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Des «chemins qui marchent», aux chemins qui parlent...

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    Admin
  • 6 juin
  • 6 min de lecture

Notre chroniqueur Pierre Grignon se permettait un joli jeu de mots, que vous lui aurez pardonné, annonçant ses deux chroniques sur «les voies, et les voix, de communication» en pays de colonisation. Voici donc les «voix de communication», tout aussi importantes que les autres depuis les chemins qui marchent.




Mon propos en deux volets porte essentiellement sur la libération de nos ancêtres, dont le terrible isolement s’est peu à peu étiolé pour conduire à cette

société moderne qui est la nôtre. L’amour du passé n’a pas à être nostalgique. Il peut être empreint de respect et soucieux de vérité historique sans tomber dans la tristesse de ne plus vivre en ces temps anciens. Les enfants gâtés que nous sommes devenus au fil des générations pourraient-ils seulement survivre en ces temps anciens? Le verglas nous a terrassés alors que nos ancêtres auraient simplement continué à se chauffer au bois, à s’éclairer à la lampe à l’huile, à la condition que la Cendrine fût bien ferrée pour ces chemins glacés.


La solitude et l’isolement qui furent le lot des premiers colons et des quelques générations qui suivirent sont indéniables sur le plan historique. Les chemins qui s’amélioraient peu à peu, le chemin de fer qui ouvrit la voie à tant de changements dans les mœurs et la vie économique, puis les routes qui devenaient des autoroutes, tout cela garde sa signification première. Mais il y a plus, beaucoup plus à mon sens.


Les médias allaient changer notre société de façon plus marquante, plus libératrice, plus axée sur les choses de l’esprit et finalement sur la culture au sens le plus large. Tout moyen de communication est un média. Il fut un temps où ceux qui avaient fait du latin et qui voulaient que ça paraisse disaient un medium (singulier du troisième groupe, comme templum, qui faisait templa au pluriel), donc des media. Ces mêmes gens disaient dans les salons un concerto grosso, des concerti grossi, etc. De nos jours, ceux qui parlent bien français savent qu’un médium désigne une personne qui entend des voix et vous charge le gros prix pour vous dire ce qu’ils ont entendu. Si ces gens qui ont l’oreille super fine sont plusieurs, on dit des médiums, les règles du pluriel et de l’accent aigu s’appliquant simplement. Voilà, en bien peu de mots, pourquoi on doit écrire les médias, même si on a fait son cours classique.


Le télégraphe, si précieux aux tricheurs les jours d’élection, avait un sens premier, celui de média qui portait un message codé plus rapidement que le train. Il suivait le plus souvent la voie ferrée et c’est à la gare que nos ancêtres allaient cueillir ces nouvelles si importantes. Quel progrès! Pas de placotage possible cependant, le langage étant «télégraphique», d’où le nom du style dénué de tout artifice. Le message gagnait en vitesse ce qu’il perdait en plaisir de lire… une belle lettre d’amour.


Le téléphone fut sans doute le premier grand libérateur, au tout début du XXe siècle. Nous sommes encore bien avant le placotage. Notre excellente revue de la SHGPH, la bien nommée la Mémoire, a publié déjà les quelques pages de la compagnie de téléphone Bell rappelant les premiers balbutiements de cette «voix de communication» dans les Cantons du Nord. Bell cite d’ailleurs Claude-Henri Grignon qui écrivait : «Mon foyer eut alors l’honneur d’être choisi comme site du premier central, et mon père, le gros docteur Wilfrid, était bien fier d’être le gérant de la compagnie Bell.»


 

C’est bien en 1903 que Bell installe un central téléphonique dans la maison même du docteur. Claude-Henri a neuf ans à ce moment-là. L’annuaire téléphonique du District de Québec, en août 1904, compte dix abonnés à Sainte-Adèle : deux hôteliers, la gare, le curé, le docteur F.X. Goyette, la Rolland, trois marchands et… la ferme expérimentale du docteur Grignon. Les quelques abonnés de Saint- Sauveur et de Piedmont seront reliés à ce central en 1905. Il importe de noter que ces premiers abonnés pouvaient communiquer depuis le village avec la plupart des centres téléphoniques du Québec et de l’Ontario où Bell était présent.


Si le curé Labelle peut parler, «crier» devrait-on dire, au Premier Ministre Mercier, c’est que la ligne téléphonique fut installée à Saint-Jérôme en 1886. Une kyrielle de progrès techniques s’enchaînèrent lentement, dont le remplacement des 1140 téléphones à génératrice électromagnétique par des appareils à cadran en 1949. Et là ça placote un peu plus. Ça écoute placoter aussi car les gens partageaient une même ligne, ne devant répondre qu’à un signal particulier de sonnerie, que les autres entendaient dans leur propre logis. Que d’indiscrétions savoureuses! Que de fausses rumeurs lancées pour éprouver la discrétion de la voisine que l’on soupçonnait d’être «sur la ligne» à écornifler. Le curé de la paroisse venait de perdre une part de son immense privilège, celui de confesser les pauvres gens sous le sceau du secret de la confession…


Après le gramophone et ses sonorités grinçantes qui avaient tout de même le mérite très grand de divertir et d’apporter des voix joyeuses et surtout nouvelles, la plus grande révolution se pointait en 1922. La plus grande, porteuse des plus merveilleuses richesses culturelles : la radio. S’il est toujours question de briser l’isolement et la solitude, la radio allait beaucoup plus loin que les autres médias, y inclus le cinéma (1895) qui ne parlera qu’en 1928 et qui exigeaient des conditions de projection qui en rendaient l’usage rarissime. La radio apportait des nouvelles qui bousculaient les rumeurs paroissiales et les préjugés entretenus par l’ignorance populaire… et même élitiste. La radio fait naître une culture populaire avec ses penseurs, ses chanteurs, ses conteurs, ses violonistes qui ouvrent des horizons aux violonneux, des ecclésiastiques instruits qui forcent les curés à évoluer lentement, les premières dramatiques qui sont autre chose que les séances d’amateurs. La radio est quotidienne et instantanée, actuelle et le plus souvent progressiste.


La radio parle français de façon plus correcte, elle présente des sonorités langagières qui surprennent les gens mais qui forcent le respect d’une langue riche, nouvelle pour eux. La radio a standardisé la langue, dans tous les pays civilisés. La radio apporte des connaissances, elle ouvre les esprits et présente un imaginaire qui deviendra collectif car elle fait partager des notions nouvelles, plus vastes et nettement plus intelligentes. Des talents s’expriment, des artistes émergent, des auteurs écrivent des œuvres originales qui fascinent les gens tout en les informant. J’écris ces lignes en septembre 2009. Le 11 septembre 1939, il y a 70 ans exactement, Radio-Canada diffusait le tout premier épisode de l’adaptation radiophonique du roman Un homme et son péché. Le vieux monsieur que je suis n’était même pas né! Et combien d’autres radio romans, d’émissions d’informations, de variétés, etc. qui permettaient aux gens, où qu’ils fussent, et quoi qu’ils fissent de leurs mains, d’écouter leurs programmes préférés, seuls ou en famille, chacun créant ses images, la lecture créatrice étant réservée à de rares exceptions dans nos campagnes.


La radio aura été le plus grand facteur d’émancipation et de libération de la femme. Elle écoutait la radio de façon plus continue que son mari, tout en travaillant sans relâche aux tâches ménagères et à la survie de la famille. Des femmes, (et des hommes), instruites, cultivées, s’exprimant de manière correcte structurée, leur faisaient franchir le seuil du savoir. Des savoirs, devrait-on dire.


Le soir venu, la famille écoutait ses programmes et se familiarisait avec des concepts jusque là inaccessibles. Le plus souvent en vivant des situations dramatiques porteuses d’émotions d’un type inconnu jusque là. Que d’anecdotes savoureuses ne peut-on pas raconter sur ce phénomène socioculturel que fut la Radio.



Photographe : Louis de Gonzague Allaire, Saint-Jérôme / Collection : Société d’histoire de la Rivière du Nord
Photographe : Louis de Gonzague Allaire, Saint-Jérôme / Collection : Société d’histoire de la Rivière du Nord

La bonne humeur régnait autour de ce micro


Lorsque la télévision arrive, début septembre 1952, les gens des régions, et ceux des villes itou, mettront un certain temps à y avoir accès surtout si on considère le coût faramineux d’un téléviseur et la médiocrité du signal, donc de l’image. On arrête tout pour regarder la télévision, on ne crée plus ses propres images, l’écran nous imposant son cadre limité.


Personne ne niera l’apport culturel phénoménal de la télévision, mais on comprendra que mon propos cherchait avant tout à dégager les grands axes de la libération de gens courageux mais isolés que furent nos pères et nos mères et leurs ancêtres avant eux.


Je termine en affirmant que les bonds prodigieux des techniques récentes en communication ont eu pour effet d’améliorer davantage la qualité du signal des médias que la profondeur et la portée de leur message. Internet mis à part. Au risque de déplaire à Lord Durham et à ses disciples, nous ne sommes plus un peuple sans culture…


LM-112-26

 
 
 

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