AUGUSTIN-NORBERT MORIN ET... LA LÉGENDE DE SAINTE-ADÈLE
- Mélanie Tremblay
- il y a 2 jours
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Alors qu'il était étudiant au séminaire de Québec, A.-N. Morin
s I intéressait déjà à l’agriculture. Devenu député, le développement de l'agriculture demeure l'une de ses principales préoccupations. Dans ses papiers, on trouve des notes relatives au défrichement de cette immense région au nord de Montréal. Il prépare un programme de coupe de bois, d'errochage, d'assolement, qui démontre qu'il est méthodique et combien il comprend qu'il ne faut pas vider le sol de son humus dès qu'on l'a préparé à la culture (1)
Les meilleures terres sont presque toutes concédées dans la plaine traversée par le fleuve Saint-Laurent. Il y a bien la vallée du Saguenay, mais elle est trop loin et les communications sont bien lentes et difficiles. Les Cantons de l'Est l'attirent aussi, mais les terres de cette région ont été en grande partie accordées aux Loyalistes. Au-delà de la seigneurie des Mille-Isles existe un vaste territoire à peu près inhabité(2).
Le député-ministre-commissaire des terres de la Couronne se fait accorder, entre le 4 novembre 1842 et le 10 avril 1865, trois mille huit cent quarante-deux (3,842) acres de terre dont il attribue la plus grande partie à des colons, tout en procédant à son propre établissement qui est maintenant, en partie tout au moins, dans la municipalité de Mont-Rolland.
A.-N. Morin remonte, en canot, la rivière du Nord, mais il est arrêté par la chute qui, à Mont-Rolland, bloque toute circulation par eau. En 1844, il construira sa maison pièce sur pièce, en haut de la butte qui surplombe la rivière, puis, tout à côté, les moulins qui ont besoin de la force hydraulique de la chute.
(1) LA SOCIÉTÉ CANADIENNE-FRANÇAISE AU XIXe SIÈCLE, Essai sur le milieu, par Gérard Parizeau. Éditions FIDES, 245 est, boulevard Dorchester, Montréal.
(2) Ibid., p. 479, note 23. pour fonctionner. Il aura d'abord une scierie; plus tard, un moulin à carde permettra de tisser les étoffes du pays" rugueuses mais durables et chaudes.
Augustin-Norbert Morin se rendit vite compte que les Laurentides ne sont pas une région favorable à la culture. Si la terre est bonne dans les creux de terrain et les vallées, elle est pauvre sur les pentes et les crêtes dégarnies. Convaincu cependant de la valeur de son œuvre, il fait plutôt ouvrir des routes et des pistes. Les colons arrivent de Sainte-Rose, Sainte-Scholastique, Saint-Janvier, Saint-Benoît, Sainte-Geneviève, Saint-Jérôme, Saint Eustache, etc.
Le député-colon dirige les travaux; il aide les colons, de ses conseils pratiques; leur enseigne comment établir la rotation des cultures. Il réalise cependant que, malgré l’enthousiasme du curé Labelle, le rendement des terres est bien maigre et que les colons doivent faire face à d'énormes difficultés de toutes sortes. Ses propres terres ne suffisent pas à lui procurer les ressources nécessaires à la survie de son établissement à Mont-Rolland.
Aussi, peut-on lire dans ses notes de 1857, que 11 •••par suite des circonstances de lieux et de population, les ressources ont dû nécessairement être converties en travail et améliorations; de là l'impossibilité pour Monsieur Villemure de se payer. Or, c'est à ses soins que je devrai la mise en valeur de mes propriétés, de manière à pouvoir les vendre". Ce qui sera fait en 1861, quand il les cède à son ami le Dr Benjamin Lachaîne. Plus tard, elles seront à nouveau vendues à divers colons ou spéculateurs. C'est ainsi que, pour installer son usine de papier près de la chute où
A.-N. Morin avait implanté son établissement, Jean-Baptiste Rolland devra traiter avec un Américain(3).
(3) Ibid, p. 483. Dans les notes manuscrites laissées par son père, Mlle Carmen Lanthier signale que Charles R. Burleigh, marchand de bois de Whiteball (N.Y.) achète de Salomon Machabée et d'Onésime Lamoureux divers lots qui, à leur tour, sont vendus par M. Burleigh à la North River Lumber & Pulp Co Limited. Celle-ci, le 6 mai 1902, les cède à la Cie Moulins du Nord "pour un certain prix payé". Ainsi, du 11 février 1884 au 6 mai 1903, une partie des terrains achetés par le Dr Lachaîne est vendue neuf fois par ses héritiers et divers acheteurs avant d'échoir à la North River Lumber & Pulp Co. et à (4) la Cie des Moulins du Nord, et enfin, à la Cie de Papier Rolland qui les utilisera pour son usine après 1903. (Certificat de Recherches. Bureau d'enregistrement du comté de Terrebonne).
La frêle"colonie" établie sur les bords de la rivière du Nord, croissait et prenait l'allure d'un petit village. Il fallut donc penser à assurer aux habitants des lieux les services religieux nécessaires.
La première messe fut célébrée dans la maison d'Augustin Norbert Morin, à Sainte-Adèle, quand Mgr Ignace Bourget érigea en "mission" le canton d'Abercrombie, le 22 septembre 1846. Le chemin de croix fut installé dans l'une des pièces de la maison. Un prêtre venait de Saint-Jérôme, généralement tous les quinze jours. Puis, la "mission" devint paroisse en 1852 et prit le nom de Sainte-Adèle. Le premier curé résidant fut l'abbé Thérien.
Tant que les communications ne furent pas plus faciles, la paroisse resta essentiellement rurale et repliée sur elle-même. On venait dans la région par la rivière du Nord ou par la petite route tortueuse qui la longeait.
A.-N. Morin visitait souvent ses électeurs du comté de Terrebonne. Il remontait la rivière du Nord en canot, jusqu'à son domaine de Mont-Rolland, "pagayant allègrement et chantant des chansonnettes qu'il avait composées, ou récitant les poèmes que lui avait inspirés l'amour de son pays". Dans l'un de ses poèmes, il rappelle Québec, sa ville d'adoption:
Quels sont ces attrayants rivages que baigne un lac majestueux?
Quels monts riants quoique sauvages s'étendent au nord sous mes yeux?
Puis, cette cime crénelée,
Et ces vaisseaux aux mâts luisants? Cette ville en cercle étalée,
Et ces clochers qui font appel aux ans?
Ces traits hardis de la nature,
Ces œuvres de l'homme et de l'art, Ces tons que cherche la peinture, Que les vers n'offrent nulle part. Cette chatoyante féerie du mirage à double horizon;
Ces lieux enfin c'est ma patrie: ( ) Combien ses fils l'aiment avec raison.
A.-N. Morin a laissé un souvenir impérissable dans les Pays-d'en-Haut. On a donné le prénom de sa femme, Adèle Raymond, à la paroisse et à l1église(5)_ D'autres noms évoquent le souvenir de ce grand patriote et de ce grand homme d'État: Val-Morin, Morin Heights, Canton Morin; le chemin Morin et la rue Morin, à Sainte-Adèle; la rue Morin et la salle paroissiale Augustin-Norbert Morin et l'école polyvalente Augustin-Norbert Morin, à Mont-Rolland.
Les gens des Pays-d'en-Haut, particulièrement ceux de Sainte Adèle et de Mont-Rolland, se doivent de mieux connaître le grand homme qui fut l'inspiration des "colons du Nord".
(5) Ibid., p. 505.
(6) Ibid., p. 486, note 33. "Un demi-siècle plus tard, Mgr Paul Bruchési changea l'appellation de la paroisse et de l'église. Qu'est-il arrivé? L'Encyclopédie Larousse mentionne deux Adèle, dont une, abbesse, fille de Dagobert II, et l'autre, mère de Philippe-Auguste, mais le calendrier liturgique ne les reconnaît pas."
Nouvelle appellation: la paroisse Immaculée-Conception, de Sainte-Adèle.
Cyprien Lacasse d'après des documents de M. A.-N. Morin,
de Sainte-Agathe-des-Monts.
La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent.
Montesquieu
LM-016-11




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