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LES PREMIÈRES ANNÉES DE L'ORPHELINAT NOTRE-DAME DE MONTFORT (3e PARTIE)

XVII

La fête religieuse


Sur le haut de la montagne dont le pied se baigne dans les eaux du "lac Chevreuil" s'élancent les édifices de l'orphelinat agricole de Notre-Dame de Montfort.


Le crystal des eaux reflète ce nid gracieux que la divine Provi­dence a construit au milieu des rochers et qu'elle protège contre les autans.


Un sentier gracieux enlace ce lac pour se reposer au pied de la maison des Pères de la Compagnie de Marie.


C'est par cette route que mercredi, le 27 de juillet 1892, vers les 3 ½ h. , P.M. arrivait Sa Grâce monseigneur l'archevêque d'Ottawa accompagnée de sa suite et apportant, au son des cloches et au bruit du canon,

ces grâces particulières que la visite pastorale répand toujours avec profu­sion sur la paroisse qui en est favorisée.


Après avoir parcouru et traversé les allées ornées de balises, de guirlandes et de banderoles revêtues de pieux exergues, Sa Grandeur trouva réunie à ses pieds toute la population de la paroisse ayant à sa tête la sainte légion de ses bienfaiteurs.


Tous l'accueillirent avec une émotion pleine de respect et de bonheur.


Bientôt un cortège nombreux accompagne l'illustre visiteur et marche vers la nouvelle chapelle qui doit être consacrée le lendemain sous le vocable de Notre-Dame du Saint-Rosaire.


Monseigneur adresse paternellement la parole à l'assistance sus­pendue à ses lèvres éloquentes; puis, M. le chanoine Campeau, dans un discours ingénieusement mis à la portée de la population rurale qui compose son auditoire, mais plein de doctrine et nourri de la Sainte Écriture, lui parle de la grâce que le représentant du Seigneur venait lui apporter, et tous s'empressent de se préparer à gagner l'indulgence plénière accordée par l'Église à l'occasion de la visite pastorale.


Le 27 juillet 1892. Dès 5 h. a.m., (sic) les messes se succèdent jusqu'à celle que Sa Grandeur célébrait à 7 1/2 a.m., et durant laquelle elle donna la confirmation à 60 enfants de l'orphelinat et de la paroisse.

À 9 1/2 am. Bénédiction de la nouvelle église dont le plan a été conçu et exécuté avec une grande intelligence des règles de l'art par le R.P. Bouchet, supérieur des orphelinats.


La grand-messe fut célébrée par le R.P. Joubert avec diacre et sous-diacre. Monseigneur est au trône accompagné de MM. les abbés Sorin et Seriez, de Saint-Sulpice de Montréal, et M. le chanoine Campeau, comme prêtre-assistant. Messire Sorin, avec son éloquence mâle et persuasive, capta vivement l'attention de son nombreux auditoire. Il développa ces deux pensées:"le temple est la maison de Dieu". "Le temple est la maison du peuple de Dieu".


La conviction de ses paroles sut bientôt gagner les sympathies de l'assistance, pourtant diversement composée. Il eut un mot pour tout le monde; il parla aux orphelins et à leurs bienfaiteurs, au pasteur et aux bons fidèles qui composent son troupeau. Enseignements, encouragements, félicitations, remerciements, rien ne fût omis, et, en terminant, il n'oublia pas, après quelques mots d'adresse à monseigneur, de lui faire sanctionner et confirmer le tout par sa bénédiction solennelle.

C'est un devoir pour nous de porter à la connaissance du public, que ce qui a le plus contribué à la beauté grandiose de nos fêtes religieuses, ce fût surtout et avant tout, la parole imposante, persuasive de Sa Grandeur Mgr l'archevêque d'Ottawa, non moins que la dignité grave et solennelle avec laquelle il exécute les cérémonies et les rites prescrits par la sainte liturgie, dans des circonstances aussi impressionnantes comme

celles dans lesquelles nous avons eu le bonheur de le rencontrer sur le chemin de notre vie.


En résumé: Joie au coeur du premier pasteur, joie aux cœurs des pieux et intelligents directeurs des orphelins, joie au coeur des pa­roissiens émus à qui l’on a donné une maison pour le Bon Dieu et, pour eux­-même, une porte du ciel; Joie surtout au coeur des zélés patrons de l'oeu­vre si amplement dédommagés de leurs sacrifices généreux à la vue des résultats qui dépassent toute espérance dans le présent et qui laissent si visiblement entrevoir un avenir encore plus heureux. (69).


Le banquet


Après la cérémonie religieuse, tous les convives se groupaient autour d’une table chargée de mets succulents dûs au dévouement des Soeurs de la Sagesse et où l'habileté et les connaissances gastronomiques, de Madame Froideveaux, se distinguaient d'une manière extraordinaire.


Les vins manufacturés à l'orphelinat avec nos framboises et nos raisins canadiens ont causé une surprise aussi agréable au goût qu'inattendue dans un pays si sauvage.


La santé de Sa Grandeur fût proposée par M. Auqer; il redit avec bonheur tout ce que les directeurs, les bienfaiteurs, et les amis des orphelins, éprouvait de félicité et de joie à souhaiter "Bonne santé" à Sa Grandeur; il fit des vœux pour que la Providence lui accordât de longs jours pour voir grandir et prospérer l'oeuvre des orphelinats que Sa Gran­deur ne cesse de bénir.


Monseigneur trouva dans son cœur d'évêque et de citoyen des paroles d'encouragement qui mirent le comble à notre bonheur, à tel point que M. Froideveaux, le doyen des fondateurs de Montfort, s'écria, dans un moment d'enthousiasme bien légitime:


"--Ah! mon Dieu, si le père Fleurence entendait cela, il en mourrait de joie et de bonheur."

--Non, répliqua Sa Grandeur, il vivra et son œuvre lui survivra, j'en suis certain!"

Sa Grandeur termina en nous souhaitant courage et persévérance jusqu'à la fin.


Votre œuvre survivra, et la main de Dieu versera sur vous et vos familles des fruits de bénédictions et de prospérité qui vous rendront au centuple les généreux sacrifices que vous aurez faits. (70)



XVIII


La séance donnée par les orphelins


La fête de l'orphelinat devait nécessairement être terminée par les orphelins; aussi, nous fût-il ménagé une agréable surprise de la part de ces adolescents que la vue de monseigneur, de son clergé et des citoyens réunis pour une si solennelle circonstance, avaient enthousiasmés et portés au paroxysme de la joie et du bonheur.


Un théâtre orné de mottos, de festons et guirlandes, avec la même délicatesse qui avait présidée à la décoration générale de l'établis­sement, était préparé.


Songez, lecteurs, que les acteurs de la scène sont des bambins de 4 à 12 ans et dont le talent et l'espièglerie nous ont intéressés au su­prême degré.


C'était le digne couronnement de la fête et, tous, nous avons goûté, avec bonheur, ce dernier instant de joie et de plaisir.


Monseigneur et sa suite prennent place au premier rang et les paroissiens leur succèdent de près.


Le rideau se lève et le clairon appelle ces preux d'un jour, ces vaillants soldats du travail et de la discipline; le mot d'ordre est donné, le silence se fait et sur la scène apparaît le jeune et intéressant Elzéar Pontbriand. Il adresse à Sa Grandeur avec un aplomb et un geste bien au­ dessus de son âge, un compliment où l'amour et la reconnaissance font éclore des pensées et des sentiments que les gens du siècle sont impuissants à

comprendre, mais que l'orphelin seul sait formuler de sa voix pure et argentine. C'est un hymne de paix et de bonheur, reflet de la communauté de sentiment qui anime ces heureux de l'orphelinat. C'était solennel et touchant à la fois que d'entendre de la bouche d'un orphelin des prières et des invocations en faveur de l'auteur de ses jours. Qu'ils étaient grands, ses accents de gratitude pour ceux que la Providence avaient chargés de le recueillir, de l'aimer et de le préparer au grand voyage de la vie, en lui montrant la route avec ses écueils parsemés de fleurs dérobant les épines des soucis et des chagrins, mais lui indiquant en même temps le terre de ses espérances, la félicité en ce monde et le bonheur là-haut!


Vint ensuite son jeune frère, orphelin comme lui, et formant partie des doyens de l'établissement. Avec quelle voix douce et harmonieuse n'a-t-il pas chanté le bonheur et la paix sereine dont s'enivre l'orphelin recueilli par ces anges terrestres qui assument avant tant d'empressement le rôle paternel et maternel. Combien de malheurs évités, de soucis et de chagrins consolés sous ce toit hospitalier et béni de l'orphelinat. Le bonheur et la paix ont fait place à l'ignominie et à la honte du foyer désert qui les a vu naître; l'avenir lui sourit maintenant s'il sait participer aux bienfaits dont il est sans cesse enivré. C'est le 'Chant de la reconnaissance'."


Un troisième acteur se présente gaiement pour demander en chœur avec ses confrères réunis autour de lui, une faveur à Sa Grandeur.

Le refrain est:

Acceptez-moi, mon Bon Pasteur,

Comme votre enfant de cœur.


Puis, un quatrième choeur nous fait entendre une douce mélodie où la grâ­ce de l'harmonie se marie délicatement au timbre argentin de ces voix mignonnes et si bien exercées.


Enfin, nous apparaît sur le théâtre le jeune Frédérick Froideveau, dont le nom est emprunté de son parrain le grand pionnier et le bienfaiteur par excellence de l'orphelinat de Montfort.


Il est entouré d'un joli amphithéâtre de jeunes têtes des plus mignons de la bande; tous suivent le maître de l’œil et du doigt.

On entonne l'agréable chanson des "Marionnettes," et tous de répondre en chœur, avec répétition successive des faits et gestes du chef de la bande.


C'est un coup d'œil très joli, et chaque évolution provoque une nouvelle explosion de joie et d'hilarité, à tel point que l'enthousiasme du public, grandissant à chaque verset, amène un dénouement qui met en pratique les souhaits de nos petits comédiens jouant, dans Paris, et ramassant les sous et les monnaies qui leur étaient distribués au pas­sage. La morale est mise en action; une pluie inattendue de sous et de pièces blanches inonde la scène et nos petits acteurs éblouis et pris à l'improviste, se précipitent les uns sur les autres pour recueillir, à qui mieux mieux, cette nouvelle manne que La charité publique verse en temps si opportun. Ce fut méli-mélo, où les enfants ne reconnaissaient que le sentiment de la joie et du plaisir. Après une si abondante moisson, tous ces petits ouvriers s'empressent d'en verser les montants, avec bonheur et reconnaissanœ, dans l'escarcelle de la bonne mère Supérieure qui, en retour, fait à son tour pleuvoir, avec profusion, les bonbons: c'est le couronnement obligatoire de toutes les meilleures actions de la journée à l'orphelinat.


La joie et les cris d'allégresse sont poussés avec vigueur et tous ces petits heureux nous redisent avec bonheur et reconnaissance tout ce que leurs jeunes cœurs éprouvent de satisfaction.


Le clairon sonne la charge, les rangs se forment, les phalanges s'ébranlent, et tout rentre dans l'ordre: la fête est finie, mais le souvenir reste. (71)


Revenons au texte de Sœur Simone Re, f.d.l.s. 1893:


Le personnel de l'Orphelinat de Montfort est de 174 personnes et on peut dire que l'œuvre est prospère. Deux fondations sont en préparation: Arundel et Sainte-Agathe-des-Monts. Sainte-Agathe commence à fonctionner en 1895 alors que dès le mois d'août, Arundel accueillera des Soeurs.


Arundel


S'étant rendu au Chapitre de la Congrégation, le Père Bouchet demanda à la Supérieure Générale des Soeurs de commencer la maison d'Arundel. Quatre furent choisies: S. Olympiade venant de Bruxelles; S. Artémie, converse, prise à Bordeaux; S. Ave venant de Cyrville et S. Aquila, couturière à Montfort.


Avant de rejoindre leur nouvelle destination, les quatre Sœurs passèrent un mois à Notre-Dame de Montfort se préparant à leur nouvel apostolat aidées par la Supérieure de la maison.


Le 21 septembre, après la messe, elles se mirent en route accompagnées des Soeurs Augustin, Euthine et Saint-Eudes. Le Frère Isaïe conduisait la voiture: un voyage de 10 heures, à l’époque. S. Euthine, la doyenne , faisait tout malgré son grand âge pour faire oublier le chemin aux voyageuses. On lançait même aux échos de la montagne un chant composé par les Sœurs de Montfort pour la circonstance.


Vers 5 heures, les Soeurs arrivaient chez les Pères. Après quelques paroles échangées, le Père Vallois leur montra le chemin de l'Oratoire. Ensuite, ayant fait honneur au souper, elles furent conduites par un Frère dans leur petite maison qui se trouvait sous l'église. Les fondatrices d'Arundel allaient être les locataires du Bon Dieu.


Le Père Bouchet s'était fait leur pourvoyeur en attendant les fournitures préparées à Montfort.


Même si pour quelque temps elles durent coucher sur des lits de paille placés sur le plancher, rien par ailleurs ne manquait de l'essentiel. Dès le lendemain de leur arrivée, Soeur Euthine sonna le réveil à quatre heures et après la messe de 5.30 heures, le Père Cesbron leur lais­sa le Saint-Sacrement.


Les chroniques relatent qu'après le déjeuner, la Chère Soeur Augustin et ses Soeurs purent visiter la beurrerie tenue par nos frères.


Je crois qu'il ne s'en trouve pas une semblable en France. Les habitants amènent leur lait à la fraîcheur, dès le matin, ce lait est distillé, le beurre se fait en un rien de temps de sorte que les habitants peuvent remporter le lait écrémé qui n'est plus bon que pour les bestiaux.


Nos Pères avaient alors un orphelinat agricole, 11 enfants qui venaient de Montfort, de 12 à 18 ans, ils aident nos frères à cultiver la terre, ils travaillent comme des hommes. Nous sommes chargées de laver le linge, de raccommoder et de faire le neuf. Le bon Père Bouchet n'a rien épargné pour nous monter un petit magasin, afin de pourvoir aux besoins de nos frères et de nos enfants, ma Soeur Aquila sachant travailler fut chargée de l’atelier, ma Soeur Olympiade l'aida à la couture, Sœur Artémie fit la cuisine excepté les jours de lessive, ma Soeur Olympiade lava aussi 2 jours par semaine.


Ma Sœur Olympiade eut le digne emploi de Bedeau, elle appela les habitants à la messe en carillonnant, l'Angélus fut sonné dans la paroisse. Notre chère mère a des filles bien braves, lorsqu'il y a un enterrement, pas une ne veut monter à l'église.


Ces quelques lignes extraites textuellement des chroniques nous laissent mieux que toute description deviner ce que furent les débuts de la Communauté d’ Huberdeau. Nous ne savons pas quelle sœur était chargée des chroniques. Un moment nous avons cru que Soeur Ave, Supérieure, était l'auteur de ces lignes. Cependant, nous avons dû renoncer à cette hypothèse parce que la Chère Soeur Ave quittait Huberdeau en 1896 alors qu'on retrouve le même style et la même écriture jusqu'en 1898. (72).


IXX

1894


Chemin de fer:


Une décade s'est écoulée depuis le jour où le Père Fleurence avait planté la première tente montfortaine en Amérique du Nord. Comme nous l'avons déjà mentionné, à son arrivée en ces lieux, la Famille montfortaine s'était retrouvée dans les montagnes ayant pour spectacle une nature sauvage, abrupte, apparemment indomptable. Et voilà qu'un travail constant, intelligent, en a fait un jardin magnifique. "Ce n'était pas pour se procurer une douce aisance dans ces montagnes si agréables comme aspects, si avantageuses pour la santé que les Fils et les Filles de Montfort ont métamorphosé cette contrée". (Paroles de l’Abbé Bélanger, curé de Saint-Louis de France à Montréal, la parenthèse est de nous).Ils ont voulu, par leurs efforts matériels, féconder un apostolat de qualité auprès d'une jeunesse vouée, sans leurs secours, à une existence malheureuse. Cependant l'abandon à la Providence, le cœur qu'on met à l'oeuvre, la volonté de vivre pour "Dieu seul" n'empêchent pas la nature de gémir, de souffrir de l'exil, de l'adaptation, d'une nostalgie indéfinissable pour le pays d'origine assortie d'inquiétudes constantes, fruits des évé­nements tragiques vécus par ceux qu'on a laissé outre-mer; surtout que tout cela est accompagné de l'isolement et d'une solitude que l'on n'a pas recherchés. Aussi, lorsque, grâce à l' initiative et à la persévérance de celui qu'on a justement appelé "l'apôtre de la colonisation", le bon curé Labelle, l'on se voit du jour au lendemain relié à la civilisa­tion, on doit éprouver quelque chose de plus que le narrent les humbles annales du temps où en date du 28 octobre 1893, on écrit: "Inauguration d'un nouveau chemin de fer qui vient jusqu'à Montfort.Il va rendre dé­sormais les communications plus faciles et contribuera au bien-être et à la prospérité de l'établissement. Des chants sont adressés à M. le Maire venu ici pour la circonstance, il est accompagné de plusieurs notables de Montréal." Ce n'est pas un empire comme à Rome que ces communications allaient faire naître mais bien l'implantation au Canada de Religieux et Religieuses qui, après un siècle, sont encore là.(73).

1890-1904


Retraites


Depuis l'arrivée de la Sagesse au Canada, les retraites ont toujours lieu à Montfort. Il y a certes la raison que la maison est grande et peut accueillir les Soeurs en nombre. C'est aussi pour elles, la Maison-Mère du pays. Puis, la Provinciale y a sa résidence étant en même temps Supérieure de l'Orphelinat.


Un aspect est à peine effleuré par le R. Père Maurille dans sa circulaire de 1891: " À Montfort, on est dans les montagnes." Et la montagne, où qu'on la retrouve dans le monde, elle est un haut-lieu, une invite à la prière, à la contemplation. La montagne ouvre sur l'au-delà. Elle permet l'expérience du silence. Elle montre le Sommet faisant éclater ce qui nous tient, nous enferme dans nos idées. La majesté de la montagne redit à l'homme sa petitesse et sa grandeur. Sa faiblesse par rapport à Dieu, sa grandeur d'être appelé au Sommet. Or,une retraite dans la montagne devient une occasion de transformation. Il s'y fait une décantation du précaire: confort, installation, enracinement au profit d'une incantation dense qui a nom: déracinement, désinstallation, valeur du si­lence, vision du décalage entre les richesses matérielles et les dons spirituels, entre le temps et l'éternité. Pas étonnant que nos Anciennes parlent encore des "bonnes retraites d'autrefois!" Elles puisaient ann­uellement, à Montfort, l'esprit de la montagne, la capacité et l'audace de l'Absolu. Revenues dans leurs maisons, non seulement pouvaient-elles affronter les tâches difficiles et engageantes qu'exigent l'implantation d'œuvres et leur développement, mais elles pouvaient le faire avec sérénité, désintéressement, joie et confiance. La retraite, en ces années, était une lancée, c'était aussi une attente: on vivait d'une retraite à l'autre de ses réserves mais aussi de l'espoir d'aller se retremper, de retourner à la Source, de fraterniser.

À cette époque, la retraite était animée par des Pères Montfortains. C'était d'ailleurs l'usage, même dans les retraites paroissiales, d'avoir deux missionnaires qui se partageaient les exercices.


On a retenu les noms des Pères: Bridonneau, Pondurand, Joubert, Conan, Ronsin, Valais, Gapihan, Gory, Cestron, Castex, Guihéneuf, Six, etc ... .


Cette allusion à la retraite nous a paru nécessaire à cause du rôle de fraternisation, du ressourcement qu'elle permettait, du lieu où elle se déroulait et du :rythme qu'elle imprimait à la vie des Sœurs qui pour mieux servir le prochain et procéder à leur propre avancement, sen­taient la nécessité et l'utilité de suivre le Christ au désert. (74).



XX

Jubilé:



La fin du siècle se clôt sur un autre événement consigné dans les chroniques: le Jubilé d'Argent de vie sacerdotale du Père Bouchet, l'âme des Orphelinats de Montfort et d'Huberdeau, le promoteur de notre Famille religieuse en terre canadienne.


Digne de mention aussi et à un titre bien particulier, l'érec­tion canonique de L’ARCHICONFRÉRIE de MARIE REINE des COEURS.


La circulaire du Cher Père Maurille, de novembre 1899, nous en a conservé la relation:


Vous savez, écrit-il, que notre Bienheureux Père de Montfort a formellement exprimé le souhait que sa dévotion particulière envers la très Sainte Vierge fût érigée en Confrérie.( ...) Ce souhait de notre Père a été celui de tous ses enfants depuis la découverte en 1842 du précieux manuscrit où il est consigné. Le réalisateur n'était pas sans difficulté. Il existe déjà tant de confréries...Pourtant, il vient de l'être. La Confrérie souhaitée par Montfort a été érigée cette année à la suite de circonstances toutes providentielles dans un sanctuaire dédié à Notre-Dame de Lourdes de l'Archidiocèse d'Ottawa au Canada..., le Canada, cette lointaine contrée que Louis-Marie Grignion de Montfort, jeune prê­ tre, désirait avant tant d'ardeur aller évangéliser!


Il

73


On peut dire que le doigt de Dieu a paru dans l'érection de cette nouvelle Confrérie en l'honneur de la divine Mère. Il y a trois ans environ, soudain à l'improviste, comme parfois se lève un vent impétueux, un grand mouvement s'est produit au Canada, un mouvement d'admiration de la doctrine spirituelle du Bienheureux de Montfort et de zèle à répandre sa pratique spéciale de dévotion envers la très Sainte Vierge.

Un prêtre de Sherbrooke, avec pleine et entière approbation de son Évêqœ, distribuait à profusion, de tous côtés et jusque dans les États-Unis, des Traités de la Vraie Dévotion, des Secrets de Marie et d'autres ouvrages et opuscules relatifs à la dévotion spéciale envers Marie, enseignée par le Bienheureux de Montfort... Et le succès de sa propagande était prodigieux. Chacun voulait se consacrer parfaitement à Jésus la Sagesse Incarnée par les mains de Marie, chacun s'appliquait à établir et à affermir de plus en plus le règne de Marie dans son cœur afin d'y mieux assurer le règne de Jésus.

Enfin, il plût à sa Grâce, Monseigneur Duhamel, Archevêque d'Ottawa, de publier le 25 mars de cette année 1899, un mandement à l'ef­fet d'ériger canoniquement la Confrérie de Marie Reine des Coeurs. Ce mandement est précédé d'une belle Lettre Pastorale dans laquelle sa Grâce expose magistralement les fondements de la parfaite dévotion à Marie enseignée par Montfort et réfute d'une façon péremptoire les objections qu'on pourrait faire à cette dévotion.


Pour dénommer la nouvelle Confrérie, il n'avait pas été besoin de chercher longtemps. Dès les premières pages de son Traité, Montfort dit, en parlant de Marie, "Nous pouvons l'appeler avec les Saints, Reine des Cœurs." Il est évident que ce nom, que ce titre rend très bien l'idée fondamentale de la parfaite dévotion à Marie et qu'il exprime au mieux la condition de sujétion, de dépendance, de servitude ou d'esclavage d'amour, dans laquelle on s'engage librement, quand on fait la parfaite oonsécra­tion de tout soi-même à Marie(...), etc..


Voici le commencement du dispositif du Mandement de Monseigneur l'Archevêque d'Ottawa.


I- La Confrérie de Marie Reine des Cœurs est érigée canoniquement et a son siège principal dans l'église Notre-Dame de Lourdes, près d'Ottawa, confiée aux Prêtres de la Compagnie de Marie. Le Directeur en est le Supérieur des Révérends Pères chapelains du Pèlerinage.


II- Le but de cette pieuse association est d'établir le règne de Marie dans les âmes comme moyen d'y faire régner plus parfaitement Jésus-Christ.


III- Les conditions d'admission sont les suivantes:


L'inscription de son nom sur le registre central de l'œuvre, etc.


Les autres conditions n'exigent rien de nouveau.


Il convenait, poursuit le Père Maurille, que les enfants de Montfort fussent les premiers inscrits sur le registre d'une Confrérie dont l'érection comblait les vœux de leur Père. Aussi, dès que la lettre Pastorale de Mgr Duhamel nous fût parvenue, nous nous empressâmes d'envoyer vos noms à toutes, à Notre-Dame de Lourdes, Ottawa. Ils y sont près de l'autel de la Vierge Immaculée, en compagnie déjà nombreuse. La Confrérie de Marie, Reine des Cœurs, progresse et s'étend de plus en plus. Pendant le mois dernier, elle a été installée par deux de nos Pères après des Triduum de prédications préparatoires, dans quatre différentes parois­ses canadiennes: à Sainte-Agathe, à Saint-Jovite, à Sarsfield, à Orignal, et peut-être ailleurs encore.


Nous avons l'espoir que Marie et Jésus aidant, elle ne tardera plus beaucoup à être connue et répandue hors du Canada.

Déjà un petit manuel est imprimé etc ... (75).


XXI

Affermissement des Oeuvres Montfort:


À Montfort, le nombre des Orphelins augmentait et le projet d'agrandissement s'était réalisé.


L'inauguration du "nouvel Orphelinat" en 1902 fut l'occasion de très belles fêtes que tint à présider le Pasteur du diocèse accompagné d'un grand nombre de Prêtres et de plu­sieurs des plus notables citoyens de Montréal. Le même jour, étaient bénites cinq cloches dont on nous a conservé les noms et ceux des donateurs:


La 1ère, don de M. J.F. Froidevaux, porte le nom de Louis-Marie Grignion de Montfort, elle pèse 360 livres.

La 2ème, don des paroissiens de Montfort, s'appelle Marie-Louise de Jésus, elle pèse 360 livres.

La 3ème, due à la générosité de M. J. Brunet, est appelée Thomas-Basile, elle pèse 250 livres.


Les deux dernières pèsent chacune 103 livres environ et ont été offertes par des bienfaiteurs.


Pendant un demi-siècle, elles rediront aux échos de la montagne que, derrière les murs qu'elles surplombent, grandissent et se forment des jeunes que la Charité a conduits vers des pères et des mères dont la seule ambition est d'en faire des chrétiens de trempe et des citoyens de devoir.


Épreuves:


Malgré cette prospérité, si l'on peut appeler ainsi l'expansion de l'œuvre, Montfort eut encore sa part d'épreuves.


Le 17 septembre 1901, un cyclone enlève une partie du toît de l'orphelinat. Le 29 mars 1902, vers 2 heures de l'après-midi, on s'aperçoit que le lac Saint-François, situé à quelques arpents seulement de l'établissement, est monté en l'espace de quelques minutes de 5 ou 6 pieds au-dessus du niveau ordinaire.


Cette crue subite est dûe à la fonte précipitée des neiges et aux pluies très fréquentes depuis quelque temps. Une terrible inondation s'ensuit et jette dans l'épouvante tout le personnel de l'orphelinat. La digue qui retenait les eaux du côté de la maison vient d'être rompue, le torrent dévastateur menace de tout effondrer. En quelques heures, la menuiserie des Frères s'écroule, et la terre est creusée à plus de 15 pieds de profondeur, le moulin s'enfonce de 7 pieds sur un côté du ravin, mais les machines sont préservées.


La Providence qui veille toujours sur ses enfants permet que les eaux furieuses s'arrêtent et épargnent la demeure des Orphelins.

Le 4 juin 1903, le feu qui depuis plusieurs semaines désole les régions du Nord, fait de grands ravages dans toutes les directions et cause à l'Orphelinat de mortelles inquiétudes. On aperçoit les flammes qui s'élèvent au-dessus de la cime des plus hautes montagnes et qui, activées par un vent violent, dévorent jusqu'à la racine des arbres. L'air est enveloppé d'une fumée épaisse qui permet à peine de voir devant soi.


Grande est la consternation dans toute la région où des villages entiers ont déjà été réduits en cendres. Des prières publiques sont ordonnées par les Archevêques de Montréal et d'Ottawa pour demander à Dieu la cessation du fléau dévastateur. Des quêtes sont faites dans les églises pour venir en aide aux sinistrés dont le nombre grandit chaque jour.


MONTFORT -  Orphelinat Agricole - la grange et l'extérieur des étables
MONTFORT - Orphelinat Agricole - la grange et l'extérieur des étables


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Mgr Duhamel ordonne de faire des processions dans toutes les paroisses de son diocèse afin d'obtenir du ciel la fin de l'immense incendie.

À Montfort, le danger est imminent. Depuis 8 jours, plusieurs Frères passent les nuits montant la garde autour de l'orphelinat et éteignent les étincelles qui menacent de l'embraser.


À l'issue des Vêpres, le Père Supérieur organise une procession qui fait le tour du village. On récite le chapelet à haute voix durant le parcours, et après l'offrande de chaque dizaine, on chante le refrain du cantique au Sacré-Coeur: Pitié mon Dieu.


De temps en temps, le Père Bouchet élève les reliques de Sainte-Anne pour bénir les maisons, les terres et la forêt embrasée.


Ces prières faites avec tant de foi ne tardent pas à attirer les bénédictions de Dieu car dès la nuit suivante, la pluie tombe à torrents et continue pendant plusieurs jours; elle éteint enfin le feu qui menaçait l'institution; il ne reste plus qu'à remercier Dieu d'avoir préservé l'établissement. (76)



XXII

Pendant que la Province attendait une nouvelle Responsable, Montfort aussi était sans Supérieure. En mourant, Mère Augustin avait laissé l'une et l'autre charges vides. Le 14 février 1905, Soeur Radegonde-Marie Supérieure à Boniffe




(Belgique) depuis vingt-deux ans, arrive au Canada pour remplacer la défunte Provinciale dans les fonctions de Supérieure des Soeurs de Montfort. Tout en conservant cette charge, elle sera subséquemment nommée Conseillère de la Chère Soeur Marie­-Arsène. Quand elle arrive à Montfort, la Communauté compte 42 Soeurs; l'orphelinat, 274 enfants.


En 1905, Montfort est encore pour ainsi dire la Maison-Mère du Canada. On y vient pour travailler à l'œuvre qui n'a cessé de grandir. On y vient pour étudier, on y vient pour refaire ses forces, pour y faire sa retraite; on y vient en transit, on y vient aussi pour mourir! C'est dire que le mou­vement des Soeurs à Montfort est considérable et quasi constant.



Mort du Frère Hugolin:



Une succession de deuils va douloureusement retenir notre attention. C'est d'abord la mort du Frère Hugolin. Ou­vrier de la première heure, à côté du Père Fleurence, le Frère Hugolin prêta son précieux concours avec un dévouement sans bornes.


Sa mort est l'écho de sa vie: Le Frère Hugolin fut d'une régularité parfaite, d'une foi très vive, d'un dévouement admirable. Il laisse le souvenir d'un religieux exemplaire. Jusqu'à sa mort en août 1908, il demeura le plus ferme soutien de cette maison (Montfort), par sa prudence, sa patience, son savoir-faire et son infatigable travail. (Registre paroissial de Montfort). Voilà ce qu'a pu écrire de lui son Supérieur. Voici ce qu'en disait le Père Audran aux fêtes jubilaires de la maison faisant alors allusion à la vieillesse du pionnier: "Pour les Orphelins, le Frère Hugolin était comme l'aïeul au sein du foyer, et


on les voyait, ces chers petits, suspendus en véritable grappe humaine, qui à son cou, qui à ses bras, écoutant charmés, une histoire édifiante qu'il leur racontait

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ou recevant un bon conseil.



Décès de Monsieur François Froidevaux:



Quelques mois avant le Frère Hugolin, soit le 23 mars 1906, le Père Bouchet conduisait à sa dernière demeure l'insigne ami et bienfaiteur de l'œuvre de Montfort: Monsieur François Froidevaux. Il expirait entre les bras de Soeur Saint-Mucien, entouré de sa famille et assisté du Père Provin­cial. À peine sa mort fut-elle connue qu'il a été appelé par les journaux de la Métropole, le "Père des Orphelins". Cette mort était inattendue, Monsieur Froidevaux n'ayant jamais été malade auparavant; elle jeta dans la consternation l'orphelinat pour lequel la perte était immense.


Mort du Père Bouchet:



La mort du Père Armand Bouchet porta un coup bien douloureux à la Province canadienne et particulièrement à l'orphelinat de Montfort dont il était demeuré le Supérieur même après sa nomination comme Provincial en 1903. Entièrement soumis à la volonté de Dieu et âgé de cinquante-six ans seulement, il avait fait de grand cœur le sacrifice de sa vie se recommandant à ses chers Orphelins. Un service solennel eut lieu à Dorval, puis le corps fut transporté à Montfort. Il repose à l'ombre de la croix, à l'endroit désigné par lui-même dans le cimetière de la Communauté en face de l'orphelinat pour lequel il s'était tant dépensé.


La disparition du Père Bouchet affectait grandement la Sagesse à cette époque car les relations avec la Compagnie de Marie étaient plus nombreuses qu'elles ne le deviendront après l'abandon de certaines œuvres comme par exemple l'orphelinat même de Montfort. Supérieur depuis le départ du Père Fleurance et, au Canada, depuis les débuts, le Père Bouchet

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avait eu maintes occasions d'aider la Sagesse en particulier lorsqu'elle eut à construire les maisons de Lourdes, Saint­ Jovite, Sainte-Agathe-des-Monts et Sainte-Agathe, Maine. Esprit modéré, doux, conciliant en pratique, il jugeait avec calme et restait toujours serviable, plein de sollicitude ... Dès 1909, les Anciens de Montfort érigèrent sur la tombe du défunt un monument sur lequel sont gravés les simples mots: "Au Père des Orphelins." Rien ne peint mieux la bonté d'âme de cet homme si universellement regretté.

Le Père Richard remplacera le Père Bouchet.




Fin d'un fructueux apostolat:



Le 5 juin 1909, Dieu appelait à lui le Pasteur dévoué du diocèse d'Ottawa, Monseigneur Joseph-Thomas Duhamel. Dès le début et pendant vingt-cinq ans, la Famille montfortaine trouva en lui un guide sûr et un conseiller éclairé. Ce Père accueillant avait fait sien l'avenir de l'orphelinat et celui de la Montfortanie canadienne. Il avait autorisé ses fondations, érigé l'Archiconfrérie de Marie Reine des Coeurs, encouragé et béni les travaux des enfants de Montfort. Ce grand serviteur de Marie est décédé subitement, quelques jours seulement avant les fêtes jubilaires de l'orphelinat, fêtes que l'on préparait depuis longtemps et qui devaient être présidées par l'Archevêque. (77)



XXIII


Fêtes jubilaires:



Les premiers jours d'août -(1,2,3,)- 1909, l'orphelinat Notre-Dame de Montfort commémorait le vingt-cinquième anniversaire de sa fondation, plus exactement le vingt-sixième. Des deuils récents, surtout la mort du regretté Père Bouchet,

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retardèrent d'un an cette célébration.


Ces fêtes ont été des jours d'action de grâces. On devait remercier le Seigneur qui a répandu d'abondantes bénédictions sur l'établissement. On se devait d'exprimer sa reconnaissance à la Reine des Coeurs qui a si visiblement proté­gé la famille montfortaine. On devait également un tribut d'hommages et de remerciements à ceux et celles qui ont soute­nu l'oeuvre, qui ont collaboré à son développement; à ceux et celles qui, au moment des fêtes, l'aidaient encore de leurs sympathies et de leurs charités.


La veille des Fêtes:



Le triduum fut préparé de longue main. Tout le monde y participa. Le plan d'ornementation conçu par un artiste demandait malgré son apparente simplicité une somme considérable de travail. Heureusement les Scolastiques étaient en vacances et s'étaient gracieusement offerts à mener les travaux. Pour ravitailler les décorateurs, les Orphelins allaient, con­duits par les Soeurs, à la cueillette des fines mousses et des herbes courantes qui serviraient à former d'interminables guir­landes.


La maison fraîchement peinte était parée de la "base au faîte". Les abords de la maison avaient aussi revêtu un air festif.


Tous ces préparatifs s'achevaient lorsque le train amena vers les quatre heures de l'après-midi, Monseigneur Routhier, administrateur de l'archidiocèse d'Ottawa dans les limites duquel se trouvait alors l'orphelinat de Montfort.


Toute la maison soit près de quatre cents personnes se portèrent au-devant de Mgr Routhier et l'accompagnèrent à

la salle de réception où un jeune enfant lui exprima l'allégres­se générale et les sentiments de vénération, de gratitude de

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tous pour l'Archevêque défunt dont il tenait la place.(78)



Monseigneur Bruchési:



À la nuit tombante, le dernier convoi entrait en gare amenant Mgr Bruchési, Archevêque de Montréal.


Quand il mit le pied à terre, les cloches fidèles interprètes de la joie montfortaine, carillonnèrent à grandes volées. Monseigneur s'avança entre deux haies d'enfants qui lançaient à pleine voix: "Vive Monseigneur!" Vu l'heure tar­dive, la présentation des Orphelins avait été fixée au lende­main matin. L'un d'entre eux a lu un compliment soulignant le bonheur qu'eux, les enfants, presque tous montréalais, éprou­vaient à la venue de leur évêque. L'éloquent Mgr Bruchési avec l'à-propos qu'on lui a connu leur dit à son tour son bon­heur d'être au milieu d'eux, l'amour que le Sauveur leur porte et combien c'est aimable un enfant. Puis, parlant du jubilé, il leur fit comprendre que c'est une fête qu'on ne laisse pas passer. "Voyez ces préparatifs: on sent que les Soeurs y ont

mis la main (...) On vient de différentes paroisses, de différents diocèses. Moi, j'avais pour venir toutes sortes de raisons. Montfort devrait être à Montréal. S'il y avait moyen de l'emporter! Du moins, il y a union morale entre Montréal et Montfort: à Montréal, les Pères ont des connaissances et des amis (...) J'y ai confirmé plusieurs d'entre vous. Les Pères de la Compagnie de Marie sont à Montréal. Les Filles de la Sagesse y seront bientôt; donc, nous sommes en famille. Je suis venu remercier Dieu qui a béni une œuvre de charité et lui a donné la prospérité malgré les obstacles. C'est si difficile de vivre et de réussir(...)

Il nous fallait souligner ce passage. Il montre l'attitude nouvelle de Monseigneur à l'endroit de la Sagesse... et se passe de commentaires.




Les chroniques relatent qu'après avoir parlé aux enfants, l'Archevêque se rend à la Communauté où les Soeurs, leur Provinciale en tête, attendent sa visite. Admirable de simplicité et de gaieté, il paraît heureux comme un Père au milieu de ses enfants, chacunes se sent à l'aise près de lui. Cette réunion laisse au cœur de toutes la meilleure impression et le plus formidable augure pour l'avenir...(79).



Les Fêtes-Premier août:



À neuf heures trente, messe pontificale par Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque de Montréal assisté de Mgr Routhier, de Monsieur l'Abbé Lelandais, directeur du grand

Sé­minaire de Montréal et du Révérend Père Richard, Provincial de la Compagnie de Marie. La chapelle délicieusement décorée est remplie d'une pieuse assistance. La messe est chantée par les Scolastiques de la Compagnie de Marie et les Orphelins de Montfort; le choeur de chant habilement dirigé par le père

Le Touarin, accompagné par le Père Poirier, est remarquable de justesse et d'harmonie.


Peu de temps après arrivait le train d'excursion de Montréal, les nouveaux arrivants assistent à une messe basse pendant laquelle Monsieur l'Abbé Bélanger, curé de Saint-Louis de France à Montréal fait une allocution de circonstance( ...) Mgr Bruchési, en quelques phrases éloquentes, offre son tribut d'éloges à l'œuvre de Montfort et exprime ses regrets sur la mort de Mgr Duhamel.


Après la messe eut lieu le dîner officiel plein d'entrain et de gaieté, présidé par Mgr Bruchési.

À trois heures p.m., séance offerte aux invités par les Orphelins dans la grande salle magnifiquement décorée, laquelle se trouve presque trop petite en ce moment, tellement la foule est compacte.




Les cinquante petits artistes (...) se surpassent et font l'admiration de tous. Le Père Urlings (...) donne un compte-rendu très exact, très apprécié des vingt-cinq années écoulées (...) puis un des anciens Orphelins lit une adresse remplie d'affection sincère et non dépourvue d'éloquence.


En attendant le souper, les invités font la visite de l'établissement, tous ont admiré l'ordre et la propreté qui règnent dans toute la maison. Pendant ce temps, Monsieur et Madame Chevalier faisaient la gracieuseté d'une distribution de bonbons aux petits Orphelins rassemblés sous le préau.


On se rend ensuite à la chapelle pour la bénédiction du Saint-Sacrement; après le souper, le train d'excursion part pour Montréal emmenant Mgr Bruchési et beaucoup d'invités.

On clôture la soirée par un feu d'artifices magnifiquement lancé et il est à supposer que si les Laurentides avaient pu pousser des hourras, elles l'auraient certainement fait n'ayant rien vu de si beau depuis la création du monde.

À la douce clarté de la lune, chacun se retire pour prendre son repos afin d'être sur pied le lendemain de bonne heure.



Deux août:



Aujourd'hui à neuf heures, service solennel pour les défunts de l'Oeuvre de Montfort, par Mgr Routhier. Le sermon est prêché par le Père Audran de la Compagnie de Marie.

À l'issue du service, une procession se forme pour se rendre au cimetière, ayant à sa tête Monseigneur lui-même, qui malgré son grand âge et la difficulté du chemin, ne craint pas la fatigue pour rendre un dernier témoignage de reconnais­sance à celui qu'il estimait et aimait profondément.



Il procède à l'érection d'un monument offert par les anciens Orphelins à la mémoire du si regretté Père Bouchet. Nous en avons déjà parlé.

À trois heures, une nouvelle séance est donnée aux invités par nos infatigables petits artistes qui font l'admiration des assistants aussi bien que la veille.

À cinq heures, bénédiction du Saint-Sacrement et à six heures et demie, départ du train régulier pour Montréal emmenant Mgr Routhier et tous les invités sauf plusieurs anciens Orphelins qui ne peuvent se décider à quitter si tôt le doux nid de Montfort qui abrita leur enfance et qui leur tient toujours terriblement au coeur.

À la fin d'une seconde soirée, illumination d'une croix plantée dans un îlot du lac Chevreuil. Le spectacle est vraiment joli et cette croix y restera comme souvenir des fêtes jubilaires.



Trois août:



C'est encore la fête à Montfort!... mais fête intime, fête de la famille religieuse; les anciens Orphelins veulent pourtant y assister disant qu'ils sont les enfants de la maison; aussi le Père Supérieur pour leur prouver qu'on les considère comme tels, leur accorde cette douce jouissance et les ad­met même à la table des Pères. Ils sont si confus de tant de bontés et si heureux qu'ils ne savent comment témoigner leur reconnaissance.


À neuf heures, grand-messe chantée par le Révérend Père Richard. À trois heures p.m., séance donnée par les Scolastiques de la Compagnie de Marie qui ne veulent pas quitter Montfort sans exprimer leur reconnaissance aux habitants de la maison. Inutile de vanter la justesse et l'harmonie des différents choeurs de chants qu'ils exécutent: leur talent en ce




genre est trop connu et ce serait l’amoindrir que d'essayer d'en faire l'éloge.

Bénédiction du Saint-Sacrement à cinq heures du soir et à huit heures réédition radieuse de l'illumination de la veille qu'on ne peut se lasser d'admirer à nouveau.

Le triduum des fêtes jubilaires est enfin terminé après avoir été favorisé sous tous les rapports. Il laissera un souvenir ineffaçable au cœur de tous ceux qui en ont été les témoins. (Chroniques de Montfort.) (80)



XXIV


CONCLUSION


Nous terminons en empruntant les notes suivantes tirées de l'Album-souvenir de la Congrégation de Sainte-Croix, qui parut le 23 avril 1947, à l'occasion du centenaire de cet­te communauté. (81)


Après 1909, la direction de l'orphelinat d'Huberdeau passa aux Frères de la Miséricorde, qui continuent d'y exercer un apostolat au milieu de leurs quatre cents orphelins. (1947). Les Pères de Marie s'étaient réservé Montfort jusqu'en 1935, alors que leur orphelinat fut condamné par l'autorité civile parce que non à l'épreuve du feu.


Vers le même temps, M. l'abbé Bourgeois fondait pour jeunes gens aux Trois-Rivières un foyer qui porte le nom de patronage Saint-Charles. Or, S. Exc. Mgr Vachon le pria d'organiser une œuvre similaire dans son diocèse d'Ottawa. On son­gea tout naturellement à l'orphelinat désaffecté de Montfort, que les Pères de Marie continuaient toutefois d'habiter. Fau­te de personnel et parce que l'oeuvre n'était pas prévue par les Constitutions de leur institut, ils ne purent accepter l'offre de monseigneur d'Ottawa, malgré leur chagrin d'avoir à




quitter une institution qu'ils avaient édifiée au prix de tant de sacrifices.

C'est alors que monseigneur Vachon s'adressa à la congrégation de Sainte-Croix, qui cherchait précisément à fonder des orphelinats pour se conformer à ses Constitutions. Les supérieurs majeurs acceptèrent immédiatement de continuer l'œuvre si méritoire des Pères de Marie, et monseigneur créa une commission administrative formée de monsieur l'abbé Bourgeois, du révérend père Eugène Ruel, C.S.C., et de monsieur J.-S.-C. Morisset, avocat et homme d'œuvre de Montréal. Les frères avec l'aide spirituelle du père Albert Roger, leur cha­pelain, se chargèrent de la régie interne de l'établissement.

Le révérend Père Ruel et le révérend frère Aurèle, le premier supérieur, y firent d'abord une visite, le 10 août 1943, puis ils s'y établirent définitivement le 25.


Le personnel y fut au complet le 1er septembre avec l'arrivée du père Albert Roger et des frères Victor, Ignace, Théophile, Yvon, Simon, Jean-Maurice, Georges-Edouard, Adolphe et Jogues, soit en tout, deux pères et onze frères, qui prirent charge de soixante enfants répartis sur trois classes combinés, allant de la troisième année à la huitième.


Mettant à profit l'expérience des Pères de Montfort, les nouveaux occupants ne tentèrent pas de faire de l'institution un orphelinat à caractère agricole. On décida donc dès le début d'en faire une école de métiers. Ensuite, pour épargner aux enfants un rappel constant du malheur qui a attristé leur entrée dans la vie, on éprouva le besoin de remplacer le terme orphelinat par celui d'école. Enfin, on chercha un autre nom pour souligner le caractère nouveau de ce coin si pittores­que des Laurentides. C'est ainsi que l'orphelinat devint l'école Notre-Dame-des-Monts, et que le village de Montfort prit le joli nom de Lisbourg, c'est-à-dire le bourg des industries scolaires (L.I.S.).

Bien que le gros des octrois gouvernementaux ait servi jusqu'ici à l'édification d'un coupe-feu en béton et à l'aménagement de certaine commodités courantes plutôt qu'à l'équipement technique, une centaine d'enfants ont déjà reçu, selon leurs aptitudes, une bonne initiation théorique et pra­tique à divers métiers, sans négliger l'agriculture. Depuis trois ans, les frères ont initié 20 élèves à l'agriculture, 10 à la soudure, à l'électricité et à la mécanique, 15 à la menuiserie, 10 à la cordonnerie, 20 au métier de peintre, 6 à celui de barbier, 20 à celui de couturier. Et la liste des métiers s'allongera, comme le nombre des apprentis augmentera au fur et à mesure des développements de l'œuvre.


Le nombre des élèves s'accroît rapidement. De 60 qu'elle était à la réouverture en 1943, l'inscription a été de 90 en 1944, de 160 en 1945, et de 180 en septembre dernier.


L'œuvre réclame actuellement le dévouement de deux pères, de dix-neuf frères et de quatorze sœurs de la Sagesse, lesquelles ont eu la charité de garder la charge de la cuisine, de la buanderie et de la lingerie.


La discipline à Notre-Dame-des-Monts est faite d'une douce fermeté selon les principes de la pédagogie moderne de saint Jean-Bosco. Le règlement journalier, d'une souplesse remarquable, y vise en tout à développer l'initiative, la conviction religieuse, la personnalité chrétienne des jeunes. L'atmosphère familiale de cette maison lui a déjà gagné la sympathie et les encouragements de l'extérieur, et certai­ne société de bienfaisance se constitue vraiment la providence de ses jeunes occupants, qui n'ont jamais paru plus heureux que sous ce toit béni.


Les Frères de Sainte-Croix terminèrent leur mandat en 1955 et l'orphelinat fut démoli au début des années soixante.

Nous n'avons pas voulu pousser nos recherches plus loin, car cela n'entrait pas dans l'optique de ce travail.

Nous croyons avoir atteint notre but, qui était ce­ lui de souligner le centenaire de la venue des premiers Pères Montfortains en Amérique du Nord.


André Joncas




XXV


Notes et références


Le titre du premier chapitre est textuellement le même que celui qui parut en page 3 de la "Notice" de 1883, et qui fut édité par Eusèbe Sénécal & Fils, imprimeur-éditeurs 6, 8 et 10, rue Saint-Vincent, à Montréal.


Page# 3:

Pour M. François-Xavier Froidevaux et ses amis, nous

avons consulté bottin Lovell's de 1880-81 au sujet de leurs professions.


Dans le bottin Lovell's, le nom de M. François-Xavier Montmarquet y est écrit de cette façon, tandis que dans l'opus­cule de 1892, on peut lire Montmarquette.

Pour M. Georges Laurent (sic), le bottin Lovell's cite comme métier "Painter"; nous en déduisons donc qu'il de­vait être peintre en bâtiments.


Le R.P. Harel, p.s.s., nous fait remarquer que le bottin Lovell's est dans l'erreur lorsqu'il écrit Lafleur, au lieu de La Fleur, car le notaire signait tous ses actes de cette manière.

Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour l'aide qu'elles nous ont apportée dans nos recherches.


M. Roger de Lorimier, de Montfort, qui nous suggéra d'écrire l'histoire de cet orphelinat.

Le Révérend Père Guy Jacob, archiviste pour les Montfortains, qui avait toujours eu un bon mot d'encouragement pour notre travail, sans oublier un gros merci à sœur Simone Re, f.d.l.s.


Le Frère Raymond Laprés, secrétaire de la congrégation de Sainte-Croix.


Mlle Montbriand, archiviste, à l'Archevêché de

Montréal.


M. Daniel Olivier, bibliothécaire à la salle Gagnon, de la bibliothèque centrale de la ville de Montréal, ainsi qu'à notre bon ami Jacques Gouin, écrivain et fondateur de la Société d'histoire des Pays-d'en-Haut.



RÉFÉRENCES


Notice sur l'origine et les progrès de l'œuvre et de l'établissement des ORPHELINATS AGRICOLES de Notre-Dame de Montfort (dans le canton de Wentworth}. 1883, Eusèbe Senécal & Fils, imprimeurs-éditeurs 6, 8 et 10, rue Saint-Vincent, Montréal.

02, page 20. 04, page 3. 42, pages 16 à 19. 44, page 21.

45, page 21. 46, page 23. 47, page 24.

D'après le Révérend Père J. Bruno Harel, p.s.s., M. Gustave-A. Raymond, devait percevoir des redevances pour les Sulpiciens.


L'œuvre patriotique des Orphelinats Agricoles de Notre-Dame de Montfort, comté d'Argenteuil, 1892. (Même éditeur que le précédent). 01, Titre. 07, page 2. 17 , page 4. 60, pages 5 et 6. 61, pages 61 et 7. 62, pages 6 et 8. 63, pages 9 et 10. 64, pages 10 et 11. 65, page 11. 66, pages 11 à 14. 67, page 15. 68, pages 16 et 17. 69, pages 18 et 19. 70, page 19. 71, pages 20 et 21.


Orphelinat N.-D. de Montfort, Souvenir des Fêtes Jubilaires 1883-1909. Imprimé par la Cie J.-B. Rolland & Fils, 1910. 05, page 18. 06, page 35. 08, page 35.


Articles du MESSAGER DE MARIE REINE DES COEURS (1933-1934), par le Père Théophile Ronsin, s.m.m.

03 juin 1934. 09, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 mars

1934. 19, 20, 21 mai 1934. 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, juin 1934. 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, juillet 1934.


Filles de la Sagesse, cent ans d'histoire au Canada, Tome I (1884-1932), par Soeur Simone Re, f.d.l.s. (Soeur Valérie du Saint-Esprit) le 4 juin 1977. 48, page 7. 49, page 2. 50, page 3. 51, page 7. 52, pages 8 à 10. 53, page 12. 54, pages 12 et 13. 55, pages 13 et 14. 56, page 14. 57, page 15. 58, page 17. 59, pages 18 à 20. 72, pages 22 et 23. 73, page 25. 74, page 32. 75, pages 33 et 34. 76, pages 43 et 44. 77, pages 82 et 83. 78, pages 87 et 88. 80, pages 89 et 91.


Ainsi que l'Album-souvenir de la Congrégation de Sainte-Croix, le 23 avril 1947, imprimé à l'occasion du centenaire de cette communauté.


LM-025-02

 
 
 

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