Encore belle aujourd’hui
- Admin
- 2 juin
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Je voudrais vous présenter une en particulier qui a sa place au beau milieu de notre village, plus précisément au 314 de la rue Principale à Saint-Sauveur.
Par Jacqueline Dumas S.H.G.P.H.
J’ai rencontré plusieurs personnes qui l’ont bien connue, tous m’en ont parlé avec chaleur, chacun y allant d’un détail que les autres ignoraient. Si bien que, moi qui ne la connaissais pas du tout, je peux aujourd’hui vous en parler. Disons dès le départ qu’elle a vu le jour ailleurs dans le Rang de La Côte St-Lambert, sur le lot 351. Tous s’entendent pour lui donner un âge approximatif. On pense qu’elle a pu être construite vers 1897, peut-être même1895. Qu’à cela ne tienne, c’est un âge vénérable et elle ne nous en voudra pas. Ce qu’on suppose, sans trop se tromper, c’est qu’un des pionniers, Charles Charron, venu s’installer dans ce rang, a choisi quelques beaux arbres sur sa terre, se disant fièrement : -
- elle va être belle, ma maison!
« On viendra des autres saisons
Pour se bâtir à côté d’elle »…
… comme dit la chanson de Gilles Vigneault. On peut deviner l’ardeur et l’amour qu’il a mis à abattre ces grands arbres, la bonne façon d’équarrir ces poutres à la hache pour la construire, probablement aidé de ses voisins, comme c’était la coutume. Sa femme et ses enfants y seront bien logés, il n’en doute pas. A-t-il eu une pensée pour ceux qui l’habiteraient plus tard ? Il nous est permis de le croire à cause de la belle allure et de la solidité de son œuvre, une fois terminée. Domithilde, sa femme savait quoi faire elle, pour la garnir (de nos jours on dirait la décorer à l’intérieur) et la rendre confortable pour la famille.
Les années passent ….

Un beau jour, on retrouve cette maison au village. Elle a été démontée pièce par pièce, puis reconstruite, plus tard sur le terrain acheté à un monsieur Beaulieu. Et voilà notre « belle », sur la rue Principale à Saint-Sauveur. Elle appartient alors à Omer Charron, fils de Charles Charron et de Domithilde Goyer.
… encore belle aujourd’hui
Omer était célibataire; ayant travaillé à Montréal plusieurs années pour une compagnie de chemins de fer, il avait sans doute quelques économies pour pouvoir s’installer ainsi. Mais on m’a assurée que la dite maison, il l’avait reçue « en cadeau » si on peut dire. Quelqu’un de sa famille s’étant désisté de ses droits de propriété en sa faveur. À la même époque, une de ses sœurs Florida épouse Élias Gagnon en 1920 ici à Saint-Sauveur. Cordonnier de son métier, travaillant à Montréal depuis longtemps; ils reviennent vivre au village. Le couple n’a pas d’enfants.
Omer propose à sa sœur Florida et à son mari Élias d’habiter avec lui. On est en 1935. Il restera propriétaire de la maison, Élias ouvrira sa cordonnerie dans un petit local adjacent à la maison, du côté droit, et pratiquera son métier jusqu’à sa mort en 1967. Pendant 32 ans les gens du village profitent des connaissances et du savoir-faire de M. Gagnon. Pour faire réparer leurs chaussures tout le monde sait où aller.
Florida prendra soin de son frère Omer pendant toutes ces années, même longtemps après le décès de son mari. Il n’était pas facile, le monsieur Omer, à ce qu’on m’en a dit : ne souriait pas souvent, ne communiquait pas beaucoup avec les jeunes non plus, ce qui les portait à lui jouer des
« tours » ce qui est un peu normal. Il décède à l’Hopital Youville à Saint-Jérôme en février 1980, il arrivait à ses 96 ans.
Il en était tout autrement pour sa sœur madame Florida, de qui les gens du village ont gardé bon souvenir, comme de son mari monsieur Gagnon, d’ailleurs. Elle avait le sourire et l’accueil chaleureux, «c’était une personne si aimable, si gentille» me dira madame Rollande Charbonneau qui l’a bien connue. Pendant quelques années, elle avait même ouvert un petit commerce de chaussures, à l’intérieur de la cordonnerie.

… encore belle aujourd’hui
Après la mort d’Omer, Florida n’habitera le 314, rue Principale, que pendant quelques mois. Elle ira vivre à la Villa du Vieux sapin, dirigée par Madame Laurina Desjardins. Elle a 92 ans. Elle décède au même endroit à l’âge de 104 ans, non sans qu’on ait célébré son centième anniversaire avec neveux, nièces et amis. Madame Florida disait alors en résumant tout : - J’ai fait une bien belle vie… Ma maison était peut-être petite mais il y avait toujours de la place pour tout le monde.
En octobre 1983, la maison est alors acquise par Maurice Charron, résident de Laval, qui la revendra à son tour à une compagnie : Les Investissements Marialex de Laval. Au cours des années 1970, la maison changera de vocation et subira plusieurs transformations. On fera disparaître l’escalier et les cloisons; on enlèvera le plafond, on verra alors apparaître les poutres qui soutiennent cette vénérable maison Un premier restaurant est ouvert : Au charbon de bois, puis un autre, et enfin La Marmite pendant plusieurs années.
La maison H. Dagenais et fils, déjà propriétaire d’une partie de ce lot depuis 1990, se portera acquéreur de la maison, plus que centenaire, au cours de l’année 2006. Pour notre plus grand plaisir aujourd’hui, en plus de l’apprécier de l’intérieur, on peut y admirer et se procurer mille et un objets de décoration, tous plus jolis les uns que les autres. Madame Florida serait contente de voir ça.
Les années passées n’ont fait qu’enrichir la patine des bois de cette maison, mais aussi nous obligent à constater la dureté de la besogne chez nos ancêtres, le peu de confort par exemple. En regardant vers les montagnes, j’aimerais imaginer entendre au loin, l’écho des coups de hache portés jadis par Charles Charron… non…pas possible …, il y a trop de cellulaires!

Un grand merci à madame Francine Charron et monsieur André Dagenais qui m’ont procuré des détails pertinents à cette maison.
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