Centre communautaire de la paroisse anglicane menacé
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- 2 juin
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St-Francis-of-the-Birds, un ensemble unique
Par Denis Chabot

Saint-Sauveur possède une seule église pour sa population anglophone alors que Morin-Heights en a trois. St- Francis-of-the-Birds fait partie du diocèse anglican de Montréal qui compte 150 ans d'existence et a été fondée en 1951 par le Révérend Chanoine Horace G. Baugh.
En 1940, alors jeune étudiant du Collège de théologie de l’Université McGill, il vient faire du ski à Saint-Sauveur. Émerveillé par la beauté du paysage, il rêve d'y voir une église anglicane qu'il veut nommer l'Église des Skieurs. Les années passent; il se marie et est ordonné pasteur de l’Église anglicane. En 1950, il est nommé à Morin-Heights et son rêve d'une église à Saint-Sauveur refait surface. Il soumet son projet à son évêque qui prête une oreille attentive à son projet. II se cherche des supporteurs parmi les personnalités éminentes de la région et trouve une oreille favorable dans la personne du Capitaine E. J. Rodgers qui sera le premier syndic de l'église. H.E. Dinsdale, homme d'affaires qui a une résidence secondaire sur la rue Saint-Denis, propose de payer la moitié du coût du terrain. Une troisième personne intéressée est John H. Molson qui est prêt à financer l'autre moitié du terrain et offre même de fournir le bois pour construire le temple.
Fait cocasse : sur sa terre de Saint-Sauveur, une tornade effroyable vient tout juste de déraciner quelque 600 arbres…
Monsieur Molson avait un seul désir : celui de mettre le nouveau temple sous le vocable de Saint-François-d'Assise. En premier lieu, l'évêque anglican n'aime pas ce nom mais devant l'enthousiasme du pasteur Baugh, il consent à ce que la nouvelle paroisse porte le nom d'un saint de l'église catholique. Le site le plus convoité, sis au coin de la rue Saint-Denis et du chemin du lac Millette, appartient à une veuve catholique, madame Damien Trottier, qui a hérité d'une partie de la terre de la famille Saint-Denis. Elle n'était pas opposée à la vente mais ne voulait pas d'un cimetière près de chez elle. Le cimetière de St-Francis-of-the-Birds est finalement situé à une courte distance de la route entre Saint-Sauveur et Morin-Heights. Le contrat est signé devant le notaire Conrad Laberge.
Le concept d'une structure en bois rond est proposé par Victor Nymark, un expert en ce genre de construction suivant une méthode scandinave. L’architecte Erwin Bamberger a collaboré avec Victor Nymark pour la réalisation du projet de l’église, ce qui a marqué une nouvelle orientation dans sa carrière. Par la suite, il a construit l’église et le centre communautaire de Mille-Iles ainsi que la tour et l’extension de l’église de Morin-Heights.
Bâtie en 1952, l’église anglicane est faite de troncs d’épinettes emboîtés l’un dans l’autre. En entrant, vous remarquerez qu’une vingtaine d’espèces d’oiseaux de notre région est représentée dans un vitrail inspiré de Saint-François d’Assise, le protecteur des oiseaux. La figure de proue, qui sert de chaire dans la chapelle, vient du navire Nooya, un voilier de 130 tonnes construit par le grand-père de monsieur Molson. Les lanternes de cuivre, qu’on aperçoit dans le chœur, proviennent du bateau Île de France et sont un don du capitaine E. J. Rodgers. Contrairement aux églises traditionnelles, la cloche est installée sur une base de ciment, l’architecte ayant oublié de prévoir une structure pour supporter une cloche. La cloche date de 1898 et provient d’une église anglicane de la région de Cowansville.
La salle paroissiale, adjacente à l’église, sera construite en 1958 de façon similaire. Le bois nécessaire à la construction venait de la ferme de Matt Kirkpatrick de la région de Morin-Heights et des Mille-Îles. Le duo Nymark/ Bamberger a de nouveau travaillé ensemble pour la réalisation de la salle communautaire. Les vitraux des fenêtres représentent les quatre saisons le jour et la nuit dans les Laurentides. Une pierre commémorative a été posée par Lucille Wheeler à la base des fondations du bâtiment; madame Wheeler a été la première canadienne à gagner deux médailles d’or et une médaille d’argent aux jeux olympiques d’hiver. Le bâtiment a été réalisé suite à une collecte de fonds organisée par John H. Molson et Chipman Dury. Depuis, il a été un lieu d’animation important pour les membres de la communauté anglophone de Saint-Sauveur, aujourd’hui moins importante en nombre, mais dont l’édifice marque une étape importante de son histoire. Avant sa retraite, le Chanoine Baugh verra à la construction du presbytère. Ce sera son successeur qui y logera. Malheureusement le presbytère est aujourd’hui démoli.
Aujourd’hui le centre communautaire de la paroisse anglicane est toujours menacé
Le journal Accès faisait état récemment du piétinement dans ce dossier qui mériterait une attention plus grande afin de protéger un élément important du patrimoine bâti de Saint-Sauveur. Certains de ces acteurs au dossier ne semblent pas au fait de l’importance et de l’intérêt du site au point de vue patrimonial. Dommage…! Mais heureusement, la Ville de Saint-Sauveur semble vouloir étudier la situation de plus près. Y aurait-il une meilleure solution ? Espérons qu’elle se matérialisera.
La société d’histoire et de généalogie des Pays-d’en-Haut s’est associée aux sociétés d’histoire de Morin-Heights et de Sainte-Marguerite afin de témoigner de l’importance de ce bâtiment dans l’histoire des Laurentides. La société d’histoire de Sainte-Marguerite mène, elle aussi, une lutte pour préserver le site du Baron Empain sur lequel on retrouve un bâtiment de style art déco unique au Québec.
Il est intéressant de souligner que monsieur Varin, qui désire faire l’acquisition du site Baron Empain à l’Estérel, est aussi le propriétaire du Manoir Saint-Sauveur et du centre communautaire de St- Francis-of-the-Birds voué à la démolition. Ce centre serait, selon les désirs de monsieur Varin, converti en une aire de stationnement.
Malheureusement, dans les dernières semaines, des vandales se sont mis à l’œuvre : portes arrachées, carreaux brisés et brûlés, détritus répandus un peu partout. Bien sûr, les responsables ont ramassé et réparé. Mais il faut plus… Il faut un intérêt de toute la communauté pour « surveiller » cet immeuble d’une autre époque et qui aurait encore tellement sa place chez-nous aujourd’hui.

Intérêt patrimonial
Le développement du ski dans la région ainsi que la beauté du paysage a amené dans les Laurentides plusieurs immigrants d’origine européenne qui ont influencé de façons multiples le développement de notre région. Finlandais d’origine, Victor Nymark est arrivé dans les Laurentides en 1928; il a construit plusieurs bâtiments importants dont le Alpine qui est actuellement aussi menacé de disparition, l’hôtel du Mont-Gabriel, l’hôtel Nymark qui a longtemps été un attrait distinctif pour le Mont-Saint-Sauveur et notamment l’ensemble des bâtiments de St-Francis-of-the-Birds, unique en son genre.
Victor Nymark a aussi été un des membres importants de la Laurentian Ressort Association, fondée en 1928 pour faire la promotion des Laurentides et du ski. Dans les années 30, l’association a tenu deux « ski shows » à New-York, Elle a aussi financé le développement des pistes de randonnée inter-villages dont la célèbre Maple Leaf tracée par Herman Smith Johannsen, dit Jackrabbit, d’orgine norvégienne. Jackrabbit était un paroissien d’Horace Baught; chaque dimanche il venait à la messe en tenue de ski prêt à partir après la cérémonie. Un jour, le révérend Baught a demandé à Jackrabbit, alors âgé de 80 ans, de prendre la parole au moment de la cérémonie. Son intervention est restée dans les archives de la communauté comme un appel à la pratique du sport, à profiter de la nature et du merveilleux paysage laurentien.
Avec la même technique, Nymark a aussi construit une cinquantaine de résidences dont plusieurs ont malheureusement été détruites. La ferme de John H. Molson, dont le premier propriétaire a été un des principaux donateurs pour la paroisse anglicane, n’a pu être préservée. D’où l’importance de sauvegarder, dans le futur, le patrimoine bâti de Saint-Sauveur et des Laurentides.

LM-104-03
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