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Dix étés passés au Lac-des-Becs-Scie

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 4 juin
  • 6 min de lecture

D’après les souvenirs de Monique (Sauriol) Begg


Nous habitions Montréal où mon père était marchand de meubles. Ma mère, Lucette Sauriol, souffrait de turberculose depuis trois ans. Espérant que l’air de la montagne l’aiderait à se rétablir, mon père, Hector Sauriol, fit construire une maison de campagne au Lac-des-Becs-Scie sur un terrain riverain qu’il avait acheté de Raoul Foisy, cultivateur de l’endroit. Dès les premiers mois qui suivirent notre arrivée, la santé de ma mère s’améliora.


La région du Lac-des-Becs-Scie était alors une forêt parsemée de chalets et de quelques fermes isolées. Parmi les villégiateurs, il y avait des artistes de la scène et de la radio : Olivette Thibault, Albert Duquesne et Marthe Thiéry, Mimi d’Estée et Henri Deyglun, Paul Gury et Yvette Brind’Amour, pour ne nommer que ceux-là. D’autres vinrent plus tard, de sorte que dans les années 40, une petite colonie artistique s’épanouissait au Lac-des-Becs-Scie. L’artiste Antoine Godeau, père de Marthe Thiéry, était le doyen du groupe et depuis 1904, passait l’été au lac avec son épouse. Rappelons que la vieille maison des Godeau devint, plus tard, la maison des Duquesne. Notre terrain était contigu avec le champ des vaches de monsieur Foisy. Longeant la rive vers l’est, il était aussi voisin du champ de Fernand et Berthe Cerceau. Les Cerceaux étaient alliés à notre famille. Avec tante Berthe, nous allions cueillir des bleuets à l’orée d’un bois de bouleaux pour ensuite en faire des tartes que nous mangions en famille et dont nous n’avons jamais oublié la délicate saveur.


Les hommes qui construisirent notre maison érigèrent d’abord une cabane qui leur servit d’abri temporaire. Un soir, à leur retour, ils se trouvèrent face à face avec un petit ours en train de dévorer leurs victuailles. L’ours s’enfuit en toute hâte, probablement plus apeuré qu’eux. Vers la fin de juin, nous nous installâmes dans notre maison qui sentait bon le bois tout neuf. Nous arrivions sept personnes : mes parents, mon frère Michel (7 ans), ma sœur Francine (3 ans), ma grand-mère maternelle, Graziella Tessier, et une bonne qui s’occupait du ménage.


Le jour de notre arrivée, les moustiquaires n’étaient pas encore en place; donc quand nous ouvrîmes les fenêtres à la tombée de la nuit, des chauves-souris envahirent la maison. Il y en avait peut-être plus d’une centaine. Pas de panique, on sait quoi faire… ! C’est avec des balais que nous avons refoulés cette invasion.


Dans notre maison, il y avait une salle de toilette intérieure, ce qui était considéré comme un grand luxe à la campagne à cette époque. Mais c’était là, le seul confort moderne de la maison. Nous n’avions ni électricité, ni chauffage central, ni téléphone.


Dans la cuisine, trônait un poêle à bois et une pompe pour faire monter à la main l’eau du puits. Les denrées périssables étaient conservées dans une glacière où l’on mettait un gros bloc de glace. Cette glace venait du lac; c’était un produit que monsieur Foisy vendait aux villégiateurs. Ses fils, Guy et Marcel, en faisaient la livraison. Pour nous éclairer, nous avions des lampes à l’huile et pour nous garder au chaud dans les nuits froides, nous pouvions compter sur de doux édredons et le foyer de la cheminée. Pour le repassage des vêtements et du linge de maison, nous avions des fers antiques de fonte qu’il fallait faire chauffer sur le poêle de la cuisine. Beaucoup plus tard, nous avons fait l’acquisition d’un générateur d’électricité.


Nous profitions d’une plage, œuvre de Guy et de Marcel. Avec une longue drague tirée par leurs chevaux, ils avaient nettoyé la vase qui s’était accumulée près de la rive. Débarrassé de ce dépôt de terre, le lit du lac était ferme et sablonneux. À côté de la maison et près du ruisseau qui traversait notre terrain, ma mère planta des fleurs qui attirèrent papillons et colibris. Le ruisseau, tout en gazouillant, servait de pouponnière aux poissons et aux grenouilles. Dans un des coins du terrain, on retrouvait même le carré pour le compost. Pour compléter ce tableau d’époque, souvent, nous pouvions apercevoir sur la rive un grand héron bleu qui pêchait dans le lac.


En juillet 1941, je célébrai mon dixième anniversaire avec un beau feu de joie ! Pour l’occasion, ma grand-mère me fit un gâteau aux framboises sauvages que nous avions cueillies dans les alentours du lac. Mes invités étaient les enfants de nos voisins : Serge et Micheline Deyglun, Monique Nicole et Claudine Duquesne et André Foisy. Ces enfants sont devenus des amis d’enfance avec qui Michel et moi avons passé dix étés de notre jeunesse. Francine étant la petite derrière, elle deviendra vite l’amie de Denise Foisy qui était un peu plus jeune que nous.

Nous nagions et jouions dans le lac avec nos amis et nous nous promenions dans les bois. À pied, nous explorions les alentours du Lac-des-Becs-Scie et du Lac-des-Chats; nous nous rendions au village en suivant le sentier qui menait au Lac Kanawana.

Nous ne faisions pas de ski nautique, ce sport n’avait pas encore été introduit au Lac-des-Becs-Scie. Mais le soir venu, nous profitions souvent de moments tranquilles où nous contemplions le ciel étoilé, en échangeant des confidences.

Au Lac-des-Becs-Scie, le présent et le passé se côtoyaient. Les gens de la ville avaient des automobiles alors que les cultivateurs avaient des buggys, des chariots et des tombereaux. Les jeunes citadins connaissaient les chansons d’Édith Piaf et du Hit Parade tandis que les jeunes Foisy faisaient tourner sur leur gramophone des disques de la Bolduc, une chanteuse de folklore très populaire dans les années ’30. En hiver, nous venions parfois faire du ski de randonnée au Lac-des-Becs-Scie. De Montréal à Saint-Sauveur en automobile, de là, nous nous rendions à notre maison en autoneige. Monsieur Foisy préparait la maison pour notre arrivée. Comme il n’avait pas de téléphone, mon père communiquait avec lui par l’entremise d’un villageois qui lui transmettait le message lorsqu’il allait au village pour s’approvisionner. André était très bon skieur et livrait le lait en skis. Il descendait la côte avec son panier à bouteilles, sans bâtons !


Michel, Francine et moi aimions beaucoup la famille Foisy. Nous étions toujours empressés de les aider à traire les vaches, faire les foins ou atteler leurs chevaux. Quand ma mère m’envoyait à la ferme pour acheter un poulet, c’est Madeleine, l’aînée des filles Foisy, qui tuait un des poulets qui picoraient dans la basse-cour. Après, je l’aidais à enlever les plumes. Même si on vient de la ville, on sait faire… on apprend.


Dans les années ’40, les Foisy eurent un petit magasin dans lequel ils vendaient des produits alimentaires et des boissons sans alcool. Ils eurent aussi un petit restaurant et une « salle de danse » où l’on dansait de tout : danses à quatre, gigues, valses, jitterbug. Vers 1945 et les étés suivants, je créai, au lac, avec l’aide de Monique Duquesne, un petit journal d’une ou deux feuilles intitulées : Le Recueil des heures perdues. Je rédigeais les articles, elle les illustrait et je faisais les copies avec du papier carbone. Notre journal relatait les événements locaux et reflétait nos opinions sur une foule de sujets. Les gens aimaient le lire pour savoir ce qu’on disait d’eux ! En juillet et août 1946, l’entrée du garage des Duquesne fut le site des premières messes dominicales célébrées au Lac-des-Becs-Scie. Mon frère servit la première messe. Comme il n’avait jamais été enfant de chœur, le prêtre lui chuchota les instructions, l’initiant ainsi aux rites de la cérémonie.


Au cours des trois étés suivants, la messe fut célébrée au camp Martin (chemin de la Baie du Lac), propriété de Paul Martin. Cela comprenait sa maison et quelques petits chalets. En 1950, l’ancien restaurant des Foisy devint le site des messes d’été au lac. En 1951, la chapelle fut construite sur un terrain donné par Raoul Foisy.


Je me rappelle qu’un jour, lors de la célébration de la messe au camp Martin, une tornade balaya le lac. De gros arbres furent déracinés, des canots partirent à la dérive. Le vent s’engouffra sous la toiture de la maison Martin, la souleva et la déposa plusieurs pieds plus loin. Les murs s’écroulèrent. Madame Martin et ses enfants furent ensevelis sous les débris.


Monsieur Martin fit reconstruire sa maison. En 1951, mon père vendit notre maison (celle des Sauriol) à monsieur Boissonneau, qui, plus tard, la revendit à un monsieur Dupuis. Cette maison n’existe plus aujourd’hui; un incendie la détruisit et elle fut remplacée.


En 1959, j’ai épousé Edwin Begg et depuis, je suis établie avec lui aux États-Unis. Nous habitons maintenant le New-Jersey. Pendant plusieurs années, j’ai gardé contact avec Monique (Duquesne) Brière. En 1976, je suis allée la rencontrer à New-York, je ne l’ai pas revue depuis. De la famille Sauriol du Lac-des-Becs-Scie, il ne reste plus que Francine et moi.


En septembre 2008, lors de ma dernière visite au Lac-des-Becs-Scie, je fis la connaissance de Marie-Christine Desmarest, chemin Albert Duquesne. Avec sa permission, je me suis approchée de la rive et j’ai pu constater que le lac était encore bien beau. Je crois que des mesures ont été prises pour lui conserver ses abords naturels et son cachet d’antan.


J’en étais bien aise. Cette courte visite m’a rappelé les bons souvenirs que je viens de vous livrer.


La photo ci-contre vient d’une carte postale, en noir et blanc, représentant le CAMP MARTIN au Lac-des-Becs-Scie à la fin des années ’40 ou début ’50. Nous n’avons pas pu trouver l’endroit précis de cette propriété sur le lac.


Tout renseignement serait très apprécié. www.becsscies.com


LM-111-13

 
 
 

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