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Ancienne base militaire de Saint-Adolphe-d’Howard, vestiges de la guerre froide

Chroniques de village : par Odette Pinard, membre # 632


Fermée en 1987, l'ancienne base militaire canadienne de Saint-Adolphe-d'Howard au Lac St-Denis commença ses opérations au cours des années 1950. Sa mission : surveiller l'espace aérien du sud-ouest du Québec et du nord-est de l'Ontario. Véritable vestige de la guerre froide entre le bloc de l'Ouest et le bloc de l'Est, cette base était opérée par le Canada dans le cadre du NORAD (North American Aerospace Defense Command), soit le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.


Cette base militaire faisait partie de la Ligne Pinetree (Pinetree Line), composée d'un réseau de 33 stations radars sous juridiction canado-américaine s’échelonnant le long du 49e parallèle dont le but était de protéger l'Amérique du Nord d'éventuelles attaques aériennes en provenance de l'URSS, s’ajoutant aux constructions anticommunistes de la guerre froide. Elle était en étroite collaboration avec la base aérienne de La Macaza dans les Hautes-Laurentides. Celle de Saint-Adolphe-d'Howard observait l'espace aérien tandis que celle de La Macaza devait intervenir à l'aide des chasseurs canadiens.


Alors que les nouvelles technologies rendirent les installations caduques, NORAD et le gouvernement du Canada décidèrent de fermer cet établissement. Il fut successivement remplacé par la Ligne Mid-Canada et la Ligne Dew (Distant Early Warning), chacune plus au nord. L’abandon de ces installations laissa le secteur dans un triste état de dégradation.


Les installations et ses travailleurs


Le territoire de la Municipalité de Saint-Adolphe-d’Howard est parsemé de 85 lacs, et est situé à plus d’une heure de route au nord-ouest de Montréal. Région peu développée à l’époque où la population vivait de l’industrie du bois et de la venue sporadique des touristes. L’électricité fut installée en juin 1941. C’est à partir de1952 que les Forces armées canadiennes contribuèrent largement à l’essor de l’économie locale, entraînant une immigration appréciable de nouvelles familles pour la construction de la base avec ses équipements de détection par radar.


Le radar du lac Saint-Denis — Coll. SHGPH
Le radar du lac Saint-Denis — Coll. SHGPH

 

La structure du radar était très apparente et constituait un point de repère visuel important. Le RADAR, c'est l'acronyme de Radio Detection And Ranging, que l'on peut traduire par détection et estimation de la distance par ondes radio ou plus simplement radiorepérage.


« Une route menait à la tour, ainsi appelée à l’époque, à laquelle on avait accolé le sobriquet de boules de crème à glace (voir photo en médaillon)Ces boules contenaient un mécanisme qui tournait à l’intérieur afin de capter les avions « ennemis » menaçant d’envahir notre espace aérien. On aurait aimé garder une de ces boules, mais on a dû les démolir en 1983, année du centenaire du Saint-Adolphe

En bas étaient installés les bureaux de l’administration, quelques militaires et des civils administratifs, ainsi que des services : l’électricien Mr James, les mécaniciens Maurice Pagé et Louis Saint-Jacques, la mécanique automobile Mr Winchester et le chauffeur Roland Larose.


Wilfrid Gratton et sa famille étaient les concessionnaires du magasin (épicerie et viande). Y travaillaient aussi Georges Corbeil et Claudette C. Millette, Alain Bertrand, Huguette Bélisle, Rolande Pigeon, Jean-Claude Massie et plusieurs autres.


On dénombrait 60 PMQ (private married quarters ou personal military quarters) qui longeaient la route des Officiers, et une maison distinctive, celle de l’officier commandant Mr Jackson. Le deuxième officier commandant était monsieur Dupuis.


Dans la partie basse, près du lac Saint-Denis, un village où plus d’un millier de personnes travaillaient. Parmi ces 1 000, 80 % étaient anglophones, entraînant une transformation appréciable du village. Après 5 ans d’opération, le ratio est inversé et l’on compte maintenant 80 % de francophones. Ce village comptait des maisons de soldats et un hôpital qui disposait de 4 chambres, quatre salles de consultation et un cabinet de dentiste. Selon une entente d’échange américano-canadien, le docteur Guy Lapointe, médecin généraliste de Sainte-Agathe-des-Monts, ainsi qu’un médecin américain et une infirmière, furent assignés à cet hôpital pour prodiguer les soins nécessaires aux travailleurs, civils ou militaires. L’hôpital était en service 24 heures sur 24.


Jean-Guy Gratton raconte ici ses souvenirs : « après mes études au Collège Laval, je pris une journée de congé, puis je partis travailler au commerce d’épicerie et casse-croûte de mes parents, dans le rec-center, maintenant démoli. À l’ouverture de ce rec-center en 1953, c’était un véritable centre commercial ! Tout était localisé dans la même bâtisse : bureau de poste, théâtre où se tenaient les offices religieux du dimanche, épicerie et snackbar, barbier et salon de coiffure de même qu’une bibliothèque. Au sous-sol, on trouvait une salle de quilles, un cinéma et des ateliers d’artisanat où l’on travaillait le cuir, la reliure et la peinture artistique. Ces activités de loisirs étaient offertes par les WACs (Women’s Army Corps). Il ne reste que la fondation en béton. » Le WAC était la branche féminine de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale. Créée à l'origine en 1942 comme une unité auxiliaire, le Women’s Army Auxiliary Corps (WAAC), elle fut convertie en WAC en 1943. Elle perdura jusqu'en 1978. Plus de 150 000 femmes y servirent durant la Seconde Guerre mondiale.


Les activités de travail


Le radar restait ouvert 24 heures sur 24, des quarts de travail s’y succédaient. On y rencontrait le CO (Com-manding Officer), Mr Jackson et le CADO (Commanding Administrative District Officer), monsieur Edmond Danis. À la fin du quart, il arrivait qu’ils sonnaient l’alarme pour se lancer dans un exercice en cas d’attaque. Après quoi, juste le temps de prendre un café, avant de monter à la tour.


Une gate house, ou maison du gardien (ou tour de contrôle) où tous devaient s’enregistrer, même 10 fois dans une journée si nécessaire. Attenantes à la barrière, on pouvait voir deux cellules pour la détention, pour des peines pour gestes illicites, ivresse, indiscipline ou défection. Les toits des édifices étaient plats, pouvant retenir l’eau de pluie, qui, vue du ciel, pouvait être confondue avec un lac.


Par ailleurs, ce projet avait attiré bien des gens à s’installer dans notre village. Cette conjoncture procura un gagne-pain lucratif à ses habitants. Comme il n’y avait pas suffisamment de maisons sur la base, plusieurs citoyens louaient au cœur du village. Découlant de ce fait, abondance, prospérité et festivités dans les auberges. Les aviateurs aimaient bien Saint-Adolphe pour son côté villégiateur.


On se souvient de militaires en 1980 ou 1982 qui pensionnaient chez les Adolphins. Les épouses redoutaient de s’ennuyer en demeurant à la base, et préféraient prendre racine au village. On fréquentait La Soupière, une auberge et restaurant-bar reconnus dans les environs, et même au-delà. Le bar s’appelait Le Tonnelier du Village, lieu de rencontre des amoureux du ski et de la motoneige l’hiver, du ski nautique et de la randonnée l’été. Ce bar était le lieu de rendez-vous des artistes québécois, tels les Drouin, les Picard, les Garneau et les Guimond. On se prélassait sur de très longues plages, le Miami des Laurentides sur les bords du lac Saint-Joseph. Une grande maison de bois de deux étages, entourée de galeries, s’appelait la Pension Sigouin, en face du lac Saint-Joseph. Certains continuèrent à y demeurer à la fin de leur contrat.


Suite à une série de tests, on découvrit qu’à cause des montagnes avoisinantes, une zone n’était pas couverte par les radars. Par conséquent, on construisit un Gate R sur un autre sommet au bout du chemin Massie près du lac Saint-Joseph. C’est ainsi qu’à cause d’un défaut de la nature, cette annexe dut être érigée ! « On acheta la montagne de monsieur Gustave Pitro Massie pour construire le Gate R house. Les militaires du lac Saint-Denis les approvisionnaient en eau. Une deuxième annexe fut installée à l’entrée du village, sur une partie de terre cultivable appartenant à Léo Corbeil, avec la vieille grange ».


La fermeture


À la fermeture du radar, les deux chapelles seront converties en salles de concert. Et les baraques près de la route deviendront une résidence pour personnes âgées (La Résidence du Manoir Saint-Adolphe).


La section du village administratif pour les militaires est maintenant un lotissement résidentiel, et c'est à cet endroit que loge le Camp musical d’été des Laurentides, avec ses stagiaires, étudiants et artistes professionnels, présentant de nombreux concerts champêtres. Le Camp musical des Laurentides a été fondé en 1985 par Raymond Dessaints et Johanne Arel. Depuis 1997, il est reconnu par le ministère de la Culture et des Communications du Québec comme l'un des trois camps musicaux de formation professionnelle au Québec. Situé au bord du Lac Saint-Denis. Il s'adresse aux musiciens possédant déjà une solide formation dans leur discipline et qui désirent bénéficier de cours intensifs offerts par une équipe de professeurs des plus réputés.

Quelques films auront été tournés sur ces lieux, entre autres : Étienne Brûlé ; L’Âge des Ténèbres, réalisé par Denys Arcand, de même que l’un des trois Karate Kid sorti en 2007.


Un site maintenant à l’abandon


Le site sur la montagne est à l'abandon depuis 2005, il n’en reste que des ruines. Du radar et du centre d'analyse, il ne reste qu'une armature en béton. Le terrain avait été acheté afin de produire un spectacle équestre qui ne remporta pas le succès escompté.


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Production de graffitis et « art mural » probablement inspirés par le paysage enchanteur… Crédit photo : Pierre Bourgault (http://pierrebphoto.com)
Production de graffitis et « art mural » probablement inspirés par le paysage enchanteur… Crédit photo : Pierre Bourgault (http://pierrebphoto.com)

Des observateurs occasionnels grimpent dans ce décor enchanteur d’un des plus hauts sommets des Laurentides pour admirer le paysage. De jeunes fêtards, des artistes de rues en mal de mur pour graffitis, et des rêveurs s’y rendent fréquemment. On y est surpris par les productions d’art mural et les graffitis. Malheureusement, on eut à déplorer quelques chutes accidentelles.


Et maintenant, on y verrait des OVNIS ! Il y a bien des explications de technologie militaire, de météorologie, de phénomènes naturels, mais depuis janvier 2014, plu- sieurs observations auraient été faites. « Ça fait partie du paysage. On continue de les voir régulièrement », diront certains.


Remerciements

à Arthur Millette, à Jean-Guy Gratton, ainsi qu’aux dames bénévoles de la bibliothèque pour la documentation.


Sources :

Le Présent du Passé, Saint-Adolphe-d’Howard 1883-1983, par Paul-Émile Guilbert, Lucien Corbeil et Jean-Guy Gratton.


 

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