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L’utilisation de la force motrice de la rivière du Nord.

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  • 18 juin
  • 7 min de lecture

Patrimoine technologique des Laurentides, Pierre Dumas, ing. M.Sc.A., membre # 48


L'industrie s’est développée dans les Laurentides parce qu’on y a trouvé la conjonction de deux grandes ressources : le bois et la force motrice fournie par les rivières.

L’histoire du développement le long de la rivière du Nord en est le parfait exemple. Cette rivière prend sa source en amont du lac de la Montagne Noire, coule vers le sud jusqu’à Saint-Jérôme, puis vers l’ouest jusqu’à Lachute et encore vers le sud jusqu’à la rivière des Outaouais, à la tête du lac des Deux-Montagnes, en aval de la centrale de Carillon. La rivière chute de 435 m le long de son parcours de 137 km entre le lac de la Montagne Noire et la rivière des Outaouais.


Son bassin versant de 2 214 km² est entre autres alimenté par plusieurs sous-bassins importants, dont le Ruisseau Noir et les rivières Doncaster, aux Mulets et à Simon, en amont de Saint-Jérôme.


Tableau 1 : Superficies des bassinsversants (km²)
Tableau 1 : Superficies des bassinsversants (km²)

La force motrice au début du XXe siècle

En référence aux numéros en noir sur la carte de la page précédente, la force motrice qui était aménagée le long de la rivière du Nord dans les années 1910 comprenait :

Tableau 2 : Force motrice aménagée dans les années 1910
Tableau 2 : Force motrice aménagée dans les années 1910

Notes


2 la centrale Sainte-Agathe avait été construite par la Laurentian Water & Power en 1898 et achetée par la ville en 1910 ; de nouveaux groupes ont été installés en 1916 pour porter la puissance à 150 kW ; appartient à la Western Québec Power en 1924 ; revendue à la ville par Hydro-Québec en 1968 ;


6 la centrale Saint-Jérôme a été construite en 1913 par la ville, elle est vendue à la Ottawa-Montréal Power en 1924 ; on peut en voir les vestiges en contre-bas de la tour de télécommunication au nord du parc des Chutes Wilson ;


7 la pulperie Wilson fabriquait de la pâte à papier par procédé mécanique ; elle avait été construite par MM Delisle et achetée par Wilson en 1893 ; elle a fonctionné jusqu’en 1958 ;


8 sur le profil en long de 1918, on mentionne que le moulin Deschambault a été détruit par le feu ;


17 l’usine Rolland tournait en 1882 et fabriquait du papier fin avec les chiffons que lui apportait le chemin de fer ;


19 usine exploitée depuis avril 1881 ; dès 1896, la pleine puissance hydraulique est développée,


Outre ces industries développées le long du cours principal de la rivière, on note aussi, ailleurs, dans le bassin

versant :


  • un moulin sur la rivière Masson ;

  • 3 moulins le long de la rivière aux Mulets ;

  • 4 moulins sur la rivière à Simon ;

  • la petite centrale Saint-Canut sur la rivière Cambria (ruisseau Bonniebrook) ;

  • 2 moulins sur le ruisseau Davis, en amont de Lachute ;

  • 6 moulins dans le bassin de la rivière de l’Ouest.


La Compagnie hydraulique de la rivière du Nord

 


Au début du XXe siècle, James Crocket Wilson, Jean- Baptiste Rolland et Thomas Henry Ayers sont des géants de l’industrie. Chacun a équipé la force hydrau- lique de la rivière à deux sites différents, pour un grand total de 5 885 hp :

Tableau 3 :

Force hydraulique aménagée par les trois grandes industries



Or le régime hydraulique de la rivière est sujet à des aléas climatiques et la situation s’est aggravée suite au déboisement des terres pour les fins de l’agriculture et de la foresterie. Les industries éprouvent de plus en plus de difficultés lors des étiages d’été et surtout d’hiver.

Comme le gouvernement provincial n’a pas les moyens juridiques et administratifs pour régler le problème, nos trois industriels fondent le 25 avril 1908 la Compagnie hydraulique de la rivière du Nord qui peut, selon la Loi qui la constitue :


  • acheter ou mettre en opération des pouvoirs hydrauliques sur la Rivière-du-Nord et ses tributaires, depuis sa tête jusqu’à Shawbridge ;

  • construire des barrages pour régulariser le débit,

  • « suivant les nécessités et réquisitions des pouvoirs hydrauliques ou autres installés et développés sur le parcours de la rivière » ;

  • charger aux propriétaires d’industries sur le parcours de la rivière, pour les bénéfices et avantages qui résultent de la régularisation, des droits suivant le taux fixé et déterminé par le lieutenant-gouverneur en conseil ;

  • flotter le bois en amont de Shawbridge.


La compagnie a un capital-action initial de 50 000 $ et est formée des actionnaires suivants :


  • L’honorable Damien Rolland,

  • Stanislas-Jean-Baptiste Rolland,

  • Octavien Rolland,

  • F.-Howard Wilson,

  • Thomas-H. Ayers.


Très rapidement, la compagnie complète les études et construit les réservoirs des lacs Bédini, Long et Masson, pour une capacité d’emmagasinement totale de 24 millions de m³ :

 

Tableau 4 :

Les trois premiers réservoirs construits


nom

volume utile

(millions m³)

marnage

(pi)

remplissage

(heures)

Bédini

6,5

7

6700

Long

4,1

5

1469

Masson

13,4

10

6000


Tous les autres propriétaires de forces hydrauliques sur la Rivière du Nord bénéficiaient du surplus d’eau fournie par cette réserve. Ils n’ont toutefois jamais participé au coût de l’entretien et de l’opération de ces ouvrages, assumés par la Compagnie.


Augmentation de la force motrice dans les années 1920

La puissance équipée sur la rivière du Nord a substantiellement été augmentée dans les années 1920. En référence aux éléments en rouge sur la carte :


  • Centrale Sainte-Adèle (24) : Cette centrale, sur la rivière Doncaster, avait été construite en 1923 par la Laurentian Hydro-Electric Ltd et acquise en 1928 par la Gatineau Power. Trois turbines généraient 1 600 kW sous une chute moyenne de 186 pieds ;

  • Usine Rolland de Mont-Rolland (5) : Deux turbines hydroélectriques ont été installées en 1922 et 2 en 1927, pour une puissance installée totale de 715 kW ;

  • Centrale des Chutes Wilson (25) : Cette centrale a été construite en 1924 par J.C. Wilson Ltd, vendue à la Ottawa-Montreal Power en 1925 et acquise par la Gatineau Power en 1928. Deux turbines généraient 840 kW sous 75 pieds de tête ;

  • Dominion Rubber (9) : En 1928, un nouveau barrage permet de porter la hauteur de chute à 28 pieds et d’équiper 500 hp de force motrice plus une turbine de 312 kVA ;

  • Centrale Ayers (21) : En 1929, un nouveau barrage a été construit plus en aval et sa retenue noie l’ancien site. La hauteur de chute normale est portée à 40 pieds et trois turbines sont installées, pour un total de 3 240 kW.


La Commission des Eaux courantes


La Commission des Eaux courantes a été créée en 1910 afin d’étudier le débit des rivières et de les régulariser, au profit et aux frais des usines qui profitaient de cette régularisation.


En vertu de la Loi 14, George V, Chapitre 12, la Commission a été autorisée à entreprendre la régularisation de la rivière du Nord, par la construction de réservoirs ou l’achat de réservoirs existants. Elle est ainsi devenue propriétaire le 1er janvier 1927 des réservoirs Bédini, Long et Masson, au prix de 24,048 $ et elle a commencé à les opérer.

Elle a aussi immédiatement commencé à percevoir des redevances des industries, basées sur la hauteur de chute utilisée ; les redevances annuelles couvraient 10% du capital dépensé, plus les frais d’entretien et de réparation.


Tableau 5 :

Base des redevances perçues en 1927

 

Renforcement de la régularisation


Les barrages de bois des trois premiers réservoirs se sont détériorés. Ils ont été reconstruits :

  • au lac Masson, d’octobre 1938 à février 1939, à 50 pieds en aval du barrage précédent,

  • au lac Long, à l’automne de 1941,

  • au lac Bédini, en octobre-novembre 1942.


Durant l’été de 1941, les débits de la rivière du Nord ont été les plus bas observés depuis très longtemps. Cette disette a réduit considérablement la production des usines établies sur la rivière, lesquelles remplissent des contrats de guerre.


Les usiniers demandent à la Commission des Eaux courantes d’examiner la possibilité d’établir d’autres réservoirs, dans le but d’augmenter les débits minima et d’amener, par la suite, les usines à leur marche normale.


La Commission a examiné plusieurs lacs et, en vertu de l’arrêté ministériel du 4 octobre 1943, elle a été autorisée à entreprendre la construction de 6 réservoirs additionnels, d’une capacité totale de 19,1 millions de m3.


Tableau 6 :

Nouveaux réservoirs construits en 1943


Notes :


Papineau : un barrage de bois avait été construit en 1933 et entretenu par le Laurentian Club. On aménage une réserve de cinq pieds au-dessus des basses eaux.


Brûlé et Cornu : la réserve est obtenue en construisant un ouvrage de contrôle et en creusant la sortie pour abaisser le niveau minimum.


Manitou : contrôlé depuis 1928 par un barrage en béton de la Lake Manitou Improvement Co. Barrage reconstruit et travaux de creusage à la sortie.


Des Sables : en 1930, la ville a un barrage de béton qui retient l’eau sur 4 pieds. Le volume additionnel est obtenu en abaissant le seuil de la vanne de contrôle et en excavant la sortie.


Théodore : il existait depuis longtemps un barrage à la sortie du lac, reconstruit à plusieurs reprises et restauré par la succession Dodd au printemps de 1941. Le nouveau barrage a été construit immédiatement en aval de l’ancien. Sa retenue englobe les lacs Sainte-Marie et Saint-Joseph.


La situation actuelle

La centrale Sainte-Adèle a été désaffectée en 1974, les ouvrages ont été enlevés et les terrains constituent maintenant le Parc de la rivière Doncaster. Même chose au parc des Chutes Wilson. Les usines Rolland et l’usine Wilson de Lachute appartiennent au Groupe Cascades et la force hydraulique n’y est plus utilisée.

Des petites centrales privées sont exploitées aux deux sites de Ayers, à Lachute, et à l’ancien barrage de la Dominion Rubber, devenue Uniroyal puis Woodbridge Inoac, à Saint-Jérôme. À tous les autres sites de force motrice, il ne reste que des vestiges.

Quant aux retenues, elles ont toutes maintenant une utilisation récréative et de villégiature et l’amplitude du marnage y est moindre qu’autrefois ; le lac Bédini sert aussi de réserve-incendie et le lac Brûlé sert aussi à la régularisation.

Références :

 

ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC. Loi constituant la compagnie hydraulique de la rivière du Nord, Chap. 115, 8 Eb VII, sanctionnée le 25 avril 1908.


ASSOCIATION QUÉBÉCOISE POUR LE PATRIMOINE

INDUSTRIEL (AQPI), Les procédés de fabrication à la pulperie des chutes Wilson, 1881-1958, Bulletin, Vo- lume 3, no 2.


BLANCHARD, Raoul, Le centre du Canada français, Mon- tréal, Librairie Beauchemin, 1940 (édité en 1947).


CANADA, Water Resources Inventory of Canada: Power Rivers of Québec, Dominion Water Power Branch, Department of the Interior, circa 1923.


CANADA-QUÉBEC, Tableau des forces hydrauliques de la province de Québec, préparé en collaboration par le Service des forces hydrauliques (Ottawa), de la Com- mission des Eaux Courantes (Québec) et le Service Hydraulique (Terres et Forêts), Québec, 1928.


COMMISSION DES EAUX COURANTES (CEC), Rivière du

Nord. Profil en long et points de repère, rivière Ottawa jusqu’au lac Nantel, décembre 1918.


COMMISSION DES EAUX COURANTES (CEC), Rapports

annuels, 1912 à 1952.


DALES, John H., Hydroelectric and Industrial Development, Québec 1898-1940, Howard University Press, USA, 1957.


DENIS, Léo G., Electric Generation and Distribution in Canada, Commission of Conservation, Canada, 1918.


DENIS, Léo G. et Arthur V. White, Les forces hydrau- liques du Canada, Commission de la Conservation, Canada, 1911.


DUMAS, Pierre, Impacts et utilisation humaine des aménagements hydroélectriques québécois, pour Hydro-Québec, Direction Environnement, août 1981, 12 volumes.


DUMAS, Pierre, Analyse et évaluation du patrimoine in- dustriel des aménagements hydroélectriques, pre- mière approximation, Québec, Ministère des Af- faires culturelles, 88 pages, août 1983.


HYDRO-QUÉBEC, Répertoire des barrages, Hydro- Québec, par Clément Forest, Direction générale Génie, 5e édition, 27 février 1976.


MINISTÈRE DES RICHESSES NATURELLESSuperfi-

cies des bassins versants du Québec, deuxième partie : Versant nord du Saint-Laurent, de la rivière des Outaouais au Saguenay, Québec, 1969.


ROGER, AlexanderCentral Electric Stations in Canada, Part II-Directory, (May 1, 1928), Department of the Interior, Canada, Water Resources paper no 55, 1929.


LM-121-18

 



 
 
 

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