LES ORIGINES DE SAINT-SAUVEUR-DES MONTS TROISIÈME PARTIE (1832-1853)
- Mélanie Tremblay
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Jean-François Corbeil, (Halifax, Nouvelle-Ecosse, août 1988.), La Mémoire no 39
Dans ce troisième volet de notre étude de l'histoire seigneuriale de Saint-Sauveur, nous nous intéresserons à une période qui, bien que peu étendue, fut marquée par plusieurs évènements d'importance. C'est en effet au cours des années mille huit cent trente que les familles Dumont et de Bellefeuille obtinrent un important prolongement de l'augmentation de leur seigneurie, lequel, suite à sa mise en valeur pendant les deux décennies suivantes, donna naissance, entre autres, à la Paroisse de Saint-Sauveur, en 1853.
XIII - Prolongement de l’augmentation des Mille-Îles
Dans son "Dictionnaire topographique de la Province du Bas-Canada", publié à Londres en 1831-1832, l'arpenteur Joseph Bouchette apporte des précisions intéressantes au sujet des débuts de la colonisation de la région de Saint-Sauveur. En effet, dans l'article concernant le canton d 'Abercrombie, il est mentionné que le seigneur Eustache-Nicolas Lambert Dumont avait pris l'initiative, en conséquence de l'importante superficie de terrain cédée au profit de la seigneurie du Lac-des-Deux- Montagnes (7), d'excéder la limite nord de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles en concédant des terres à l'intérieur des limites du Canton d'Abercrombie. Joseph Bouchette ajoute que ces lots, au nombre d'environ cent vingt, étaient situés des deux côtés de la rivière du Nord et s'étendaient sur une profondeur d'environ sept milles à l'intérieur du canton.
Il est presque inutile de mentionner que, bien avant l'arpenteur Bouchette, la Couronne s'était intéressée à cette histoire. En effet, dès le 28 mai 1827, le Solliciteur général, Charles Richard Ogden avait informé la Cour du Banc du Roi de la situation, les seigneurs des Mille-Îles ayant jusqu'alors refusé de faire tirer la ligne de division entre leur augmentation et les terres de la Couronne. Par la même occasion, l'Honorable Ogden fit la demande qu'une sommation de comparaître soit expédiée à Eustache-Nicolas Lambert Dumont et à Angélique-Louise Lambert Dumont, veuve d'Antoine de Bellefeuille, et qu'un arpenteur soit nommé par les parties afin de tirer les lignes de division entre leurs propriétés respectives.
Lors de la production de leur défense, les seigneurs des Mille-Îles justifièrent l'appropriation qu'ils avaient faite d'une partie d'Abercrombie, en prétendant que l'intention du Roi, lors de la concession originale de l'augmentation de leur seigneurie en 1752, était de leur accorder une superficie de treize lieues et demie (4 lieues de front par 3 de profondeur), si bien que la perte de terrain au profit des Messieurs de Saint-Sulpice ayant (9) diminué le front de leur domaine, ils avaient droit à une compensation sur la profondeur et ce, afin d'obtenir ladite superficie de treize lieues et demi.
En février 1829, consciente des incidences possibles de cette cause sur les seigneuries adjacentes, la Cour du Banc du Roi demanda, avant de se prononcer sur le litige, que les propriétaires des dites seigneuries soient mis en cause. C'est ainsi que les Messieurs de Saint-Sulpice, seigneurs du Lac des Deux-Montagnes, et les propriétaires de la partie nord-est de la première concession de la seigneurie des Mille-Îles (seigneurie de Blainville), se trouvèrent impliqués dans le différend opposant la Couronne et les seigneurs des Mille-Îles.
En juin 1832, la Cour ayant reconnue la validité des prétentions des seigneurs des Mille-Îles, émit un jugement interlocutoire par lequel elle ordonnait l'exécution d'un relevé des diverses lignes de division de la première concession de la seigneurie des Mille-Îles ainsi que la délimitation d'une étendue de treize lieues et demie en superficie devant constituer l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles.
Pour diverses raisons, les choses traînèrent en longueur si bien que ce n'est qu'à l'automne 1833 que furent exécutés les divers travaux ordonnés par la Cour. Ainsi, le 30 septembre, Joseph Bouchette fils, sous-arpenteur général, ainsi qu' André Trudeau, l’arpenteur-juré et Joseph Fortune, sous-arpenteur provincial, agissant respectivement au nom de la Couronne, des Messieurs de Saint-Sulpice et des Seigneurs des Mille-Îles, commencèrent le relevé de la première concession de la seigneurie des Mille-Îles.
Puis, en novembre, les arpenteurs procédèrent à l'arpentage de la seconde concession ou augmentation en débutant par les lignes de division la séparant de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes. Ayant fait le relevé de la ligne latérale est, (AB, carte VII), ils procédèrent au prolongement du "trécarré" (BC, carte VII), commencé par Maître Papineau en 1796, jusqu'au point de rencontre avec le prolongement de la ligne de séparation entre les seigneuries du Lac-des-Deux-Montagnes et d'Argenteuil (CD, Carte VII).
C'est à la lumière de ces travaux que les arpenteurs se rendirent compte que le dit "trécarré" avait 25 arpents et 3 perches de plus que la largeur calculée lors de l'arpentage de 1796, si bien que la seigneurie des Messieurs de Saint-Sulpice contenait environ 6600 arpents carrés de trop et ce, au détriment de l'augmentation des Mille-Îles. Cette irrégularité était due au fait que l'arpenteur Papineau avait effectué tous ces calculs en considérant que les lignes latérales de la seigneurie du Lac des-Deux-Montagnes s'inclinaient de cinq degrés l'une vers l'autre ce qui, en réalité, n'était pas le cas. Suite à ces travaux, l'arpenteur Bouchette et ses collègues déposèrent leur procès-verbal à la Cour, le 3 février 1834, afin d'obtenir de nouvelles instructions avant de procéder de façon définitive à la délimitation du complément de terre de l'augmentation des Mille-Îles.
Le 20 février 1834, la Cour, dans un second jugement interlocutoire, ordonna aux arpenteurs de faire le relevé du front de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes afin d'en déterminer la largeur exacte. Le 17 mars suivant, les arpenteurs Bouchette et Trudeau faisaient rapport à la Cour du Banc du Roi à l'effet que le front de ladite seigneurie avait bien la largeur indiquée par l'arpenteur Papineau lors de ses travaux de. 1794.
Finalement, le 14 juin 1834, la Cour émettait un troisième et dernier jugement par lequel elle ordonnait qu'un nouveau cordon ou "trécarré" soit tracé à la profondeur de la seigneurie du Lac des-Deux-Montagnes afin d'en retrancher les 6600 arpents qu'elle avait en trop. Suite à un accord notarié, intervenu le 19 septembre 1834 entre les seigneurs des Mille-Îles et ceux du Lac des-Deux-Montagnes, relativement aux terres comprises dans cet espace de 6600 arpents, les arpenteurs Bouchette, Trudeau et Fortune, procédèrent en novembre de la même année, à la détermination de ce nouveau cordon (EF, Carte VTI) situé à quelque vingt et un arpents plus au sud que celui tiré par Maître Papineau, en 1796. Ces derniers travaux d'arpentage ainsi que ceux effectués à l'automne 1833 et en mars 1814 firent l'objet d'un nouveau rapport, lequel fut signé par les parties concernées, le 23 janvier 1835, et déposé au tribunal pour servir de procès-verbal général de toutes les lignes de division entre la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes et les deux concessions de la seigneurie des Mille-Îles (Rivière Duchesne et augmentation).
Il ne restait maintenant plus qu'à marquer sur le terrain, le complément de terre de l'augmentation des Mille-Îles, afin de donner à cette seigneurie la superficie de treize lieues et demie à laquelle elle avait droit selon l'acte de concession de 1752. Il semble que dans un premier temps, on prolongea la "grande ligne" de division entre la seigneurie de Terrebonne et l'augmentation des Mille-Îles vers le nord-ouest (WX, Carte VII) ce qui eut pour effet de diminuer la superficie du canton d'Abercrombie de près de cinquante pour cent (zone quadrillée, Carte VII) . Quant au côté sud du complément de terre, on le délimita par une ligne constituant à peu près le prolongement du cordon de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes. (YF, Carte VII).
Finalement, ces deux nouvelles lignes furent réunies par un "trécarré" d'une longueur d'environ trois lieues et demie, lequel sert d'ailleurs de base au canton de Morin, érigé en 1852. Malheureusement, l'absence de documents ne nous permet pas d'indiquer la date précise à laquelle ces divers travaux furent exécutés. Toutefois, il est plus que certain que le tout fut complété avant 1840, année de l'érection civile du canton de Gore, lequel est enclavé entre la seigneurie d'Argenteuil et le prolongement de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles.
(Carte VIII).
XIV - Érection canonique de Saint-Jérôme
C'est le 15 novembre 1831 que les francs-tenanciers de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles présentèrent, par l'entremise du notaire L.E. Globensky, une requête demandant l'érection canonique de leur territoire. Dès le 20 février de l'année suivante) Monseigneur Panet, évêque de Québec, chargeait Monsieur Joseph Boissonnault, curé de Rivière-des-Prairies, de se rendre sur les lieux afin d'étudier les faits de la requête, ce qu'il fit le 7 août 1832. Toutefois, mal gré l es quelques démarches du coseigneur Eustache-Antoine Lefebvre de Bellefeuille (1793-1836), les choses trainèrent en longueur, principalement à cause de la possibilité de joindre au territoire de la future paroisse une partie de la seigneurie du Lac-des Deux-Montagnes.
Finalement le 15 novembre 1834, Monseigneur Joseph Signay, évêque de Québec, érigeait canoniquement, sous le vocable de Saint-Jérôme, l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles, ainsi que la partie de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, comprise entre la paroisse de Sainte-Scholastique et la rivière du Nord (aujourd'hui paroisse de Saint-Canut).
Dès l'année suivante, Eustache-Nicolas Lambert Dumont faisait don à la nouvelle paroisse d'un terrain de huit arpents situé dans l'actuel centre-ville de Saint-Jérôme. De son côté, le neveu du seigneur Dumont, Eustache-Antoine Lefebvre de Bellefeuille, avait proposé, dès 1832, de donner une partie de son domaine pour la construction des édifices religieux ainsi qu'une terre de soixante arpents pour l'usage de la future fabrique. Toutefois, pour des raisons de commodité, les autorités ecclésiastiques choisirent le terrain offert par le seigneur Dumont et c'est sur celui-ci que fut construite la première église en 1837-1839.
XV - Les héritiers Lambert Dumont
La paroisse de Saint-Jérôme venait à peine d'être érigée que, le 25 avril 1835, l'un de ses fondateurs, Eustache-Nicolas Lambert Dumont décédait à Saint-Eustache, à l'âge de 67 ans. De son mariage avec Marie-Narcisse Lemaire Saint-Germain (décédée avant 1834), célébré en la même paroisse, le 8 septembre 1800, étaient nés au moins cinq enfants, dont trois lui survécurent.
Le fils ainé de la famille, Charles-Louis, né à Saint-Eustache, le 15 septembre 1806, avait épousé à Saint-Laurent (Montréal), le 22 septembre 1835, Mary-Sophia Roy Bush (1815-1841) fille de William Roy Bush et de Polly Bagg, de West Evan au Vermont. Capitaine de milice et aide-major dès 1827, Charles-Louis Lambert Dumont était également magistrat à Saint-Eustache vers 1838.
Sa sœur, Marie-Elmire, née le 13 novembre 1803, s'était unie, le10 janvier 1826, à Pierre-Vincent Laviolette (1794-1854), professeur et poète, originaire de Boucherville. Leur fils ainé, Godfroy (1826-1895) devint arpenteur et fut le premier maire du village de Saint-Jérôme en 1856. Marie-Elmire Lambert Dumont décéda en sa paroisse natale de Saint-Eustache, en novembre 1883.
Le troisième héritier, Louis-Sévère, né au manoir seigneurial le 7 octobre 1810, fut lieutenant de milice et décéda le 26 décembre 1841, laissant tous ses biens à sa sœur Marie-Elmire. Il fut inhumé dans la crypte de l'église de Saint-Eustache où reposaient déjà plusieurs membres de sa famille.
Suite à l'inventaire des biens laissés par leur père, les trois héritiers renoncèrent à la succession, celle-ci s'étant avérée plus onéreuse que profitable. Toutefois, ils succédèrent à Eustache-Nicolas Lambert Dumont en tant que coseigneurs usufruitiers de la seigneurie des Mille-Îles et de son augmentation et ce, conformément au testament de leur aïeul paternel, Eustache-Louis Lambert Dumont, décédé en avril 1807.
XVI – Une époque difficile
Désirant poursuivre le développement de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles, les héritiers Lambert Dumont durent cependant faire face à quelques difficultés et ce, dès 1836. En effet, le 7 avril de cette année-là, leur cousin, Eustache Antoine Lefebvre de Bellefeuille leur signifiait protêt à l'effet de ne pas procéder à aucune nouvelle concession de terre tant en la seigneurie des Mille-Îles qu'en son augmentation, jusqu'à ce que les parts territoriales des deux familles aient été convenablement établies dans chacune des deux seigneuries. Les Dumont et les de Bellefeuille s'opposèrent également, à cette époque, quant au taux de cens et rentes à être fixé pour les nouvelles concessions de terre. Ajoutons, en terminant, que des difficultés survinrent aussi avec les meuniers et scieurs des moulins de la rivière du Nord. Toutefois, dans les deux années qui suivirent, des questions encore plus importantes allaient préoccuper les membres des deux familles seigneuriales.
À l'automne 1834, le village de Saint-Eustache devint le centre de ralliement des membres du mouvement Patriote du comté de Deux-Montagnes. Conscient que l'agitation allait conduire à la révolte armée, le coseigneur Joseph Lefebvre de Bellefeuille (1803-1887), essaya en vain de calmer les esprits en s'adressant à la population réunie à la porte de l'église du lieu. De son côté, Louis-Sévère Lambert Dumont prit position, le 9 décembre 1837, en se rendant à Montréal pour faire une déclaration concernant les agissements des Patriotes de Deux-Montagnes. Ajoutons qu'au cours de l'affrontement du 14 décembre 1837, les deux familles seigneuriales subirent, comme plusieurs de leurs concitoyens, des pertes matérielles plus ou moins importantes.
Ainsi, le coseigneur Charles-Louis Lambert Dumont vit son manoir totalement détruit par les troupes qui voulaient en déloger les Patriotes, lesquels y avaient établi leur principal camp.
Bien qu'il semble que les mois qui suivirent la bataille de Saint-Eustache furent consacrés au rétablissement des propriétés, les seigneurs des Mille-Îles s'intéressèrent de nouveau au développement de l'augmentation de leur seigneurie dès la fin de 1839. En effet, le 19 décembre de cette année-là, Joseph Lefebvre de Bellefeuille faisait signifier protêt aux arpenteurs Laurier et Lemaire Saint-Germain relativement aux travaux d'arpentage qu'ils avaient exécutés pour diviser l'augmentation des Mille-Îles, entre les familles de Bellefeuille et Dumont.
XVII – Marguerite-Virginie Lambert Dumont
Le premier novembre 1841, décédait à Saint-Eustache, le coseigneur Charles-Louis Lambert Dumont. Étant veuf depuis quelques mois, il laissait une fille unique, Marguerite-Virginie, née le 21 août 1838.Celle-ci se retrouva donc propriétaire de la moitié (9) de la part de la famille Lambert Dumont dans la seigneurie des Mille-Îles et son augmentation. Toutefois, comme la jeune héritière était encore mineure, on lui nomma deux tuteurs: le notaire Frédéric-Eugène Globensky (1790-1858), lequel gérait d'ailleurs les affaires de la famille Dumont depuis un certain nombre d'années et l'Honorable Gabriel Roy (1770-1848) Conseiller législatif résident à Saint-Laurent (Montréal). A partir du premier mars 1843, celui-ci assuma toutefois seul la tutelle, suivant avis homologué par Hyppolite Guy, commissaire de la Cour du Banc du Roi.
XVIII – Le haut de la rivière-du Nord
Tel que nous l'avons mentionné précédemment, les seigneurs des Mille-Îles avaient concédé, avant 1827, environ cent vingt lots des deux côtés de la rivière du Nord, sur une profondeur d'environ sept milles à l'intérieur de ce qui était alors le canton d'Abercrombie. Reportées sur une carte moderne, ces terres correspondraient à une grande partie des lots riverains des actuelles municipalités de Prévost et de Piedmont.
Bien que seule une étude exhaustive du peuplement de ce secteur permettrait de retracer la date exacte des concessions de terre, certains documents nous permettent de donner quelques précisions quant au fait que des lots furent au moins octroyés avant 1843, dans ce qui était alors désigné comme le haut de la rivière du Nord. Ainsi, l'étude de la chaîne de titres du lot occupé par Louis Beaulieu en 1842, (actuel lot 3 du cadastre?) nous indique que la concession originale par les seigneurs des Mille-Îles est antérieure à décembre 1835. De plus, lors de la concession, en juin et décembre 1843, de certaines terres sises des deux côtés de la rivière, il est fait clairement mention de plusieurs lots. déjà concédés. Finalement, lors de l'octroi, en 1844 et 1845, de quatre lots situés dans la concession nord-ouest de la rivière du Nord (compris entre les numéros cadastraux 73 et 96 de Saint Sauveur, il est indiqué que les acquéreurs s'engagent à payer les arrérages de droits seigneuriaux, ces concessions ayant été reprises par les seigneurs.
XIX – Le territoire de Saint-Sauveur
Le 19 décembre 1843, l'honorable Gabriel Roy, tuteur de Virginie Lambert Dumont, Pierre Laviolette et son épouse, Marie-Elmire Lambert Dumont, concluaient un accord avec les héritiers Lefebvre de Bellefeuille, à l'effet de faire prolonger, dès l'année suivante, la ligne de division de leurs parts territoriales jusqu'au cordon de l'augmentation de la seigneurie des Mille Iles. Conformément à l'accord de partage de 1808, il fut stipulé que le territoire situé au sud-ouest de ladite ligne (actuelle municipalité de Mille-Îles) constituerait le "tiers" de la famille de Bellefeuille alors que la section sise au nord-est (aujourd'hui Saint-Sauveur) correspondrait au "deux-tiers" alloué à la famille Lambert Dumont.
Suite à l'établissement de cette ligne de division, toutes les limites extérieures de la seigneurie Dumont se trouvaient à être établies, si bien que dès l'automne 1844, l'arpenteur Emery Féré, de Saint Eustache, put procéder à la délimitation de trois rangs ou concessions dans la partie nord de ce territoire. Ces trois côtes reçurent respectivement les noms de Saint-Gabriel nord-ouest, Saint-Gabriel sud-est et Saint-Lambert nord-ouest (voir annexe A). L'arpenteur procéda par la suite à la division de ces concessions en lots de 3 arpents de front par 20 arpents de profondeur. Ajoutons que dix terres furent également arpentées du côté ouest de la rivière du Nord dans l'actuelle municipalité de Piedmont (lots 31 à 61 du cadastre actuel).
Les 13, 14 et 15 janvier suivants (1845), L’Honorable Roy ainsi que Pierre Laviolette et son épouse concédèrent 53 des lots arpentés en 1844: 10 du côté ouest de la rivière du Nord, 19 à la côte Saint-Lambert nord-ouest (site actuel du village de Saint-Sauveur) et 24 à la côte Saint-Gabriel. Il semble que l'octroi de ces terres dans l'extrême partie nord de l'augmentation de la seigneurie, n'ait pas été seulement justifié par la qualité du sol mais aussi par une intention de prendre définitivement possession d'un territoire pour lequel les seigneurs avaient dû s'exposer à de longues et coûteuses démarches judiciaires quelque dix ans plus tôt. Dans les années qui suivirent, les seigneurs accordèrent environ soixante-quinze nouvelles terres dans les mêmes rangs, si bien qu'à la fin de l'été 1847, près du trois-quarts des lots des concessions Saint-Gabriel nord-ouest, Saint-Gabriel sud-est et Saint-Lambert nord ouest avaient trouvé un propriétaire.
L'année mille huit cent quarante-sept marqua l'ouverture de quatre nouvelles concessions. Ainsi, le 3 juillet, les seigneurs octroyaient les premières terres du rang Saint-Lambert sud-est, lequel avait toutefois été arpenté dès 1844. Plus au sud, un premier geste de colonisation fut posé à la côte Sainte-Elmire sud-est, en concédant quelques lots du côté nord du lac Marois, au cours des mois de juillet, août et septembre 1847. Finalement, quelques terres des concessions sud-est et nord-ouest Saint-Godfroy, arpentées en 1846, trouvèrent également preneur à l'automne de la même année.
En 1848 et 1849, les seigneurs s'occupèrent de la concession de la majorité des lots vacants de la côte Saint-Godfroy incluant les secteurs des lacs Marois et Ouimet. C'est aussi à cette époque que fut ouverte la concession nord ouest de la côte Sainte-Elmire par l'octroi de quelques lots situés près de la montée du même nom. Entre-temps, on avait dû modifier les documents pré-imprimés utilisés pour les concessions de lots car, suite au décès de l'Honorable Roy, survenu en 1848, Frédérick Eugène Globensky (10) avait repris la charge de tuteur de Virginie Lambert Dumont. Il semble que ce soit grâce à son initiative qu'environ cinquante lots aient été concédés entre mars 1849 et mars 1850.
Les dernières années du régime seigneurial furent consacrées à trouver des concessionnaires pour les lots vacants des différents concessions, si bien que lorsque furent concédées les dernières terres sur le territoire de Saint-Sauveur, le 24 février 1854, le nombre de lots octroyés depuis 1845 s'élevait à environ trois cents. (11) (tableau)
XX – La mission de la Circoncision
Dès l'automne 1850, les francs-tenanciers établis dans la partie nord-est de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles demandaient la permission d'ouvrir une mission et de construire une chapelle sur leur territoire. Leur requête fut approuvée par Monseigneur Bourget, le 29 octobre de la même année, si bien qu'un mois plus tard, on procédait à l'élection de cinq syndics pour la construction de la chapelle. Cet édifice fut subséquemment construit sur un terrain de huit arpents, faisant partie des lots 18 et 19 de la concession nord-ouest de la côte Saint-Lambert et offert par Messieurs Moïse et Jean-Baptiste Desjardins.
L'année mille huit cent cinquante-trois fut marquée par plusieurs événements d'importance. En août, le curé de Sainte-Adèle, Monsieur Ephrem Thérien, célébrait la première messe dans la nouvelle chapelle de Saint-Sauveur.
Peu après eut lieu l'élection des premiers marguilliers: Messieurs Raphael Paquet, Calixte Viau et Isidore Charbonneau. Finalement, le premier octobre, Monsieur Julien-Gédéon Watier, premier curé de Saint-Sauveur, procédait à l'ouverture des registres de la paroisse.
Notes :
(7) Voir, à ce sujet, le second article concernant les origines seigneuriales de Saint-Sauveur, paru dans "Les Cahiers d'Histoire des Pays-d'en-Haut", no. 36, pages 28 à 42.
(8) En vertu de son testament de 1805, Eustache-Louis Lambert Dumont, bisaïeul de
Marguerite-Virginie, avait réservé la nue-propriété de ses seigneuries à ses arrière-petits-enfants.
(9) Bien qu'elle ait retiré le deux-tiers des revenus de la seigneurie Dumont pendant plusieurs années, Marguerite Virginie Lambert Dumont n'avait droit, en fait, qu'à la moitié de la propriété. Cette situation engendra un long procès entre son tuteur, Frédérick-Eugène Globensky et Pierre Laviolette et son épouse.
(l0) Contrairement à ce que certains ont prétendu, les membres de la famille Globensky n'ont jamais concédé de terres dans notre région à titre de seigneurs; dans tous les actes de concessions, il est clairement indiqué que le notaire Frédérick-Eugène Globensky agissait en sa qualité de tuteur de Marguerite-Virginie Lambert Dumont. Il est toutefois possible que des lots aient été cédés, après 1854, par l'époux de cette dernière, Charles-Auguste Maximilien Globensky.
(11) À l'exception de certaines terres de la rivière du Nord, les actes de concession de tous ces lots sont identiques. Ainsi, les censitaires s'engageaient à payer aux seigneurs, le onze novembre de chaque année, jour de la Saint-Martin, cinq sous de cens pour toute l'étendue de la terre concédée et cinq sous de rente par arpent carré, soit un total de quinze livres et cinq sous ancien cours, pour un lot de soixante arpents (deux dollars cinquante-quatre en monnaie actuelle).
Annexe A
Origine des noms
À l'instar de la majorité des autres côtes de l'augmentation de la seigneurie des Mille-Îles, les concessions dont est formée la paroisse cadastrale de Saint-Sauveur furent nommées selon des personnages ou des événements liés à l'histoire de la seigneurie.
- Concession de la Côte Saint-Gabriel: L'Honorable Gabriel Roy, (1770-1848), tuteur de Virginie Lambert Dumont. (1)
- Concession de Côte Saint-Lambert: La famille Lambert Dumont et possiblement Charles-Louis Lambert Dumont. (1806-1841).
- Concession de la Côte Sainte-Elmire: Marie-Elmire Lambert Dumont (1803-1883), épouse de Pierre Laviolette.
- Concession de la Côte Saint-Godfroy: Godfroy Laviolette (1826-1895), fils aîné de Pierre et de Marie-Elmire Lambert Dumont.
- Concession de la Côte Bornage de Smith (concession sud-est de la rivière du Nord): Le "trécarré" des terres de cette concession correspond à la "Grande ligne" qui divise l’augmentation des Mille-Îles du canton d'Abercrombie.
(l) Dans certains documents, le seigneur Eustache-Nicolas Lambert Dumont mentionne son fils aîné Lambert.
Jean-François Corbeil, Halifax, Nouvelle-Ecosse, août 1988




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