Christieville
- Mélanie Tremblay
- il y a 5 jours
- 4 min de lecture
Souvenirs de mon enfance
Mgr Louis Forget

Terre inconnue
Quand je suis arrivé au Séminaire de Sainte-Thérèse, en septembre 1929, mes compagnons de classe m'ont demandé: À quelle place tu restes ? …à Christieville …. Hein ! À Christieville ! C’est où ça ? Ni vu, ni connu… Mais j’ai ajouté Christieville, c’est dans la paroisse de Saint-Sauveur, mes confrères ont commencé à comprendre.
Christieville n'est pas un vrai village avec un maire et un curé comme Sainte-Scholastique ou Sainte-Anne-des-Plaines, c’est une localité… un petit bourg… qui offre à sa population certaines utilités publiques: une gare, un bureau de poste, un magasin général, un moulin à scie, une boutique de forge des espaces de villégiature durant l'été.
Située en bonne partie dans le premier Rang du Canton Morin, cette localité relève depuis toujours de la Municipalité de Morin-Heights et, au point de vue religieux. depuis 1955. de la paroisse Saint-Eugène de Morin-Heights.
Les souvenirs que je vous livre se situent vers 1925.
Nom de Christieville
Officiellement. Christieville doit son nom au Dr Thomas Christie qui fut député du comté d'Argenteuil à deux reprises, de 1875 à 1880 et de 1891 à 1904. Toutefois. une croyance populaire s’est établie chez les anciens citoyens de cette localité à l’effet que Christieville s'appelait ainsi à cause de M. Ebenezer Christie, qui a tenu dès le début, le bureau de poste dans son magasin général. Ce magasin de M Christie était situé au bout du pont de Christieville, mais du côté opposé à celui du magasin que nous connaîtrons dans la suite et que j'ai connu dans la période que j'évoque. Quand j'avais dix ans on remarquait à ce bout du pont, une petite et vieille maison en ruines à l'endroit où se trouvait autrefois le magasin de M. Christie. C'est l'explication que me donnait mon père.
M. Christie était bien connu dans les alentours puisqu'il avait été maire de Morin-Heights à plusieurs reprises, notamment en 1893 et 1894 -- donc avant l'établissement de la gare de Christieville--puis en 1902, 1911, 1913 et 1917.
Gare de Christieville
La gare de Christieville était située à cent pieds environ de l’intersection du chemin du Lac.

Breton, appelé aujourd'hui Chemin de la Côte Saint-Gabriel ouest. Son emplacement se situe donc en plein milieu de la route 3641 qui, aujourd'hui, occupe l'emplacement du chemin de fer qui desservait la gare de Christieville.
La gare était située dans l'augmentation de la Seigneurie des Mille-Isles, dans la paroisse de Saint-Sauveur, dans le comté de Terrebonne. Mais le bureau de poste, lui, était logé dans le comté d'Argenteuil, à un demi-mille environ de la gare.
La gare de Christieville est disparue, il y a une bonne trentaine d'années (1964) deux ans après qu'on eût enlevé les rails du chemin de fer du C.N.R.
Elle existait depuis 1895. C'est, en effet, le 8 mars 1895 que la compagnie de chemin de fer de Colonisation de Montfort lançait son premier train sur un parcours de vingt milles, soit à partir de la Jonction Montfort (2) jusque tout près du village des Seize-Îles.
Au temps de mon enfance, en 1925, ce tronçon s'était allongé par les deux bouts, pour atteindre, au nord, Huberdeau en 1897, puis, Saint-Rémi-d'Amherst, situé à quatre-vingt-treize milles de la Métropole; au sud, pour atteindre Montréal en 1925, en passant par Shawbridge, Saint-Jérôme, Saint-Eustache, traversant le tunnel du Mont-Royal pour arriver à son terminus, la Gare Centrale, à Montréal.
La Gare de Christieville ressemblait à toutes les gares de chemin de fer: solide bâtisse à pignon, peinturée rouge sombre, munie d'un large chapeau de galerie s'avançant au-dessus de la plate-forme pour la protection des voyageurs contre les intempéries. Elle comptait deux pièces, la salle des voyageurs et la salle des bagages. La salle des voyageurs, pièce carrée, entourée de banquettes, avec la grosse «tortue» au centre (la fournaise à charbon); pas d'abreuvoir, pas de toilettes à l'intérieur! Dans la salle des bagages, munie de grandes portes, on trouve le carré de charbon et le baril de kérosène, renouvelés à chaque automne, une chaudière à charbon, un grattoir, une pelle à neige, un gros balai et un chariot aménagé en plate-forme à hauteur des wagons pour charger ou recevoir les marchandises. Pas de bureau, pas de logement. Bref, une gare d'arrêt, une gare d'appoint.
1 La route 364 porte aussi le nom de boulevard Jean-Adam.
2 On appelait Jonction Montfort l'endroit où le tronçon Montfort faisait son raccordement avec le C.P.R.
Cet endroit était situé à environ un mille au sud de la gare de Piedmont.

Gardien de gare à temps partiel
Le préposé ne portait pas le nom d’agent de gare, mais de gardien de gare.
Il ne vendait pas de billets, n'utilisait pas de télégraphe. Dans mon enfance, le gardien de gare était M. Josaphat Maillé, le père de Thérèse Simard. Sa demeure était voisine de la gare.
Son travail consistait à ouvrir la gare à l'heure des trains, à entretenir et allumer le soir les gros fanaux triangulaires. Évidemment vitrés et munis d'une cheminée d'aération. Il devait tenir propre la salle des voyageurs, déblayer la plate-forme au moment des tempêtes, se tenir disponible pour livrer les marchandises à ceux qui recevaient des marchandises par train.
Les marchandises livrées par train et entreposées avant la réclamation étaient sous sa responsabilité.
Dans cet entrepôt, on trouvait des moulins à laver, des matelas, des moteurs, différentes pièces de machineries agricoles, des éviers, des bains. Etc. En plus des wagons réguliers, on relayait à l'occasion sur la voie d'évitement un wagon spécial à part pour une courte durée. Entre autres, c’était le cas au printemps, pour le char de graines, de semence, les engrais chimiques et des chargements de grain.
Au moment de sa mort survenue en 1945, M. Maillé recevait la grosse somme de 10$ par mois!

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