J’ai laissé Lucille Guindon me raconter ce qu’elle savait de sa famille et de son village, Sainte-Anne-des-Lacs
- Admin
- 4 juin
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Propos recueillis par Jacqueline Dumas
Cette femme-là, je la connais depuis plus de vingt ans, je savais qu’elle pourrait me parler de son village natal.
J’t’écoute ma bonne Lucille…
Au temps où les premiers défricheurs de terre sont arrivés dans ce coin de pays, mon ancêtre Théophile Guindon, ainsi que plusieurs autres portant le même nom, baptisèrent le « lac Guindon ». Tu sais, c’est le premier beau lac à gauche, quand on descend la grande côte.
Oui, je vois, même si je ne connais pas très bien les lieux. Mais parle-moi de ta famille.

Mon grand-père avait acheté, avec ses frères, presque toutes les terres autour de ce lac; s’il avait fait le choix de les garder plus longtemps, il serait peut-être devenu « riche » qui sait ? Mais ce n’est pas arrivé comme ça. Je sais que mon grand-père s’appelait Théophile Guindon et sa femme Honorine Paquette. Ils s’étaient mariés à Saint-Sauveur. Je me rappelle du nom de leurs enfants : Théophile (fils) Paul, Honorine, Samuel, Albert mon père, Laura, Éva, Phalène, Rosa et Germaine.
Paraît qu’ils sont tous nés à Sainte-Anne-des-Lacs et baptisés à la paroisse de Saint-Sauveur dont nous faisions partie à cette époque.
Et ton père a-t-il vécu au même endroit ?
Albert Guindon, mon père, a épousé Anita Lessard, la fille d’Oscar Lessard et de Valentine Lafrance (mariés le 7 septembre 1903). Oscar (d.c.d. le 20 décembre 1945) était le fils d’Albert Lessard et de Caroline Proulx. Mes parents ont eu cinq enfants : Jeanne, Denise, Jacques, moi, Lucille et André. Nous avons habité la maison construite par mon père; il en construisait aussi pour d’autres personnes. Aujourd’hui, on appellerait ça un charpentier-menuisier. Ma mère, elle, savait tout faire dans la maison.

Ah ! J’oubliais de te dire que mon père a été conseiller municipal pendant 13 ans; je crois qu’il avait été élu à la fondation de la municipalité, en même temps que le maire Hurtubise, en 1946.
Au temps de ton enfance, l’école était-elle éloignée de ta maison ?
Non, j’allais à l’école du village à Sainte-Anne-des-Lacs où il y avait des religieuses : les Oblates Franciscaines de Saint-Joseph. Mais les Sœurs habitaient en face dans la maison des Foisy. Donc, c’est pour ça qu’on n’appelait pas ça le couvent; on disait la p’tite école. Je me rappelle deux institutrices : Lucille Fournier et Lucille Trottier. Elles étaient très appréciées de tout le monde. Ma mère m’a toujours dit qu’elle m’avait prénommée Lucille en leur honneur.
Les passe-temps, aujourd’hui, on dirait les loisirs, se vivaient comment quand tu étais jeune ?
Tu sais, à la campagne, fallait se contenter de ce qui existait aux environs; on n’avait pas la possibilité de se déplacer facilement. On jouait plus dehors que les enfants d’aujourd’hui. L’été, c'était le lac qui accaparait nos énergies et l’hiver, les glissades, le patin, les jeux de neige. Comme il n’y avait pas de télévision ou « de jeux vidéo », nos parents ne nous enduraient pas à flâner dans la maison, surtout s’il faisait beau. Mais moi, j’avais un passe-temps spécial : je prenais des cours de piano, une fois par semaine, le samedi matin avec Sœur Sainte-Marguerite. Je me trouvais bien privilégiée que mon père puisse me payer ça. Il déboursait 1.00 $ par mois !

Est-ce qu’il t’arrivait parfois de prendre le train, vu que le P’tit train du nord ne passait pas trop loin ?
De ce que je me rappelle, une fois par année, on descendait à Saint-Jérôme. Mais on revenait toujours en taxi. C’était la visite annuelle chez le dentiste, toujours vers la fin de l’été. Ma mère disait qu’elle ne voulait pas avoir de « problèmes » avec ça, une fois l’école commencée ou l’hiver arrivé. L’autre sortie que l’on faisait obligatoirement, c'était de se rendre à la paroisse de Saint-Sauveur, pour faire « nos Pâques ». Dans ce temps-là, on faisait partie de cette paroisse-là.
Vers quel âge as-tu commencé à travailler à l’extérieur ?
Je crois que j’avais 17 ou 18 ans quand j’ai commencé chez Regent Knitting à Saint-Jérôme, puis après, à la Dominion Rubber. Je pensionnais chez les Sœurs du Bon-Conseil sur le boulevard Labelle. Mais j’ai toujours été intéressée par le tissage, même quand j’étais jeune. Je me rappelle que j’avais fait venir des patrons et des modèles de chez Leclerc (les métiers). Plus tard, une fois installée ici à Saint Sauveur, j’avais hâte de faire partie du cercle des Fermières (fondé en 1949) pour m’initier et apprendre sur un vrai métier à tisser. J’en ai tissé beaucoup de pièces de toutes sortes; j’ai aussi essayé de montrer à d’autres au cours de toutes ces années et je pense que j’ai pas mal réussi.

Je constate que tu fais partie de ce mouvement depuis longtemps.
Depuis plus de quarante ans maintenant. J’étais entrée en même temps que Margot St-Aubin et nous sommes encore là toutes les deux. On n’est pas des lâcheuses !
Est-ce vrai que tu as toujours habité au même endroit dans le village ?
Oui, quelques années après notre mariage, mon mari avait acheté la maison et le terrain de la succession Jean-Claude Bertrand sur la rue Principale. J’y ai élevé mes enfants et encore aujourd’hui, je vis dans la même maison. J’ai épousé Eugène Cloutier, fils de Raphaël Cloutier et d’Albina Filion de Saint-Sauveur. Il était le plus jeune de leurs treize enfants.
Mon mari aimait souvent partir loin en forêt pour faire la pêche et parfois la chasse. Il m’arrivait souvent de l’accompagner, c’était loin au nord, dans les environs de Clova; nous avions un chalet sur un terrain qu’on louait du gouvernement. C’était la sainte paix!
Les environs de mon village n’ont plus de secrets pour moi après toutes ces années. Il faut qu’il fasse bien mauvais temps pour que je ne sorte pas faire ma marche quotidienne. Il est très rare que je ne croise pas quelqu’un pour faire un brin de jasette. Ça aide à rester jeune, tu ne trouves pas?
Je suis tout à fait de ton avis, Lucille. Merci d’avoir partagé ces souvenirs avec nous, les lecteurs de LA MÉMOIRE.
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