Histoire des beurreries dans les Laurentides
- Mélanie Tremblay
- 24 juin
- 5 min de lecture
Par Estelle Schumph
Cahier no 17, mars 1983
Introduction
À partir de 1875, la beurrerie commence à tenir un rang important parmi les maisons d’affaires de Saint-Sauveur-des-Monts.
L’installation d’Edmond Brosseau en plein village, rue Principale, sert de point de vente aux cultivateurs des environs.
Au Grand Ruisseau, la beurrerie de Grégoire Bélanger connaît une grande prospérité.
Plusieurs années plus tard, Hatty et Johnny Dabis tiennent successivement une beurrerie à Christieville, de même que Jos Shaw sur la route de Morin Heights chez Mlle F. Benoît.
(Album souvenir 1853-1953)
Les noms d’Edmond Brosseau et d’Albert Lessard sont étroitement liés à l’histoire des beurreries dans les Basses Laurentides.
L’article qui suit comprend une notice biographique de chacun de ces deux pionniers et décrit brièvement le rôle qu’ils ont joué dans l’implantation des fabriques de beurre dans notre région.
Les textes et les documents ont été fournis par Estelle Schumph, trésorière de la Société d’histoire des Pays-d’en-Haut. Tous nos remerciements.
Cyprien Lacasse

Edmond Brosseau
Par Estelle Schumph
Edmond Brosseau, fils de Cyprien Brosseau, est né à Sainte-Thérèse. Son père était un homme instruit : il avait fait son cours classique et s’intéressait à tous les domaines de la culture de l’esprit. Aussi tenait-il beaucoup à l’éducation et à l’instruction de ses
enfants. Il envoya son fils Edmond à l’école d’agriculture de Saint-Hyacinthe. Malheureusement, Cyprien mourut alors que son fils n’avait que 14 ans.
Sa mère se maria en secondes noces, un an après la mort de son mari. Ce fut la fin des études pour Edmond. Le beau-père décida qu’Edmond, âgé de 15 ans, était assez vieux et assez fort pour gagner sa vie.
Edmond se rend donc au chantier, à Presbay, Ontario. En peu de temps, il se mérite le respect et la confiance de ses compagnons de travail. C’est lui le plus instruit du groupe qui écrit les lettres d’amour de ses compagnons, à leur blonde ou à leur femme. Il lit à ses compagnons les réponses reçues des êtres bien aimés. Lui aussi écrit à Élisabeth Ratelle, de Saint-Jérôme. « Ma grand-mère a conservé toute sa vie l’une de ces lettres d’amour, enveloppée dans un mouchoir de toile blanc. » (1)
(1) La grand’mère de madame Estelle Schumph, Élisabeth Ratelle-Brosseau, a conservé cette lettre jusqu’à son décès survenu le 8 août 1926.
Voici le texte de cette lettre qu’Edmond Brosseau écrivait à sa blonde Élisabeth Ratelle qui devait devenir sa femme.
Presbay, Ontario
Le 3 octobre 1871
Chère et tendre amie,
Privé du plaisir de vous voir, je prends celui de vous écrire, pour vous peindre combien je me trouve malheureux en pensant à la grande distance qui nous sépare aujourd’hui, car c’est en pensant, ma chère, aux doux instants que j’ai passés avec vous que je sens cet éloignement insupportable.
Ma douce amie, puisse Dieu me conserver la vie et la santé et me ramener au sourire du printemps auprès de celle à qui je lui jure être sincère et fidèle durant mon absence.
Je prierai Dieu, ma chère, pour qu’il daigne vous en accorder autant et vous conserver dans les mêmes estimes et considération, telle que vous m’avez juré par- fois en attendant de nous revoir.
Je vous jure, comme jeune et honnête garçon, que le plus beau jour de ma vie sera mon retour à vous et que le second sera de m’entendre dire que je me donne à vous aujourd’hui et pour toujours.
Aussi, recevez ce petit cadeau (2) inclus comme étant le gage de mon amour.
Mes respects à vos parents. Je reste pour la vie un de vos amis.
Une réponse, mademoiselle, si vous trouvez que je le mérite et vous adresserez comme ceci :
E. B.
Care John Hudson
E.S.Q. Combère Prov. Ontario
(2) Cadeau : un petit ruban de velours sur lequel était écrit en lettres dorées : TRUST IN GOD et que la grand’mère a conservé précieusement.
RÉFLEXION PERSONNELLE d’Estelle Schumph
Il importe de souligner le ton et la tenue de cette lettre, la noblesse des sentiments, la courtoisie… et j’ajouterai, le respect de l’orthographe usuelle et syntaxique. Tout ça chez un jeune homme qui n’avait fréquenté que la petite école de campagne… avec des classes à divisions multiples ! Et dire qu’aujourd’hui…
Edmond Brosseau et son épouse Élisabeth Ratelle vinrent s’établir sur une terre à Saint-Sauveur-des-Monts, plus précisément dans la Montée Saint-Lambert. Une fromagerie était alors en exploitation au Grand Ruisseau ; les cultivateurs souhaitaient l’établissement d’une beurrerie qui constituerait un autre débouché pour le lait produit par leurs troupeaux de vaches laitières.
Edmond Brosseau, homme actif, intelligent, dynamique et d’une honnêteté proverbiale, participa à l’établissement de neuf beurreries dans les Basses Laurentides. Il fut secrétaire de la Commission scolaire de Saint-Sauveur et Piedmont. En outre, il fut secrétaire de la seigneurie de Globensky : son rôle consistait à percevoir le cens dû au Seigneur.
Edmond Brosseau, le pionnier des fabriques de beurre au nord de Montréal, mourut le 31 décembre 1930. Sa dépouille repose dans le cimetière de Saint-Sauveur-des-Monts.
L’histoire des beurreries… parce que du beurre, c’est du beurre !
1875 : Edmond Brosseau vint s'établir à St-Sauveur-des-Monts, et s'acheta une terre au Grand Ruisseau. Il se laissa facilement convaincre par les cultivateurs, de la nécessité d'ouvrir une beurrerie dans le Rang. Fort de l'appui d'un ancien beurrier qui l'assurait de son aide, Edmond Brosseau ouvrit une première beurrerie au Grand Ruisseau. Constatant après quelque temps que le jeune Lessard était fiable, intéressé à son travail, Edmond Brosseau envoya son jeune employé à l'école de Saint-Hyacinthe et le jeune Lessard y décrocha son diplôme officiel de Beurrier.
1880 : Après cinq années d'exploitation de la beurrerie du Grand Ruisseau, Edmond Brosseau achète un terrain dans le village de Saint-Sauveur, dans la rue Principale, là ou se trouve aujourd'hui La Casserole. Il y construit sa maison et bâtit une nouvelle beurrerie, plus moderne, mieux équipée. Edmond partage le travail de la beurrerie avec ses deux fils, Mathias et Joseph, mais il garde son homme de confiance, Albert Lessard.
1890 : Edmond Brosseau ouvre une troisième beurrerie à Piedmont, et son fils Mathias en devient le propriétaire. Cette beurrerie était située à peu près en face du bureau de poste actuel. Edmond Brosseau étend ses activités en dehors de son village… Il ouvre des beurreries à Christieville, Saint-Hippolyte, Sainte-Marguerite, etc.
1901 : Sainte-Adèle ne veut pas bouder le progrès, et Edmond Brosseau y ouvre sa 9e beurrerie. Il en confie l'administration à Albert Lessard devenu son gendre. En effet, Albert Lessard avait épousé Alzire Brosseau, fils de son patron Edmond Brosseau.
1903 : Le Gouvernement provincial organise un grand concours pour les propriétaires de beurreries. Albert Lessard gagne la médaille de bronze, ayant obtenu 93 points sur une possibilité de 100.
1908 : La beurrerie de Sainte-Adèle, la plus importante, est florissante. Albert Lessard s'en porte acquéreur et l'exploite avec l'aide de ses deux fils Gérard et Roland.
1939 : Gérard succède à son père et continue l'exploitation de la beurrerie de Sainte-Adèle, avec son frère Roland. Hélas ! déjà, les fils de cultivateurs cherchent un travail moins captivant, moins ardu que la culture de la terre. Certains cultivateurs vendent leurs biens à des villageois ; d'autres font lotir leurs terres et vendent les lots aux jeunes qui ne veulent pas quitter leur patelin, Sainte-Adèle.
1958 : La beurrerie de Sainte-Adèle ferme ses portes, faute d'approvisionnement en lait... « L'ère des fabriques de beurre avait duré une soixantaine d'années. Elle marqua la période où l'agriculture faisait vivre la plupart des gens. L'une des plus tenaces de ces "barattes à beurre" celle d'Adolphe Bélanger, au Grand Ruisseau, avait cessé son travail vers 1934, faute de crème »
Tiré de l’Album Souvenir, 1853-1953, page 40.
LM-131-25
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