuser ou tuer le temps: trente heures de classe par semaine sans compter tes devoirs et leçons à la maison. On allait à l'école à pied, beau temps, mauvais temps, hiver comme été. Il n'y avait qu'un local de classe dans cette école-là. Les élèves, garçons et filles, formaient des groupes appelés "divisions", selon leur degré de savoir. Notre institutrice, Mme Lecavalier, aidée de sa fille Hortense, nous "apprenait" le catéchisme, les prières, la lecture “courante", l'écriture, la grammaire, la composition française, l'arithmétique, l'histoire du Canada et la géographie. La maîtresse et les parents ne badinaient pas. Aller à l'école, c'était sérieux!
En 1908, on subdivisa le local de classe pour accommoder deux groupes. Selon le souvenir de Patrick Goyer. Deux institutrices y enseignaient: Mlle Edwilda Constantineau fille d'Evangéliste Constantineau et Mlle E: Maillé.
En 1913, l'école étant trop petite et ne répondant plus aux normes gouvernementales, les commissaires durent trouver un bâtiment plus conforme. À la rentrée des classes en septembre 1914, les quatre-vingt-dix enfants du village se présentèrent à l'hôtel Plouffe, transformé en école. Ils y étaient attendus par les sœurs: Aimée-de-Saint-Alexis, Louise-de-la Purification et Saint-François-de-la-Croix, de la communauté des Filles-de-la-Sagesse à qui la Commission scolaire avait confié la direction du nouveau couvent.
Lot # 379
1900 - La maison du bedeau
2004 – Résidence, montée du Village, 10, avenue de l'Église
L'histoire de cette maison toujours existante débuta le 23 décembre 1885.
Ce jour-là, le curé Adolphe Jodoin adressait une requête à l'administrateur de l'évêché de Montréal à l'effet de pouvoir utiliser de cent cinquante à deux cents "piastres" pour faire transporter, sur le présent site, la maison érigée sur le terrain donné à la Fabrique, en 1850, par Moïse Desjardins. La Fabrique récupérait ainsi une maison depuis longtemps inhabitée, en vue d'y loger son bedeau en fonction. Le premier employé de la Fabrique à bénéficier de ce privilège fut M. Emery Lacasse.
L'année suivante. M. Ferdinand Maillé, fils de Michel et de Domithilde Godon, marié à Malvina Paquet(te), succédant à M. Lacasse, emménagea dans cette maison où il éleva ses dix enfants.
Dans l'exécution de ses fonctions, M. Maillé côtoya trois curés: les abbés Adolphe Jodoin, Joseph Gaudet et Philibert Saint-Pierre. M. Maillé quitta son emploi en 1898. Après son départ et jusqu'en 1922, il nous a été malheureusement impossible de retracer celui ou ceux qui lui ont succédé.
En 1922, Charles-Edouard Hébert, fils de Nazarie et de Cordélia Tougas nouvellement engagé comme bedeau, s'installa dans la maison de la Fabrique. Le 30 juin 1925, devant le curé Joseph-Eugène Gohier, il épousa Eva Léonard, fille de Nazarie et de Sara Foisy. Selon ses diverses fonctions, on le désignait bedeau, sacristain et même fossoyeur.
Questionné au sujet de cette maisonnette, feu Réal Hébert, fils du bedeau, nous affirma que, "Contrairement à ce qui a pu s'écrire et se répéter, la maisonnette, derrière la maison du bedeau, n'a jamais fait office de ''charnier". Elle fut même construite par mon père. C'était son hangar".
En 1952, au lendemain d'une assemblée du Conseil de Fabrique, le curé Charles-Edouard Toupin informa M. Hébert que les marguilliers avaient décidé de se départir de la maison qu'il habitait et qu'il pourrait en être l'acheteur prioritaire, s'il le désirait. Il refusa l'offre et préféra acquérir une maison plus grande en prévision d'une retraite éventuelle. C'est ainsi qu'il acquit la maison de la famille Félix Boisseau connue sous le nom de La Pension Canadienne. M. Hébert s'y installa avec sa famille sans délaisser sa fonction de bedeau.
Le 10 juillet 1957, après avoir servi à loger le bedeau de la paroisse pendant plus de soixante-cinq ans, M. Bernard Pagé, boulanger, en fit l'acquisition pour la somme de 4 525,00 $. Il s'y installa avec son épouse, Laurette Giroux, décédée en l'an 2000 sans laisser d'enfant. Quant à M. Pagé, retraité, il l'habita jusqu'à sa mort survenue le 23 juillet 2001.
Lot # 380
1900 - La boulangerie Gauvreau
2004 - La boulangerie Pagé, montée du Village 7, avenue de l'Église
Tous les jours, en sortant de I’école, je devais me rendre à la boulangerie de monsieur Gauvreau, pour y prendre deux bons pains. Je me souviens encore qu'une journée, j'ai dû refaire le chemin de la maison à la boulangerie parce que j'avais oublié ma commission. Ça m'est arrivé une seule fois. Croyez-moi!"
Bien que le commerce sis au 7, avenue de l'Église, affiche le nom Pagé, il est présentement la propriété des Moulins Lafayette. Que de souvenirs sont conservés à l'intérieur des murs de cette maison centenaire!
L'histoire de cet emplacement débute en 1854 alors que l'occupant, M. François Gauvreau, marié à Philomène Legault, possédait trente-six des soixante arpents carrés enregistrés sous le numéro 18- P au cadastre de la seigneurie des Mille-Isles En effet, le 3 septembre, déjà connu pour son habileté dans le maniement du tranchet et de l'alène, M. Gauvreau fut engagé comme bedeau, à raison d'un salaire annuel d'une livre et dix sols ou la valeur en grains, laquelle somme ou valeur devait être versée à tous les ans, vers la fête de Noël, par chaque propriétaire de la paroisse.
Le 31 décembre 1854, les syndics, les marguilliers et les francs-tenanciers adoptaient une résolution à l'effet d'acheter du même François Gauvreau un chemin contigu à son terrain afin d'annuler celui qui divisait le terrain de la Fabrique. À l'origine, ce chemin de montée, qui reliait le chemin de l'Église à celui de Morin, passait entre la chapelle et le presbytère.
Selon le registre des taxes foncières de la municipalité, en 1880, la propriété appartenait à M. Pierre Célestin Dubé, médecin du haut de la Côte, qui en vendit une partie à son successeur le docteur Lucien Proulx, Puis, un notaire, M. J.-A. Malo fit l'acquisition de la propriété du docteur Proulx. Le professionnel fit construire la présente maison dans laquelle il vécut pendant une quinzaine d'années. Des deux portes de la façade de l'immeuble, celle de gauche donnait accès à sa résidence et celle de droite conduisait directement à son étude.
En 1897, le notaire Malo signait un acte de vente de sa propriété à M. Camille Gauvreau du bas de la Côte, où il était cultivateur.
Camille nourrissait l'ambitieux projet d'ouvrir une boulangerie dans le village alors que toutes les ménagères cuisaient encore leur pain. Aussitôt acquise, M. Gauvreau entreprit de modifier l'étude du notaire. Secondé par deux de ses fils, Télesphore, qui épousera Laure Clouthier, fille du maire et marchand général François-Xavier Clouthier et Avila qui mariera Adélia Lauzon, fille de Moïse Lauzon, le nouveau propriétaire mit sur pied sa boulangerie.
Ce ne fut pas le Pérou du jour au lendemain. Occasionnellement d'abord, puis plus régulièrement, les enfants du "village" furent chargés de prendre un pain chaud après leur classe. La nouvelle se communiqua dans les rangs que le pain des Gauvreau avait une bonne mie. De semaine en semaine, la production augmenta; les habitants profitaient de leurs courses chez le marchand général ou de leur visite chez le forgeron pour s'approvisionner en pain à la boulangerie.
En 1911, M Gauvreau embaucha le jeune Edouard Pagé, fils de Magloire et d'Olivine Desjardins dont la réputation d'excellent apprenti boulanger le devança à Saint-Sauveur alors qu'il était encore en formation chez Ubald Gauthier de la rue Drolet à Montréal.
M. Éloi Legault, mari d'Orise Maillé, qui a bien connu Edouard Pagé, nous parle de ce jeune homme: "Onzième d'une famille de douze enfants, Edouard était encore tout jeune lorsqu'il perdit sa mère, le jour de sa première communion. En 1912, il négocia avec M. Gauvreau l’'achat de son entreprise et s 'engagea à lui verser la somme de 2 250.00$ au grand dam de son père qui le croyait incapable de rembourser une telle somme".
En 1915, Edouard Pagé épousa Agnès Léonard, fille d'André et de Marguerite Foisy. Tout en voyant à son commerce, il assura une solide instruction à chacun de ses huit enfants. Au lendemain de la première guerre, les prix se mirent à grimper. Comme tous les boulangers, Edouard Pagé dut réviser ses recettes. Il remplaça les pommes de terre par la levure dans la fabrication de sa pâte à pain. Cet adoucissement n'enlevait rien à la tâche de fendre annuellement de 40 à 50 cordes de bois pour chauffer le four, ni à celle d'atteler la jument au petit jour pour livrer jusqu'à Morin-Heights et à Sainte-Agathe le produit de la dernière fournée. Ce ne fut que beaucoup plus tard que le mazout remplaça le bois pour faciliter la vie du boulanger.
En 1949, Patrick Goyer s'ajouta à Bernard et Philippe, les deux fils du boulanger. M. Goyer arrivait avec une bonne connaissance du travail à exécuter autant dans la boulangerie que sur la route. Cette expérience, il la devait à Monsieur Beauséjour boulanger, établi au coin de l'avenue Saint-Denis et de la rue Principale pour qui il avait travaillé pendant quelques années. Edouard Pagé lui confia la "ronde" (livraison du pain), qui très souvent prenait la journée, utilisant une voiture tirée par un cheval. La clientèle continuant d'augmenter, le territoire à parcourir s'agrandissant, le cheval fut remplacé par un camion, une Ford "à pédale" comme on disait à l'époque.
Bernard et Philippe prirent la relève en 1960. Puis, progressivement l'aîné se retira, laissant à son frère Philippe, l'exploitation de la boulangerie. Acquise de Camille Gauvreau en 1912, la boulangerie Pagé fut vendue, en 2001, aux propriétaires des Moulins Lafayette désireux de poursuivre la tradition de la famille en conservant leur nom et leurs produits qui lui valurent un si grand succès.
Les nouveaux propriétaires, ayant donné une nouvelle allure à la boulangerie, entreprirent de donner une nouvelle vocation à la section de l'immeuble qui servit de logement au notaire Malo et à sa famille, à celle de Camille Gauvreau et à celle d'Edouard Pagé. Depuis octobre 2001, cette section de l'immeuble est occupée par une magnifique boutique de cadeaux et souvenirs.
Lot # 380-P
1900 - La maison du notaire
2004 - La Brûlerie des Monts, le chemin de l'église 197, rue Principale
"Un jour, papa revenant du village, annonça à maman qu'un nouveau notaire devait s'installer à la place du docteur Joseph-Louis Proulx" Dès lors, on ne parla plus que de la maison du notaire pour désigner celle qui, de nos jours, fait le coin à l'angle du chemin de l'Église et de la montée du village."
Nous voici devant "La Brûlerie des Monts", endroit par excellence pour déguster un bon café Oublions le décor commercial et la terrasse qui longe les côtés sud et ouest de cet immeuble, et retournons dans le passé pour découvrir l'historique de l'emplacement et les divers propriétaires qui s'y sont succédés. Tant pour l'emplacement de la boulangerie que pour celui-ci, c'est M. François Gauvreau qui en était l'unique propriétaire en 1854.
En 1877, M. Pierre-Célestin Dubé, premier médecin du haut de la côte, acheta de François Gauvreau la partie encore vacante de ce lot qu'il vendit trois années plus tard à son successeur le docteur Lucien Proulx marié en premières noces à Victoria Globensky et, en 1891, en deuxièmes noces à Delphine Fournelle. Trois ans plus tard, le docteur ferma son bureau et vendit sa propriété au notaire Joseph Chevalier, occupant de la maison d'en face ou, en plus d'exercer sa profession, il est également maître de poste
Tôt en 1899, il emménagea dans la maison beaucoup plus spacieuse que le docteur Proulx venait de quitter. Au rez-de-chaussée, sur la façade, le bureau du médecin fit place à l'étude du notaire. La cuisine d'été est transformée en bureau de poste. Les Sauverois utilisaient la porte donnant sur la montée du Village (aujourd'hui, l'avenue de l'Église) pour accéder au comptoir de livraison du courrier.
En 1902, la mort lui ravit son épouse, Ernestine Porcheron. En avril de l'année suivante, le notaire Chevalier épousa, en secondes noces, Sara Clouthier, fille de François-Xavier Clouthier, le marchand général et maire de Saint-Sauveur depuis 1885.
À la fin de l'année 1904, un incendie détruisit sa maison. Le notaire fit reconstruire durant la même année, la maison ci-dessous sur le même site.
L'exercice de sa profession lui demandant d'investir de plus en plus de temps, le notaire démissionna du poste de maître de poste en 1912, en faveur de sa fille Ernestine.
Le 13 juin 1920, M. Chevalier vécut un nouveau deuil: Sara, son épouse, fut emportée par la maladie. Homme de caractère, il ne se laissa pas abattre; il s'impliqua davantage dans les causes à caractère social. De 1923 à 1926 il occupa le fauteuil de maire à la Municipalité de la paroisse Saint-Sauveur. Il fut l'un des signataires de la requête adressée au lieutenant-gouverneur de la Province à l'effet d'obtenir l'incorporation du territoire correspondant aux limites actuelles de la Municipalité du Village de Saint-Sauveur-des-Monts dont il devint le premier maire. Fatigué et malade, après six années consacrées aux dossiers de son village, M. Chevalier se retira de la politique municipale et s'éteignit le 11 février 1933.
La maison demeura la propriété des Chevalier et Ernestine, sa fille, continua d'assurer la fonction de maîtresse de poste. Le 27 janvier 1944, devant le curé Aquila Ethier, elle épousa le secrétaire-trésorier de la municipalité, M. Adolphe Bélanger, fils de Lambert Bélanger et d'Olivine Beauchamp. En 1946, Ernestine mit fin à sa carrière de maîtresse de poste; son frère, Marc-André lui succéda au guichet de distribution du courrier. Puis, le 1er mars 1950, ce fut le déménagement du bureau de poste dans une partie de l'immeuble maintenant occupée par le restaurant Le Vieux Four.
Après le départ du bureau de poste, Ernestine demeura dans la maison laissée par son père jusqu'en 1972. A compter de cette année-là, la résidence des Chevalier connut une vocation commerciale. Que l'on se rappelle "La boutique Boca", "Le Bistro Santé", "La Cafetière" qui a précédé "La Brûlerie des Monts"
Lot # 381
1900 - Salle municipale
2004 - Les Presses du Monde chemin de l'église, 195, rue Principale
"C'est ici que mon père assistait aux assemblées du Conseil municipal. On n 'y voyait jamais de femme C'était réellement l'affaire des hommes !" Comme M. François-Xavier Clouthier fut maire de la municipalité de la paroisse Saint Sauveur de 1885 à 1921, c'est donc lui qui présidait les assemblées du Conseil en 1900.
Dans les archives municipales, on découvre qu’en 1871, M. Edouard Charbonneau, marié à Appoline Sigouin, possédait une maison vacante sur le présent emplacement. Ayant entendu dire que le maire Basile Clouthier était à la recherche d'un endroit pour y tenir les assemblées du Conseil, M. Charbonneau rencontra M. Louis-Joseph Loranger alors secrétaire-trésorier dans le but d'offrir sa maison vacante au Conseil. D'abord louée au coût de quarante cents pour chacune des réunions qui y seraient tenues, la maison fit l'objet d'un contrat d'achat par la municipalité en 1890.
Jusqu'en 1923, à défaut d'électricité, les réunions du Conseil n'étaient tenues que le jour. Pour la même raison, le secrétaire trésorier exerçait ses fonctions à sa maison privée.
C'est également ici qu’en 1923, le Conseil présidé par le maire Charles Aubry accepta le premier démembrement qui donna naissance à la municipalité de Piedmont. Trois années plus tard, un nouveau démembrement fut à l'origine de la Municipalité du Village de Saint Sauveur-des-Monts. Une entente intervenue entre les deux municipalités établit la copropriété du présent immeuble qui tint lieu d'hôtel-de-ville aux deux organismes.
En 1946, répondant à une demande de la Commission scolaire de Saint-Sauveur, à l'effet d'utiliser la salle municipale à des fins d'enseignement à un groupe de garçons, le Conseil autorisa la demanderesse à faire installer l'eau courante et une toilette dans la bâtisse. En raison d'un manque d'espace et de la future école Saint-Édouard, qui n'était pas encore terminée, le professeur Édouard Blondin et ses élèves de septième année occupèrent les lieux durant les jours de la semaine.
La cohabitation des deux municipalités cessa en 1951 alors que la Municipalité du village inaugura de nouveaux locaux administratifs sur l'avenue Filion. La municipalité de la paroisse Saint-Sauveur acquit, pour la somme de huit cents dollars, la part de la Municipalité du village.
En 1973, à cause de travaux de rénovation à l'hôtel de ville de la paroisse, les assemblées furent tenues à l'école Saint-Édouard. Puis, le 9 juillet 1976, le Conseil accorda à M. Adélard Boulay, le contrat de la rénovation de la façade de la bâtisse.
Enfin, en 1980, la Municipalité de la paroisse se départit de l'immeuble en le vendant, suite à un appel d'offre, à M. Daniel Hénault, qui y ouvrit un commerce de photographie.
En hommage à tous les conseillers de la municipalité de Saint-Sauveur qui ont siégé dans cet immeuble, la Société d'Histoire des Pays-d'en-Haut a remis au Conseil une magnifique maquette sur laquelle figurent les noms de tous les maires, conseillers et secrétaires-trésoriers qui se sont succédés depuis 1855. Cette œuvre, réalisée par M. A. Mercier résidant de la rue Kilpatrick est conservé dans la salle du Conseil de l'hôtel de ville de la paroisse de Saint-Sauveur.
On ne peut quitter cet emplacement, sans penser que ce fut le lieu, pendant plus de cent ans, de très importantes décisions municipales. Il serait intéressant de relever, dans les registres des délibérations, les résolutions qui ont contribué au développement du territoire de Saint-Sauveur. L'idée est lancée aux chercheurs.
Lots # 382
1900 - La maison du docteur
2004 - Complexe commercial chemin de l'église, 191, rue Principale
"Un certain matin, quelques minutes avant de quitter la maison pour me rendre à l'école, "Horace" (c’était notre chien), me mordit une jambe C'est à cause de cette morsure que je me suis retrouvée dans cette maison du docteur Pontbriand que je craignais beaucoup " Au livre de Renvoi de la partie de la paroisse Saint-Sauveur située dans la seigneurie des Mille-Isles signé par le J.H. Leclair de Saint-Jérôme en 1884, on apprend que cet emplacement d'une superficie de 5514 pieds carrés était la propriété de monsieur Pierre-Célestin Dubé, premier médecin du "haut de la côte". Trois ans plus tard, monsieur Dubé vendit sa propriété à Ferdinand Gareau, marié ici depuis le 5 avril 1875 à Léocadie Beaulieu, fille de Pierre et de Marie Fleurent. Suite à une transaction devant notaire, l'emplacement passa, en 892, aux mains de monsieur Isidore Charbonneau marié à Marguerite Lafleur.
En 1896, tant au bureau de poste qu'au magasin général, on parlait de l'arrivée prochaine d'un nouveau médecin à Saint-Sauveur. M. Edmond Brosseau, alors secrétaire-trésorier de la municipalité confirma la nouvelle à Isidore Charbonneau que le docteur Ignace Pontbriand était à la recherche d'une maison dans le village pour s'y installer avec sa famille et y tenir son cabinet de médecin. C'est ainsi qu'Isidore Charbonneau prit l'initiative de rencontrer le docteur Pontbriand et lui offrit sa maison vacante. Les deux hommes se donnèrent rendez-vous à l'étude du notaire Chevalier pour finaliser la transaction qui rendit M. Pontbriand propriétaire de cet emplacement-ci. Il s'y installa avec son épouse née Éloïse Baudy et leurs cinq enfants.
Le docteur Pontbriand y pratiqua sa profession jusqu'en 1910. Un certain dimanche, à la sortie de la grand-messe, alors que le docteur était entouré d'amis, il leur dévoila que M. Joseph-Octave Lapointe, médecin à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson allait venir s'établir sur la rue de la Station, dans un logement aménagé à l'étage du restaurant Tousignant, à proximité de la Gare. Ce restaurant deviendra plus tard le Val-Riant.
En 1912, le docteur Lapointe acheta la maison du docteur Pontbriand, où, comme son prédécesseur, il pratiqua sa profession. Quatre de ses cinq enfants, Cyrille, Alice, Jacques et Albert, naquirent dans cette maison dont une pièce lui servait de cabinet.
Le fléau de l'influenza (grippe espagnole) de 1918 tint le docteur occupé presque vingt-quatre heures par jour. Épuisé par le travail et le manque de sommeil, M. Lapointe dut finalement "prendre le lit". Heureusement, il réussit à récupérer assez pour reprendre la route et rendre visite à ses malades.
En 1922, le docteur Lapointe acheta la propriété de Napoléon Allaire, menuisier à l'Orphelinat de Montfort et fabricant de cercueils qu'il exposait en bordure de son terrain donnant sur le chemin de l'Église. Cette transaction tant souhaitée apportait une amélioration à sa famille qui vivait à l'étroit depuis belle lurette.
L'emplacement connu, par la suite, une vocation commerciale sous le nom Les Tapis de Saint-Sauveur.
LM-089-16



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