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Zénon Alary, sculpteur


Un extrait du texte de Michelle Josse, paru dans les Cahiers d’histoire des Pays-d’en-Haut (ancien nom de la revue La Mémoire) no 18, juin 1983.


Les photos de cet article proviennent d'un article rédigé par M. Robert Lafontaine dans le numéro d'été 2015 du Magazine'Art.

Vous pouvez consulter cet article en cliquant sur le lien qui suit.


Le solitaire


Homme de silence, farouche, noble, fier, pauvre, vêtu de la pire des façons, mais libre. Détaché des convenances, économe, mais nullement attaché à l’argent. Individualiste, honnête, au point de reconnaître ses propres erreurs. Tel est le portrait d’un homme qui fut, modestement, l’un des grands du Québec, Zénon Alary.


Sculpteur-animalier, il n’a pas inventé la sculpture su bois, mais il a inventé son art. Rien, en effet, ne le destinait à la carrière de sculpteur. Dès sa tendre jeunesse, il aimait dessiner, sans jamais avoir entendu parler du dessin ou des arts. Mais, dans sa famille, crayonner n’était pas travailler et, dès l’âge de seize ans, il dut s’atteler à divers métiers qui, pour beaucoup, n’avaient rien d’artistique mais dans lesquels Alary, avec son âme de poète, sut puiser les bases de sa future inspiration. D’où sortent les nombreux animaux, si bien campés, si ce n’est des bois dans lesquels il a travaillé durant quatorze ans à faire la drave », comme il le disait lui-même. C’est tout bonnement un de ces hivers, en Ontario, que l’idée germa en observant un de ses compagnons de travail, polonais, qui sculptait une figure dans un banal morceau de bois.


Lent et posé, l’idée mûrit longtemps. Mais quand il eut quelques loisirs, il s’empressa de tenter l’expérience. Il prit un bout de bois et avec un couteau de poche pour seul outil, il sculpta une figure. Modeste, il la trouva laide, mais s’aperçut qu’il était capable de donner vie à un vulgaire morceau de bois et cela l’encouragea. Il se mis à parcourir les articles de journaux et les revues qui parlaient d’artisanat. Il écoutait les conseils de ceux qui s’intéressaient à son travail-amateur, disait à cette époque, lui qui était journalier dans une compagnie de chemin de fer. Un de ses souhaits les plus chers : rencontrer Médard Bourgault et Elzéar Soucy.


À Montréal, vers les années 1930, il trouve un emploi dans une manufacture, puis dans quelques chantiers de construction. Ce qui lui permet de s’inscrire au cours de modelage du Monument National. Ses professeurs, Elzéar Soucy - un de ses rêves est réalisé - et Alfred Laliberté. Deux mois de cours, mais ces quelques mois valent bien des années passées à l’école pour d’autres. Il n’a jamais oublié les conseils qu’on lui avait prodigués.

Avec des outils de fortune, il sculpte un coq. Un ami lui assure alors qu’il possède un réel talent et le fait engager comme tailleur de pierre. Il éprouva beaucoup de joie à travailler à des édifices comme la Sun Life ou l’église Sainte-Philomène de Rosemont. « J’étais pas méchant là-dedans » affirma-t-il.



« Quand vous passerez devant l’église, vous remarquerez les gros anges au-dessus du portique. Il y a de mon travail là-dedans, et j’en ai éprouvé une grande satisfaction ». Car, la sculpture était maintenant devenue son « travail ». Il ne fallait pas s’y méprendre, c’était sa joie, son pain quotidien – le vrai lui fit souvent défaut, car les « mauvaises années » étaient venues – mais il ne prenait jamais de raccourci facile. Il recherchait toujours la précision, l’exactitude des gestes, des mouvements, des traits, et, sans se laisser, il retouchait un détail jusqu’à ce qu’il soit sûr de la perfection. C’était vraiment un travail. Le temps était à son service et non lui au service du temps. Il ne cherchait jamais à voir immédiatement le résultat. Il travaillait avec lenteur, sérénité. Donnant le meilleur de lui-même, il était habité par un secret désir de dépassement. Ce qui ne l’empêchait nullement de demeurer très critique envers ses œuvres. Malgré des années de misère, et même de dénuement total, il s’est toujours refusé à vendre n’importe quoi. Lorsqu’on lui demandait de fabriquer des petits souvenirs faciles à exécuter, il rétorquait : « Faudrait que je mette mon nom là-dessus ». Non, il n’était pas né pour les souvenirs à dix cents, mais pour des œuvres d’art. Il admirait trop la nature et elle le lui a bien rendu pour la trahir en la déformant. Et qu’importe le temps à un homme qui s’arrête pour regarder des fourmis déménager?


Le grand public


Toujours équipé d’un couteau de poche et d’une douzaine d’outils dont quelques-uns fabriqués avec de vieilles limes, les œuvres s’améliorent et Zénon Alary commence à faire son chemin dans la vie comme sculpteur-animalier. Il vend quelques œuvres. Entre autres au Sénateur Jules-Édouard Prévost de Saint-Jérôme. Puis, c’est l’exposition de la Foire Jeanne-Mance où, pour la première fois, il peut prendre contact avec le grand public. Il s’assure quelques clients qui ne lui font plus défauts. Paul Gouin lui confie d’importantes commandes. Enfin, c’est la consécration, grâce à M. Valmore Gratton de l’officie d’Initiative économique; on lui demande d’exposer ses œuvres à l’île Sainte-Hélène. C’est en 1940. Ses œuvres se vendent bien. Il voisine avec les frères Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli son deuxième rêve se réalise enfin. C’est un homme patient, il a su attendre. À propos de sa patience, un de ses proches, Madame Simone Constantineau remarque en souriant; « Il possédait une sagesse tellement patiente qu’elle impatientait parfois ». Son ambition se réalise : s’il ne vit pas d’une façon prospère, il vit d’une façon honorable grâce à son travail.

Homme de nature, de forêt et de grands espaces, solitaire sans solitude – son art l’accapare- il recherche l’isolement et le trouve à Mont-Rolland où il plante ses racines. Avec son chien, il parcourt les bois, inlassablement, et chaque jour il découvre une forme, un mouvement, un être; il y puise son inspiration. D’ailleurs, ne vivait-il pas avec la nature, se couchant quand il commençait à faire noir et se levant à l’aube ? Il vivait avec les saisons.


Musée Zénon Alary

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