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Augustin-Norbert Morin « fut un très grand homme… »

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    Admin
  • 9 juin
  • 5 min de lecture

J’étais encore récemment dans le beau village de Saint-Michel-de-Bellechasse, où Augustin-Norbert Morin est né en 1803. Au vieux presbytère, le curé m’apprend qu’il ne connaît pas ce nom. La dame responsable des archives de la paroisse, venue en renfort, ne connaissait pas non plus le grand homme Elle sortit de la voute le registre de 1803. Augustin-Norbert, fils du cultivateur Augustin Morin et de Marie-Anne Cotin dit Dugal, y était bel et bien à la date du 13 octobre que je leur avais indiquée...


Quelle terrible leçon cette anecdote ne nous donne-t-elle pas! Celui que je considère depuis très longtemps comme le plus grand personnage, l’esprit le plus brillant et l’intelligence la plus pure de toutes les politiques, de tous les juristes et de tous les chefs qu’a connus la nation canadienne-française, est absent de la mémoire de son village natal. Loin de moi l’idée de jeter le blâme sur mes hôtes déjà gênés de cette méconnaissance d’un fils lointain de la paroisse.


Les quelques paragraphes que nous consacrons aujourd’hui à Augustin-Norbert Morin sont bien peu par rapport au magistral ouvrage de Jean-Marc Paradis, Augustin-Norbert Morin, Septentrion éditeur, 2005. La remarquable préface de cet esprit raffiné qu’est Jacques-Yvan Morin vaut en elle-même l’acquisition de cette étude issue de la thèse de doctorat de monsieur Paradis, décédé en février 2004. Notre Société d’histoire a déjà publié quelques textes sur Morin. On peut en être fier.


Une mise en garde s’impose quant à ce que répand assez bêtement, entre autres, Wikipédia sur Morin. Ils le font naître à Québec, ce qui est faux. Au sixième paragraphe, ils l’appellent Auguste plutôt qu’Augustin. Ils en font le fondateur de Morin-Heights, alors que ce nom date de 1911, et de Val-Morin, qui se sépara de Sainte-Adèle en 1922, soit 57 ans après la mort d’Augustin-Norbert Morin, survenue en 1865. Que ce soit en son honneur que l’on nomma Val-Morin ne fait aucun doute, surtout que l’on baptisa en même temps la paroisse «Saint-Norbert», inspiré par son prénom.


Si Augustin-Norbert Morin est le fondateur de Sainte-Adèle, il n’en fut pas pour autant un résident. Ses racines et son impressionnant cheminement permettent de comprendre que la «fondation» de Sainte-Adèle relève davantage de la passion de ce grand humaniste d’ouvrir de nouveaux territoires de colonisation pour y établir des familles déjà trop nombreuses sur les terres surpeuplées des Basses-Laurentides. Son épouse, Adèle Raymond, née à Saint-Hyacinthe, y conservera son attachement toute sa vie durant.


La mort subite de Morin à Sainte-Adèle le 27 juillet 1865, dans la maison qu’il y avait fait construire et qui était devenue en 1861 propriété du docteur Benjamin Lachaîne, son fondé de pouvoir depuis plusieurs années, tient au fait que Morin, épuisé par une vie exceptionnellement active sur tous les fronts, s’était réfugié chez son ami pour y refaire ses forces. Ce qu’il avait dû faire à quelques occasions au fil des ans. Ses funérailles eurent d’ailleurs lieu à Saint-Hyacinthe où son corps, comme celui d’Adèle Raymond, repose dans la crypte de l’église Notre-Dame-du-Rosaire. Quant à la très belle maison de Morin à Sainte-Adèle, elle y est toujours non classée comme site historique, comme aucune autre d’ailleurs. Et pourtant…


La fondation de Sainte-Adèle témoigne d’un volet important de la philosophie et de la vie d’Augustin-Norbert Morin. Il fut en effet Commissaire des Terres, ministre donc, 1842-1843, sous le régime La Fontaine-Baldwin. Ses préoccupations profondes face à l’état de l’agriculture au Bas-Canada lui inspirèrent de nombreuses mesures sur la nécessité de mettre fin au régime seigneurial, de relever le niveau des techniques agricoles et de l’exploitation forestière, tout en mettant à la disposition des colons les moulins qu’il fit construire tant pour la mouture que pour le sciage des produits de la terre et de la forêt. Voilà l’élan vital que Morin donna à Sainte-Adèle à même les quelque 3800 acres dont il disposait principalement dans le canton d’Abercrombie. Oui, il est bien le fondateur de Sainte-Adèle. Mais Augustin-Norbert Morin fut tellement plus que cela!


«Peu d’hommes ont vécu plus intensément… les péripéties que connaît notre peuple de 1825 à 1865, c’est-à-dire depuis les prémisses de la Rébellion jusqu’à la fédération des colonies britanniques, en passant par le régime d’union des deux Canadas. Il est sans doute celui qui en a connu le plus grand nombre, en tant que conseiller, lieutenant et ami de Papineau, ensuite de La Fontaine, puis de successeur de celui-ci à la tête du Parti réformiste du Canada-Est. Accédant au poste de premier ministre «conjoint»… de 1851 à 1855, il déploie une activité inlassable, se transformant sous nos yeux de journaliste et juriste en homme d’État, inspiré par une volonté tenace de réforme et d’adaptation des institutions anglaises et de l’ancien droit français pour répondre aux besoins de ses compatriotes.» Jacques-Yvan Morin, Préface

On ne réécrit un aussi beau paragraphe : on le cite. Après les études classiques payées par le curé de sa paroisse, Augustin-Norbert Morin devient avocat. Il est encore étudiant quand il fonde, en 1826, la Minerve. Ce journal, qu’il vendit à Ludger Duvernay peu de temps après, restera un phare dans l’histoire du journalisme, et dans notre Histoire tout court. Cet organe d’information nationaliste vivra jusqu’en 1899, trente-quatre ans après la mort de son brillant jeune fondateur. Le docteur Wilfrid Grignon de Sainte-Adèle comptait parmi ses plus ardents défenseurs. Arthur Sauvé, chef conservateur, lancera son journal la Minerve (1918 à 1920), dans lequel le jeune journaliste Claude-Henri Grignon écrivit ses premiers articles.


À 27 ans, Augustin-Norbert Morin est élu député de Bellechasse. Déjà son engagement dans l’amélioration des conditions de vie démocratique lamentables des Canadiens se précise. Ses écrits font rapidement de lui un esprit remarquable. Il se voit confier par les chefs politiques que sont, entre autres, Papineau, Lafontaine, Chénier, Cartier, Duvernay…, la tâche d’écrire ce qui deviendra les 92 résolutions du parti Patriote. On parle ici d’un texte d’une importance et d’une portée capitales pour la survie de la nation. «Révolutionnaire» aux yeux des marchands anglais fanatiques de Montréal et de Québec, ce document est avant tout un brillant plaidoyer en faveur des droits démocratiques totalement absents dans la colonie britannique. Retenons, à titre d’exemple, la demande du «Parlement responsable», démocratiquement élu et représentatif. Morin fut le cerveau, l’esprit rassembleur et le pivot de cette volonté démocratique. C’est à Augustin-Norbert Morin que les chefs de la nation confièrent la tâche plus que délicate d’aller à Londres présenter et soutenir les Quatre-vingt-douze Résolutions, en 1834. La fin de non-recevoir de Londres marque un moment déterminant de notre histoire puisqu’il permet de comprendre la radicalisation subséquente des Patriotes, faisant de Morin un chef des rébellions, 1837-1838, particulièrement à Québec.


Contrairement à d’autres, Morin ne s’enfuit jamais. Il connut la prison, au prix d’une détérioration de sa santé déjà fragile. Il se battit par ses écrits innombrables. Il s’imposa par la rigueur de sa pensée et son indéfectible défense des droits de ses compatriotes. Il combattit le projet de l’Acte d’union des deux Canadas. Il accepta volontiers les tâches les plus exigeantes. Il proposa des réformes profondes et avant-gardistes. Il soumit un projet de loi pour établir l’école publique et rehausser le niveau de connaissances des agriculteurs. Il fut député de Bellechasse, de Nicolet, de Saguenay, de Chicoutimi-Tadoussac. Il ne connut qu’une défaite : icitte, dans Terrebonne!


S’il fut un des chefs patriotes, s’il écrivit et présenta les Quatre-vingt-douze Résolutions, à Londres, s’il présida l’Assemblée législative, l’œuvre de sa vie de juriste ayant exigé de lui les plus grandes qualités intellectuelles, morales et humanistes, pourrait être la réforme, c’est-dire la rédaction du premier Code civil du Bas-Canada. Une œuvre magistrale qui allait marquer la vie de la nation. (Rien à voir avec le Code Morin des assemblées délibérantes qui est du notaire Victor Morin, 1938.) En plus d’être l’auteur du premier Code civil, Augustin-Norbert Morin est le fondateur et premier Doyen de la Faculté de droit l’université Laval. Il trouva quelques adoucissements et une certaine reconnaissance quand on le nomma juge. Après tout, n’avait-il pas écrit le Code civil?


La lecture du bouquin de Jean-Marc Paradis sur Augustin-Norbert Morin demeure un incontournable, je le répète. Il est rare qu’une biographie soit à ce point un livre d’Histoire. Le personnage, méconnu, a dominé son époque et, surtout, a marqué la nôtre. Ce sont les institutions que Morin a marquées de façon déterminante plus que de simples événements, si importants fussent-ils pour leur temps. On comprendra mieux dans les Pays-d’en-Haut que le fondateur de Sainte-Adèle fut un très grand homme.


Sainte-Adèle, août 2010


LM-116-04



 
 
 

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