Hommage à nos membres pionniers: La petite fille du presbytère
- Mélanie Tremblay
- 10 sept.
- 6 min de lecture
Par Monique Langlois
Cette section se veut un hommage à Mme Jacqueline Dumas. Le texte est tiré de la biographie de Jacqueline Cayouette et Léonard Dumas, membres nos 20 et 143, intitulée « Ce n’est pas un roman, c’est notre histoire ».
C'était en septembre 1932 à Saint-Alphonse-de-Caplan en Gaspésie. À peine âgée de trois ans et demi, la petite Jacqueline allait entreprendre son premier voyage sur une distance d'une centaine de kilomètres. Laissant derrière elle ses parents et ses cinq frères et soeurs, elle allait suivre son oncle Alcidas Bourdages, curé de la paroisse de Port-Daniel, et sa tante Lyda, car ils avaient offert de garder la petite pour alléger la tâche de Rosalie, sa mère, qui était de santé fragile.
La vie au presbytère s'écoulait doucement auprès de la cuisinière et gouvernante de la maison qu'elle appelait affectueusement «tante Céline». Centre d'attraction pour les adultes du voisinage, Jacqueline se sentait aimée par tous ces grands qui l'entouraient et qui lui apprenaient des choses que peu d'enfants de son âge avaient l'occasion d'apprendre. Ce fut le cas des «petites questions» du catéchisme. Grâce à son apprentissage rapide, elle communia pour la première fois à quatre ans, en même temps que ses frères de cinq et six ans. Au cours de son séjour, elle apprit l'anglais et fut introduite au jeu de bridge.
À six ans, elle retourna vivre avec sa famille à St-Elzéar de Bonaventure et entra à l'école primaire pour son cours préparatoire. Jacqueline se rappelle la prière à genoux, le silence, les rangs bien droits pour entrer et sortir, la main levée pour poser des questions, l'obéissance absolue au son de la cloche ou du frappoir. Pendant ce temps, maman Rosalie donnait naissance à son huitième enfant, tous étant nés à 14 mois d'intervalle, ou presque.
C'est à l'âge de neuf ans, que le souvenir le plus douloureux se grava dans le coeur de la fillette. Comme tous les membres de la famille, Jacqueline entendit mourir sa mère, celle qu'elle n'avait pas encore eu le temps de bien connaître, car celle-ci n'avait que 38 ans. Encore aujourd'hui, le souvenir vivide de son père, assis près de la fenêtre,
s'abandonnant à son chagrin, lui cause toujours un déchirement. C'était la première fois qu'elle voyait pleurer son père. En ce matin du 9 avril, des prières lugubres, une corde à linge improvisée dans la cuisine où séchaient tous les vêtements colorés maintenant teints en noir pour annoncer que les enfants étaient dorénavant des orphelins, la maman reposant dans le salon dans sa tombe noire, des bannières noires et or tendues sur les murs, un crêpe noir accroché à la porte de la maison, quel déchirement pour des enfants en bas âge. Mais le plus dur moment, ce fut dans ce cimetière de campagne, alors que la tombe était descendue dans la terre encore gelée, au son des pleurs des parents et amis. Ce dernier regard resta pour toujours imprégné dans la mémoire de l'enfant.
Plusieurs enfants partirent de la maison paternelle, chacun commença une nouvelle existence, dans une autre maison, une nouvelle famille, d'autres horizons. Encore une fois, grâce aux coeurs généreux et aux bras accueillants de son oncle curé et de sa tante Lyda, la vie fut bonne à Port-Daniel pour Jacqueline. Durant cette période, elle eut l'occasion d'apprendre, entre autres, le piano et les arts ménagers. À son grand bonheur, l'oncle Alcidas se faisait un devoir de rassembler la famille pour une vacance au presbytère à chaque été.
À 11 ans, c'était la guerre et le début de sa pratique du bénévolat. Elle aidait les Dames Bénévoles de la Croix- Rouge à confectionner des tricots et profitait de l'occasion pour glisser dans les colis des «petits billets» d'encouragement aux soldats envoyés «au front».
L'adolescence la vit pensionnaire au Couvent du Sacré-Coeur à Rivière-du-Loup. Cette période fut pour Jacqueline l'apprentissage de l'ordre. Elle quitta le pensionnat avec un brevet Lettres-Sciences accordé avec une mention «Grande Distinction».
Mai 1945: « La guerre est finie! » était sur toutes les langues. Toutes les cloches carillonnaient! Jacqueline avait 17 ans et venait de terminer ses deux années en pédagogie à l'École Normale de Gaspé, au couvent des Ursulines. Stimulée par ses cours de théâtre, elle prit la direction de la petite troupe de comédiens durant l'été. À l'automne, sa carrière d'enseignante débuta.
Après quelques petites amourettes, c'est à 19 ans qu'elle rencontra son « beau Léonard », Gaspésien qui deviendra même plus tard homme d'affaires. Ils se marièrent 3 ans plus tard. « Qui prend mari, prend pays… », Jacqueline déménagea à Verdun. Ce fut la période de la naissance des quatre enfants, entrecoupée de contrats d'enseigne- ment. Cette profession deviendra pour Jacqueline sa deuxième nature pendant 4 ans. Après l'achat d'une première maison à Anjou, Jacqueline reprit l'enseignement à l'École Wilfrid-Pelletier pendant 14 autres années.
Nombreuses sont les occupations et les habiletés développées par Jacqueline sur le chemin qu'elle a parcouru : son intérêt pour l'histoire, la lecture, l'écriture, la cuisine, la décoration, la couture, les cours de vitrail, la poésie, l'entretien du jardin de fleurs, la conduite automobile à un âge avancé, pour ne nommer que quelques-unes. Nombreux, également, sont les organismes qui ont bénéficié de son bénévolat. Entre autres, Le Cercle social Marguerite d'Youville qui lui permit d'assister, à Rome, à la canonisation de Mère d'Youville. Au cours de ce voyage, elle eut le plaisir d'assister à une réception à l'ambassade du Canada au Vatican. Organisatrice de la Journée annuelle des Filles de Mai (amies du Cercle). Accompagnatrice au Centre Pierre-Triest (Hôpital St-Benoit). Membre des Foyers Franciscains. Membre des Foyers Notre-Dame. Membre de Couples et Familles.
C'est en 1983 que le couple Dumas-Cayouette s'installa à Saint-Sauveur. Jacqueline s'impliqua dans divers organismes, dont le Cercle des Fermières de Saint-Sauveur (animation d'ateliers de techniques de courtepointe) et La Maison de Prévost (animation d'ateliers d'écriture pour les gens qui désirent écrire leur vie). La même année, son intérêt pour l'histoire la fit se joindre à la Société d'histoire et de généalogie des Pays-d'en-Haut, organisme dont elle fait toujours partie. Membre No 20, Jacqueline eut l'occasion de s'impliquer au niveau du conseil d'administration et fut témoin de la progression de la Société. Au cours de son mandat, elle fut réviseure pour les chroniques du bulletin La Mémoire et participa à divers projets, dont celui des Fêtes du 150e anniversaire de Saint-Sauveur. Pour commémorer cet événement, elle eut l'occasion de mettre à profit ses talents de pédagogue en participant à l'élaboration d'une maquette représentant le village de Saint-Sauveur dans les années 1900, en étroite collaboration avec les élèves de l'école au niveau primaire (5e et 6e année). Jacqueline est toujours très active, car elle s'implique, au niveau de la comptabilité journalière pour la paroisse de Saint-Sauveur, plusieurs heures par semaine.
C'est également un 9 avril que Lyda, celle qu'elle appelait sa « tante-mère », quitta ce monde. Jacqueline lui attribue en grande partie la personnalité et les habiletés qu'elle a développées au cours de sa vie. Jacqueline est une optimiste, une femme de cœur, une femme de tête, une femme d'action. Elle est dynamique, autonome, audacieuse, déterminée et fonceuse. Ses valeurs sont des trésors à partager : « La distinction a toujours sa place » - « S'éveiller à tout ce qui est beau, ce qui est grand » - « Considérer que la famille, c'est notre force, notre fierté » - « Partager son expérience et ses connaissances avec générosité » - « Reconnaître que la vieillesse n'est qu'une mauvaise habitude que ne prennent pas les gens occupés » - « Ne jamais oublier l'importance d'un réseau de bons amis » - « Ne jamais cesser de vouloir apprendre ».
C'est le 9 avril 2016 qu'eut lieu la cérémonie de la remise de la médaille du Lieutenant-gouverneur, date fatidique dans la vie de Jacqueline, cette fois-ci date heureuse. Bravo Jacqueline pour cette médaille bien méritée!
Jacqueline et Léonard ont levé le voile sur une façon de vivre pleinement les moments magiques, tout en conciliant les contraintes quotidiennes avec une spiritualité nourrissante. De la Gaspésie aux Laurentides, ils ont su relever les défis avec honneur et distinction.
Comme me disait Jacqueline récemment, alors que je lui parlais de mon projet pour cet article, « C'est une belle adonnance de s'être rencontrés ». Après 65 ans de mariage, très chers Jackie et Léo, c'est à not'tour de vous chanter des mots d'amour. Merci pour ce beau témoignage.
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