Sainte-Adèle que j’aime
- Admin
- 2 juin
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Le chroniqueur, conférencier et ex-maire, Pierre Grignon nous livre le deuxième volet de ses réflexions sur l’histoire et la vie de son village. Il nous dit aussi pourquoi Sainte-Adèle à le statut de ville.
« Nous avons des souvenirs qui nous ramènent, pour certains, à notre petite enfance. Ainsi, je me rappelle les propos ».

Contrairement à Saint-Sauveur, la naissance de Sainte-Adèle n’est pas de type seigneurial. Au nord de l’augmentation de la seigneurie des Mille-Isles, donc juste au nord de Saint-Sauveur, ce sont les townships du «nouveau» régime britannique. Ces cantons allaient se dessiner par les paroisses, qui allaient se faire et se défaire au gré de bien des vents. Ceux qui ont déchiré leur chemise sur la place publique, il y a quelques années, au nom de la démocratie bafouée et du caractère intouchable de leurs villes, seront surpris, très surpris, d’apprendre que la création des entités municipales, et leurs multiples transformations, ont rarement, sinon jamais, été précédées de consultations publiques.
Sainte-Adèle, dont la forme actuelle date de 1997, a fait preuve, pendant un siècle et demi, d’une élasticité peu commune. On a vu que Sainte-Agathe est née d’une portion du territoire de Sainte-Adèle. En 1862 Val-David, issu de la partie nord de la paroisse de Sainte-Adèle, se fusionne à la nouvelle municipalité de paroisse de Sainte-Agathe.
En 1918, rien de moins qu’un coup d’État a amputé Sainte-Adèle de près du quart de son territoire, pour donner naissance à un village de compagnie sous le nom de Mont-Rolland. Retenons pour l’instant l’année de ce démembrement. Nous y reviendrons.
L’année 1922 verra deux autres changements importants, quoique plus civilisés que celui de 1918. C’est en 1922 que Val-Morin obtiendra son statut de municipalité de paroisse en se détachant de Sainte- Adèle. Cette même année, nous assistons à la création du Village de Sainte-Adèle, distinct de la Paroisse dans laquelle il est enclavé. Le cas n’était pas isolé. Ces villages, créés à même les paroisses existantes, étaient beaucoup plus petits que ces dernières, à vocation agricole ou forestière. Le village devait plutôt assurer certains services de première nécessité sur le plan communautaire et représentait une forme de périmètre d’urbanisme avant la lettre : trottoirs de bois, réverbères à l’huile, aqueducs élémentaires et quelques services embryonnaires.
En 1948, une autre tentative de démembrement : Dick Thomson, riche propriétaire du Chantecler, demande à Québec de créer « The Village of Chantecler », municipalité anglophone distincte du Village, et de la Paroisse, de Sainte-Adèle. Claude-Henri Grignon gagnera cette bataille à titre de maire du Village, préservant ainsi le cachet unique et l’identité de cette partie magnifique de Sainte-Adèle. Qui se trouvait d’ailleurs sur les terres ancestrales des Longpré, famille de Hermine, deuxième épouse du docteur Wilfrid Grignon.
Toujours dans l’optique de mieux comprendre d’où vient notre Sainte-Adèle, on doit souligner la
création de la ville de Mont-Gabriel. Une ville de neuf habitants, votant tous pour Maurice Duplessis, comme le non moins riche propriétaire Herbert J. O’Connell. L’intérêt de cette aberration tient au fait que Ville de Mont-Gabriel sera annexée à Mont-Rolland qui, à son tour, et par choix, reviendra dans Sainte-Adèle en 1997.
Le ministre des Affaires municipales Jacques Léonard avait jugé que Mont-Rolland devait profiter de cette richesse foncière, alors que Ville de Mont-Gabriel, également voisine immédiate à la fois de Sainte-Adèle, de Saint-Sauveur et de Piedmont, avait exprimé sa préférence pour ces trois autres voisins à caractère plutôt récréo-touristique.
La fusion du Village et de la Paroisse de Sainte-Adèle pourrait être qualifiée d’avant-gardiste. Les deux Sainte-Adèle ont formé une seule ville dès 1964. Le maire de la nouvelle ville, Lionel Patry, fait figure de précurseur dans cette première mouvance des fusions municipales significatives. La construction de l’autoroute des Laurentides fractionnait les terres agricoles de la Paroisse, brisant ainsi une vie rurale et champêtre plus que centenaire, distincte de celle du petit Village d’un mille carré. La villégiature remplaçait l’agriculture, associée souvent à tort aux «terres de roches» de notre mythologie régionale. Le savoureux Thodore Bouchonneau aurait dit : «Pas d’avancement, pas de progrès; pas de progrès, pas d’avancement !» Lui aussi fait partie de notre mythologie, nationale celle-là. La séparation administrative du Village et de la Paroisse n’avait plus sa raison d’être.
La dénomination de «Ville de Sainte-Adèle» tient au choix des élus de l’époque de relever de la Loi des cités et villes plutôt que du vieux Code municipal. Ils avaient tout à fait raison, le cadre administratif de la Loi des cités et villes offrant à la nouvelle entité de nets avantages sur celui du Code municipal, plus proche de la gestion élémentaire des communautés rurales dites «des régions». Le nombre de citoyens ne joue pas dans la décision des élus. Mont-Gabriel était une ville avec ses neuf habitants, Ville de l’Estérel n’en comptait que quelques dizaines à sa création à même la plus belle partie de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson.
Vers un village de compagnie
Sainte-Adèle existait depuis plus d’un demi-siècle lorsque Jean Rolland y arriva, le jeudi 13 juin 1902. Son père, Jean-Baptiste, lui avait donné comme mission de surveiller les travaux de la nouvelle usine, sur l’emplacement merveilleux des Moulins du Nord, sur la rivière du même nom. Les Rolland formaient déjà une famille puissante et proche de l’autorité religieuse, qui décidait de la création des paroisses, donc des villages de paroisses. Le monde de la librairie, celui de l’édition de livres scolaires et religieux, puis celui de l’imprimerie, les ont portés de succès en succès. Stanislas-Jean-Baptiste Rolland fut même propriétaire du puissant journal la Minerve. Présidence de la Société Saint-Jean-Baptiste, échevinage à Montréal, titre de sénateur viennent confirmer le statut de cette grande famille industrielle.
Le papier représentait une composante de premier plan de leurs activités d’édition et d’impression. L’usine de papier de Saint-Jérôme existait depuis 1882. En les amenant à s’y établir, Antoine Labelle avait réussi un coup de maître. Son chemin de fer des Cantons du Nord portait ses premiers fruits.
À Saint-Jérôme, la Rolland fait de l’excellent papier, gagnant même le Grand Prix de l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Une médaille d’or avait précédé ces grands honneurs en 1889.
Quelques dates importantes : le train entre en gare à Sainte-Adèle en 1891, quelques mois après la mort du curé Labelle. Les citoyens de Sainte-Adèle ont consenti de gros sacrifices financiers, guidés en cela par leur maire, le docteur Wilfrid Grignon. C’est ce même docteur Grignon qui sera maire de Sainte-Adèle quand, dix ans plus tard, les Rolland répondront à sa pressante invitation et viendront constater le pouvoir hydraulique exceptionnel de Sainte-Adèle.
Dans son rapport de recherche de 1994, candidement intitulé Mont-Rolland un village de compagnie, Diane Paquin remonte le temps dans les archives des Rolland. Elle cite le président de la banque d’Hochelaga, qui accompagnait S.J.B. Rolland à Sainte-Adèle. Devant la ressource hydraulique remarquable de la rivière du Nord à cet endroit, le banquier recommande de garder cette affaire en famille, plutôt que d’émettre des actions au nom de la nouvelle compagnie.
Et, comme nous le verrons dans le troisième volet, ce sera très bien gardé… en famille.

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